Tous philosophes ? (Gallimard, 2019) Sous la direction de J. Birnbaum
Il fallait y penser ! De prime abord, la question ne semble guère se poser. Et pourtant… C’est une question dont la ou les réponse (s) ne va ne vont pas de soi. Et j’ai bien fait de lire l’ouvrage dans l’ordre, c’est-à-dire par le commencement. La récompense fut à la mesure de mes attentes : la leçon inaugurale de Monsieur Roger-Pol Droit est tout simplement superbe Rien à y ajouter ni à en retrancher. Rédigée dans un style élégant et sobre, énonçant des problématiques philosophiques qui s’imposent, car elles vont de soi, il a livré une contribution de premier ordre en guise de réponse à la question posée. Un vrai délice, on est loin du jargon abscons qui fait croire à des difficultés insurmontables car imaginaires. L’auteur a aussi cité une phrase de Bergson (je crois) selon lequel il n’est pas d’idée qui ne puisse être exposée de manière claire et succincte, et ce, quelle que soit sa densité, réelle ou supposée.
C’est un vieux débat que si trouve ici revisité : RPD parcourt le jardin philosophique à grandes enjambées, de Socrate à Nietzsche, avec la fermeté d’un spécialiste, rappelant au passage que la philosophie est d’origine grecque, ce qui entraîne un certain nombre d’implications. Celles-ci se feront sentir dans un domaine qui m’est familier, notamment au Moyen Âge lorsque les trois monothéismes, fondés sur des Révélations divines, ont tenté de rapprocher la tradition religieuse de la spéculation philosophique. Les grands noms en sont Thomas d’Aquin, Albert le Grand, Maïmonide, Averroès et tant d’autres. Et dans ce cas précis, disons le bien, la socio-culture de l’époque n’autorisait pas le premier quidam venu à se mêler d’un tel voisinage, naturel ou contre-nature. La religion était alors le principal pilier de l’ »ordre social et quiconque osait récuser ses dogmes prenait des risques graves. Sous de telles latitudes et dans de telles conditions, toute la population ne pouvait pas prétendre à la réflexion philosophique… Il fallait, comme l’écrivit Maimonide dans l’introduction à son Guide des égarés, suivre les commandements de l’autorité religieuse, faute de formation intellectuelle adéquate. Maïmonide qui dépendait presque exclusivement des néo-aristotéliciens arabes (Al-Farabi, Ibn Sina, Ibn Badja, etc…) pour son bagage spéculatif, a opté pour une césure herméneutique entre la masse (l’écrasante majorité de la population) et les élites (une infime partie de l’humanité croyante et pensante.)