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Vu de la place Victor-Hugo - Page 393

  • L’Union Européenne, la Turquie et les réfugiés : les contours d’un chantage

    L’Union Européenne, la Turquie et les réfugiés : les contours d’un chantage

    Les concepteurs, les fondateurs et les dirigeants (actuels ou passés) de l’Union Européenne ont été et sont en dessous de tout. Ils ont mis au monde un enfant sans jamais penser à le protéger des aléas de l’existence ni des appétits insatiables de puissances étrangères désireuses de s’inviter, à tout prix, à la table de la nouvelle entité politique. Beaucoup de choses ont été faites à la va vite et, pour ne parler que des problèmes actuels, cette invasion migratoire qui ne dit pas son nom n’a jamais été envisagée, pas même par les experts les plus affutés…

    La Turquie avec ses 85 millions d’habitants a su exploiter à son avantage la crise en accueillant sur son sol des millions de réfugiés, réels ou supposés, pour en faire ensuite une monnaie d’échange et adopter sans la moindre gêne, une position de force à la table des négociations. Ce pays dicte ses conditions : nous reprenons tous les réfugiés quels qu’ils soient, mais vous nous donnez au total 6 milliards, vous supprimez les visas d’entrée en Europe pour les Turcs et vous accélérez notre entrée dans l’Union.

    Or, si la clause financière peut paraître acceptable, les deux dernières ne le sont pas du tout. Ce serait une invasion qui ne dit pas son nom. Si vous laissez entrer les gens sans visa, il est sûr et certain qu’ils ne repartiront pas, plus jamais ils ne rentreront chez eux. Les pompes aspirantes sont trop tentantes en Europe… Et l’on peut comprendre que des gens qui ne veulent plus vivre dans un régime qui ne respecte pas la liberté de la presse, souhaitent migrer vers des horizons plus cléments. Mais voilà, même les pays nordiques, jadis réputés pour leur tradition d’hospitalité, adoptent une attitude qui se rapproche de celle du FN ! Du jamais vu…

    Le gouvernement turc actuel fait preuve de beaucoup de cynisme ; il sait que les opinions publiques occidentales sont traversées par un profond sentiment de culpabilité et surtout de compassion : comment rester insensibles, en effet, devant tant de tragédies humaines, tant de noyades, tant d’enfants livrés à eux mêmes sur un sol étranger, ne disposant d’aucune ressource, ne parlant pas la langue du pays ? Les Etats sont des monstres froids mais dans ce cas d’espèce c’est bien pire…

    La Turquie veut installer un dispositif dont elle serait la maitresse exclusive et qui s’avérera un véritable nœud coulant pour l’Europe civilisée : elle propose d’organiser, de réguler le flux des réfugiés vers l’Europe, mais elle pourra, selon son désir, en accroître ou en réduire le débit. C’est un doigt puissant pressé contre la veine jugulaire de l’Europe. Et quand donc ce processus prendra-t-il fin ? Jamais, ou selon la volonté de l’Etat régulateur qui pourra ainsi dicter sa loi à l’Europe qui risque d’être submergée.

    Mais dans ce contexte, la responsabilité de Madame Merkel est immense : c’est elle qui a dicté ce compromis car il sert ses intérêts, mais ce n’est pas une bonne affaire sur le long terme. Elle croit que les gens qu’elle accueille ont la même culture, les mêmes mœurs ; or, rien n’est moins vrai. Et une certaine soirée à la gare centrale de la ville de Cologne aurait dû lui mettre la puce à l’oreille… Il lui faudra éviter les fautes commises par des pays voisins qui n’ont pas su ou pas voulu assimiler correctement ces populations au lieu de se contenter d’une intégration sommaire…

    Mais il ne faut pas oublier l’éthique, même si certains s’en servent pour faire pression et faire sauter des digues. Il y a l’universalité de la loi morale : quand quelqu’un a faim ou froid, quand il est souffrant, quand il risque de se noyer, de mourir, on doit se porter à son secours, l’aider à se rétablir. Quelles que soient sa religion, la couleur de sa peaux, ses origines ethniques ou autres… Mais une fois qu’il est rétabli, il doit pouvoir rentrer chez soi. Et c’est là tout le problème : ils n’ont plus de chez soi !

    Maurice-Ruben HAYOUN in TDG du 8 mars 2016

  • La loi travail dite loi El Komri

    La loi travail dite loi El Komri

    Je ne vous cacherai pas que j’écris juste après avoir écouté Jean-Luc Mélenchon dans l’émission de Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV. Certains de ses arguments m’ont aidé à comprendre les raisons qui ont poussé près d’un million d’hommes et de femmes à signer la pétition qui demande ni plus ni moins que le retrait de la loi en question.

    Je pense que l’exécutif ne sait pas très bien où il va, tant l’idée d’une nouvelle candidature pour 2017 l’obsède. Tout ce qu’il fait, toutes les lois qu’il propose, toutes les mesures qu’il entend prendre sont soit tardives, soit inappropriées. J’ai récemment rencontré un ami, un très haut fonctionnaire, ancien des lieux de pouvoir, qui me disait ne pas comprendre qu’ l’on propose une loi si grave, aux conséquences si générales, moins de 15 mois avant les élections présidentielles. Et il poursuivait en ces termes : c’est la panique de voir le chômage augmenter qui pousse Messieurs Valls et Hollande à faire passer cette loi ; car, sans baisse du chômage, l’horizon est bouché pour 2017…

    De mon point de vue de non spécialiste, j’oscille entre deux attitudes contradictoires. Il y a du bon dans cette loi mais il y a aussi bien des sujets d’inquiétude. Il existe une mentalité française qui est ce qu’elle est, les Français sont rétifs aux réformes, ils aiment la douceur de vivre, ils ont vécu durant des siècles dans un cocon. Il tiennent à leur mode de vie, devenu le modèle social français, ils aiment la douceur de vivre : qui pourrait le leur reprocher ?

    Mais voilà, ce monde là a changé. Il n’existe plus. L’émission de ce matin rappelait même que la plupart des embauches se faisait en CDD et non plus en CDI. Or, les Français dans leur écrasante majorité refusent cette précarisation galopante de leur existence : qui pourrait le leur reprocher ? Certes, mais il faut aussi tenir compte de la réalité, ce que les Allemands appellent das Realitätsprinzip… Tous les pays d’Europe ont dû assouplir ou réformer leur Code du travail pour être en adéquation avec la situation présente. On dit toujours que la France tarde à engager les réformes. Et ce n’est pas faux. Mais pour quelle raison ?

    Eh bien, celle-ci nous est fournie par les différentes manifestations prévues pour le début et la fin de ce mois. Mais circonstance aggravante, la jeunesse descend dans la rue. Etudiants et lycéens ne veulent pas de l’avenir qu’on leur prépare. Ils voient dans le trio Hollande-Valls –Macron un ensemble qui ne fait pas l’affaire… Le problème est qu’il est très difficile de calmer les jeunes, de les ramener sans encombre dans les lycées et les universités. On n’envoie pas les CRS ou les garde-mobiles contre ses enfants. Ce sont pas de casseurs ni des criminels.

    Ce qui frappe bien plus, c’est que ce sont des dirigeants socialistes, horrifiés par la politique du trio sus mentionnée, qui ont invité en sous main les jeunes à aller manifester. Notamment l’UNEF qui a toujours été un vivier du PS. Er, c’est l’UNEF qui est à la manœuvre… C’est dire combien le crédit des dirigeants actuels est sérieusement érodé.

    Pourront-ils inverser la courbe du chômage en 13 mois ? Ils devraient réfléchir à deux fois avant de précipiter l’ensemble du pays dans des troubles graves et dans un chaos sans nom…

  • L’Europe face à la Turquie d’Erdogan : défendre ses idéaux ou défendre ses intérêts ?

    L’Europe face à la Turquie d’Erdogan : défendre ses idéaux ou défendre ses intérêts ?

    Ce sera l’enjeu majeur de cette réunion de lundi à Bruxelles avec les autorités turques dont on a déjà dit et redit qu’elles jouaient double jeu, faisaient flèche de tout bois, bombardaient plus le PKK que l’Etat islamique et ne faisaient pratiquement rien pour stopper l’exode vers l’Europe ni combattre les passeurs ! Ce sont là des affaires sérieuses. Ile ne faut pas, néanmoins, n’instruire qu’à charge : la Turquie reçoit sur son territoire près de deux millions de réfugiés de toutes sortes, lesquels bien que tous arabo-musulmans, ne veulent pas intégrer les riches pays arabes de la région mais jettent leur dévolu sur l’Europe, au risque de leur vie, une Europe qui se déclare incapable de les recevoir et commence à envisager de renvoyer tout ce petit monde d’où il vient. Mais la Turquie a absolument droit à une aide de quelques milliards pour subvenir aux besoins des réfugiés, leur réserver un accueil décent. Sur ce point, il n y a rien à dire, mais bien sur tout le reste, et ce reste est considérable. D’abord, je ne crois pas que l’Europe ait jamais envisagé sérieusement d’accueillir ce pays au sein de l’Union ; même Jacques Chirac avait assorti cela d’un référendum du peuple français ; et je laisse de côté des pays foncièrement catholiques qui refuseraient d’avoir dans l’UE près de 90. 000 000 de musulmans chez eux, ce qui bouleverserait définitivement les équilibres. Ces mêmes pays barrent l’accès à leur pays au motif qu’ils veulent rester chez eux entre eux.

    Que fera l’Europe demain ? Va t elle s’indigner verbalement qu’on ferme un journal Zaman et qu’on embastille ses journalistes ? Va t elle exiger du sultan qu’il cesse de se comporter en satrape oriental et qu’il respecte la liberté d’opinion, et notamment celle de la presse ? Ou va t elle au contraire, tout céder pour obtenir un point majeur : la rétention des réfugiés sur place et le retour d’où ils viennent… Le tout assorti de quelques milliards qui seront nécessaires s’ils sont bien utilisés, c’est-à-dire remis aux réfugiés pour les nourrir, les vêtir, les éduquer, les soigner, etc… Donc défendre ses intérêts avant tout. Car, comment voulez vous que l’Europe devienne le réceptacle d’un déversoir ? Si la moitié de la population syrienne ou irakienne suivait Madame Merkel, que diront les Allemands ?

    Mais même si les Turcs se décidaient enfin à jouer le jeu, à bloquer les passeurs, saisir leurs embarcations de fortune et garder les réfugiés sur place, ce sera un remède cosmétique. Ce qu’il faut, c’est prendre le problème à la source : faire régner le calme en Syrie, réduire l’EI et supprimer les causes qui entraînent cette conséquence majeure : l’émigration, l’exil.

    Et cela, malheureusement, nous échappe en Europe, cela repose entre les mains du dirigeant du plus grand et plus puissant pays, les USA. Si Barack Obama avait fait un autre calcul, en quelque semaines, avec l’envoi de quarante mille hommes, il aurait réglé la question. A l’inverse, il bombarde indéfiniment et l’EI a trouvé la parade, il se terre. Certes, il cesse d’avancer et de conquérir de nouvelles parcelles de territoire…… Mais il est à Mossoul en Irak et contrôle une part non négligeable du territoire syrien.

    Pendant tout ce temps, des Syriens meurent, se noient, ont froid et faim. Mais un jour, l’Histoire rendra son verdict qui sera alors sans appel.

    Les Allemands ont un très beau proverbe, le voici : Gottes Mühlen mahlen langsam, langsam aber fein ; les moulins de Dieu moulent lentement, lentement, mais finement.