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Vu de la place Victor-Hugo - Page 395

  • Semaine délicate pour l’exécutif français : la jeunesse est dans la rue

    Semaine délicate pour l’exécutif français : la jeunesse est dans la rue

    La situation se détériore de plus en plus dans l’Hexagone. Et c’est la loi dite El Khomry qui a versé de l’huile sur le feu. Franchement, on ne voit pas comment la loi pourrait passer sans être dénaturée, entièrement vidée de son contenu. Les syndicats et les jeunes n’accepteront pas de corrections à la marge, ils veulent une réécriture, tandis que les autres organisations de travailleurs, CGT en tête, réclament le retrait pur et simple de cette loi. On a donc affaire à des réformistes s’opposant à des fondamentalistes. Mais même les premiers mettent en garde le gouvernement : ils n’accepteront pas des modifications cosmétiques.

    Le gouvernement fait face à un vrai dilemme : il ne peut pas se déjuger gravement en capitulant en rase campagne, il ne peut pas, non plus, ne rien faire puisque tout l’intérêt de la loi est de faire baisser le chômage et de rendre plus aisée une éventuelle candidature de Fr Hollande en 2017, enfin il ne peut pas, sans graves conséquences pour son chef, retirer le projet purement et simplement. La situation de Manuel Valls serait alors intenable avec les développements que l’on sait.

    Je ne souscris pas à des raisonnements machiavéliques faisant état d’un terrifiant stratagème fourbi par un membre de l’exécutif contre l’autre. On aurait tendu un piège au Premier Ministre le laissant s’empêtrer dans un chaos sans nom qui conduirait à son départ, ce que des socialistes de plus en plus nombreux semblent souhaiter, notamment depuis la tribune au vitriol parue dans Le Monde et cosignée par Martine Aubry et d’autres frondeurs.

    Les mêmes qui développent ce raisonnement à la fois tortueux et invraisemblable ajoutent que le président n’aurait pas apprécié qu’on lui force la main, ni même les arrière-pensées de quelques uns, spéculant sur son éventuel départ au terme de son mandat…

    De telles spéculations portant sur un divorce entre les deux têtes de l’exécutif ne tiennent pas la route. Certes, les tempéraments sont différents, les approches aussi, mais si on avait voulu remplacer le Premier Ministre, c’était au moment du remaniement du gouvernement qu’il fallait le faire… Qui s’aventurerait à changer d’attelage à moins de 14 mois de l’élection présidentielle ? Et le remplacer par qui ? Sapin, Royal, Macron ? Impossible

    Pour le moment les manifestations vont avoir lieu et le gouvernement scrutera leur importance. Et surtout si les jeunes sont dans la rue et bloquent les lycées, ce sera une autre paire de manches.

  • L’Union Européenne, la Turquie et les réfugiés : les contours d’un chantage

    L’Union Européenne, la Turquie et les réfugiés : les contours d’un chantage

    Les concepteurs, les fondateurs et les dirigeants (actuels ou passés) de l’Union Européenne ont été et sont en dessous de tout. Ils ont mis au monde un enfant sans jamais penser à le protéger des aléas de l’existence ni des appétits insatiables de puissances étrangères désireuses de s’inviter, à tout prix, à la table de la nouvelle entité politique. Beaucoup de choses ont été faites à la va vite et, pour ne parler que des problèmes actuels, cette invasion migratoire qui ne dit pas son nom n’a jamais été envisagée, pas même par les experts les plus affutés…

    La Turquie avec ses 85 millions d’habitants a su exploiter à son avantage la crise en accueillant sur son sol des millions de réfugiés, réels ou supposés, pour en faire ensuite une monnaie d’échange et adopter sans la moindre gêne, une position de force à la table des négociations. Ce pays dicte ses conditions : nous reprenons tous les réfugiés quels qu’ils soient, mais vous nous donnez au total 6 milliards, vous supprimez les visas d’entrée en Europe pour les Turcs et vous accélérez notre entrée dans l’Union.

    Or, si la clause financière peut paraître acceptable, les deux dernières ne le sont pas du tout. Ce serait une invasion qui ne dit pas son nom. Si vous laissez entrer les gens sans visa, il est sûr et certain qu’ils ne repartiront pas, plus jamais ils ne rentreront chez eux. Les pompes aspirantes sont trop tentantes en Europe… Et l’on peut comprendre que des gens qui ne veulent plus vivre dans un régime qui ne respecte pas la liberté de la presse, souhaitent migrer vers des horizons plus cléments. Mais voilà, même les pays nordiques, jadis réputés pour leur tradition d’hospitalité, adoptent une attitude qui se rapproche de celle du FN ! Du jamais vu…

    Le gouvernement turc actuel fait preuve de beaucoup de cynisme ; il sait que les opinions publiques occidentales sont traversées par un profond sentiment de culpabilité et surtout de compassion : comment rester insensibles, en effet, devant tant de tragédies humaines, tant de noyades, tant d’enfants livrés à eux mêmes sur un sol étranger, ne disposant d’aucune ressource, ne parlant pas la langue du pays ? Les Etats sont des monstres froids mais dans ce cas d’espèce c’est bien pire…

    La Turquie veut installer un dispositif dont elle serait la maitresse exclusive et qui s’avérera un véritable nœud coulant pour l’Europe civilisée : elle propose d’organiser, de réguler le flux des réfugiés vers l’Europe, mais elle pourra, selon son désir, en accroître ou en réduire le débit. C’est un doigt puissant pressé contre la veine jugulaire de l’Europe. Et quand donc ce processus prendra-t-il fin ? Jamais, ou selon la volonté de l’Etat régulateur qui pourra ainsi dicter sa loi à l’Europe qui risque d’être submergée.

    Mais dans ce contexte, la responsabilité de Madame Merkel est immense : c’est elle qui a dicté ce compromis car il sert ses intérêts, mais ce n’est pas une bonne affaire sur le long terme. Elle croit que les gens qu’elle accueille ont la même culture, les mêmes mœurs ; or, rien n’est moins vrai. Et une certaine soirée à la gare centrale de la ville de Cologne aurait dû lui mettre la puce à l’oreille… Il lui faudra éviter les fautes commises par des pays voisins qui n’ont pas su ou pas voulu assimiler correctement ces populations au lieu de se contenter d’une intégration sommaire…

    Mais il ne faut pas oublier l’éthique, même si certains s’en servent pour faire pression et faire sauter des digues. Il y a l’universalité de la loi morale : quand quelqu’un a faim ou froid, quand il est souffrant, quand il risque de se noyer, de mourir, on doit se porter à son secours, l’aider à se rétablir. Quelles que soient sa religion, la couleur de sa peaux, ses origines ethniques ou autres… Mais une fois qu’il est rétabli, il doit pouvoir rentrer chez soi. Et c’est là tout le problème : ils n’ont plus de chez soi !

    Maurice-Ruben HAYOUN in TDG du 8 mars 2016

  • La loi travail dite loi El Komri

    La loi travail dite loi El Komri

    Je ne vous cacherai pas que j’écris juste après avoir écouté Jean-Luc Mélenchon dans l’émission de Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV. Certains de ses arguments m’ont aidé à comprendre les raisons qui ont poussé près d’un million d’hommes et de femmes à signer la pétition qui demande ni plus ni moins que le retrait de la loi en question.

    Je pense que l’exécutif ne sait pas très bien où il va, tant l’idée d’une nouvelle candidature pour 2017 l’obsède. Tout ce qu’il fait, toutes les lois qu’il propose, toutes les mesures qu’il entend prendre sont soit tardives, soit inappropriées. J’ai récemment rencontré un ami, un très haut fonctionnaire, ancien des lieux de pouvoir, qui me disait ne pas comprendre qu’ l’on propose une loi si grave, aux conséquences si générales, moins de 15 mois avant les élections présidentielles. Et il poursuivait en ces termes : c’est la panique de voir le chômage augmenter qui pousse Messieurs Valls et Hollande à faire passer cette loi ; car, sans baisse du chômage, l’horizon est bouché pour 2017…

    De mon point de vue de non spécialiste, j’oscille entre deux attitudes contradictoires. Il y a du bon dans cette loi mais il y a aussi bien des sujets d’inquiétude. Il existe une mentalité française qui est ce qu’elle est, les Français sont rétifs aux réformes, ils aiment la douceur de vivre, ils ont vécu durant des siècles dans un cocon. Il tiennent à leur mode de vie, devenu le modèle social français, ils aiment la douceur de vivre : qui pourrait le leur reprocher ?

    Mais voilà, ce monde là a changé. Il n’existe plus. L’émission de ce matin rappelait même que la plupart des embauches se faisait en CDD et non plus en CDI. Or, les Français dans leur écrasante majorité refusent cette précarisation galopante de leur existence : qui pourrait le leur reprocher ? Certes, mais il faut aussi tenir compte de la réalité, ce que les Allemands appellent das Realitätsprinzip… Tous les pays d’Europe ont dû assouplir ou réformer leur Code du travail pour être en adéquation avec la situation présente. On dit toujours que la France tarde à engager les réformes. Et ce n’est pas faux. Mais pour quelle raison ?

    Eh bien, celle-ci nous est fournie par les différentes manifestations prévues pour le début et la fin de ce mois. Mais circonstance aggravante, la jeunesse descend dans la rue. Etudiants et lycéens ne veulent pas de l’avenir qu’on leur prépare. Ils voient dans le trio Hollande-Valls –Macron un ensemble qui ne fait pas l’affaire… Le problème est qu’il est très difficile de calmer les jeunes, de les ramener sans encombre dans les lycées et les universités. On n’envoie pas les CRS ou les garde-mobiles contre ses enfants. Ce sont pas de casseurs ni des criminels.

    Ce qui frappe bien plus, c’est que ce sont des dirigeants socialistes, horrifiés par la politique du trio sus mentionnée, qui ont invité en sous main les jeunes à aller manifester. Notamment l’UNEF qui a toujours été un vivier du PS. Er, c’est l’UNEF qui est à la manœuvre… C’est dire combien le crédit des dirigeants actuels est sérieusement érodé.

    Pourront-ils inverser la courbe du chômage en 13 mois ? Ils devraient réfléchir à deux fois avant de précipiter l’ensemble du pays dans des troubles graves et dans un chaos sans nom…