Johann Chr. Friedrich Hölderlin : Bald sind wir aber Gesang (C.H.Beck, Munich)
Ce que je dis est un mystère, mais ce mystère est une réalité. (Hypérion)
C’est probablement l’une des meilleures citations de toute l’œuvre de cet éminent poète, qui résume bien à la fois sa vie et son œuvre. Une vie d’homme sur le berceau duquel , contrairement aux Muses, les fées ne se sont jamais penchées. Qu’on en jauge : dès l’âge de deux ans son père meurt, sa mère, livrée à elle-même et ayant charge d’âmes, se remarie et voilà qu’elle revit un nouveau veuvage. Cette mère souhaitait ardemment que son fils devînt pasteur et se mît au service de l’église. Le jeune homme ira donc, grâce à une bourse destinée aux futurs ecclésiastiques, au Stift de Tübingen étudier la théologie. Sur place il aura d’éminents condisciples comme, Hegel en personne et Schelling.
Dès les origines, Hölderlin (1770-1843) connaît un évident mal-être qui le met en porte-à-faux avec la réalité. Ce que cette citation mise en exergue semble bien rendre. Avec ce poète, probablement l’un des plus doués de la langue allemande, nous avons affaire à un grand admirateur de la mythologie grecque, ce qui heurtait quelque peu les dogmes de l’église chrétienne. Oscillant entre le réel et le rêve, cet homme ne pouvait pas vivre comme tous ses contemporains qui étaient adaptés socialement ; c’est ainsi qu’il dut exercer différents emplois alimentaires grâce au soutien de ses puissants protecteurs, en l’occurrence Friedrich Schiller et Hegel. On lui trouva un modeste poste de précepteur dans la famille d’un grand banquier de Francfort sur le Main. Mais voilà que cet être éminemment sensible et susceptible tombe éperdument amoureux de la mère de son élève. Cet amour qui ne pouvait être que platonique n’en causa pas moins de ravages dans l’âme de cet homme qui en sortit fortement ébranlé. Surtout lorsque le mari s’en mêla ; et dès cet instant, sons séjour à Francfort devint impossible. Dans ses poèmes et ses œuvres littéraires, Hölderlin va sublimer cet amour impossible et donner un nom à sa belle, Diotima.