Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Vu de la place Victor-Hugo - Page 391

  • Les modifications de la loi sur le travail . une France coupée en deux !

    Les modifications de la loi sur le travail . une France coupée en deux !

    Je viens d’écouter le Premier Ministre Manuel Valls sur les modifications apportées à la loi sur le travail. Je ferai deux commentaires, l’un sur la personnalité de l’intéressé, l’autre sur l’ambiance dans le pays.

    Manuel Valls est apparu entièrement différent de ce qu’il est généralement. Les commentateurs avisés de la chose politique ont dit qu’il s’était hollandisé, allusion ironique au plus grand tricoteur de synthèse du pays qu’est François Hollande, ancien premier secrétaire du PS. L’homme fait preuve de retenue, même si, sous la glace on sent la braise qui ne demande qu’à rougeoyer de nouveau.

    Sur le pays, à présent : la France est coupée en deux, toujours cet antagonisme entre une droite et une gauche, déjà signalé par feu Georges Pompidou qui redoutait qu’un jour, un dirigeant casqué et botté vienne trancher ce nœud gordien.

    C’est là que le bât blesse : c’est une France qui refuse de suivre ou d’accompagner l’autre France . Mais il faut comprendre les gens. Comment voulez vous, qu’après tant d’années de protection, de jouissance de ce fameux modèle social français, les nationaux, je ne parle des étrangers ou des nouveaux venus, renoncent soudain à leur sécurité et à leurs avantages sociaux : sécurité de l’emploi, allocation familiales, allocations chômage, frais médicaux remboursés, université et enseignement supérieur gratuits, etc… Même l’Allemagne qui est bien mieux logée que la France a adopté de force les jobs à moins de 500 € par mois là où la France augmente l’indice de ses fonctionnaires et le smig…

    Que l’on me comprenne bien, je n’émets pas d’opinion personnelle mais me contente simplement d’analyser la situation. La France, vu ses déficits abyssaux, ne pourra pas continuer indéfiniment sur cette voie. Manuel Valls a justement tenté de redresser la barre et a dû reculer en rase campagne car le président de la République ne pense qu’à une chose : se représenter pour être réélu.

    Or, certains signaux soulignent que cela n’est pas une simple formalité. L’équation de l’exécutif est simple : trois personnes émergeront de cette bataille électorale : Hollande, Le Pen, Sarkozy. L’actuel président pense être au premier tour, loin derrière Marine Le Pen. Les Français réagiront comme du temps où son père fut au second tour, ils ont triomphalement réélu Jacques Chirac… Fr. Hollande rêve d’un remake…

    Ce n’est pas gagné, mais tant de choses peuvent se produire d’ici là. Et dans le camp de la gauche et dans celui de la droite. Si c’est A. Juppé qui triomphe aux primaires, le scénario sus cité tombe à l’eau. A gauche, on n’exclut pas d’autres candidatures, sans même parler de Montebourg ni des écologistes ! Il y a Jean-Luc Mélenchon qui raflera au moins 6 ou 7 % sinon plus. Il y a les écologistes qui feront un score plus modeste. Et tout ceci représente autant de voix en moins pour le candidat de la gauche, quel qu’il soit.

    Alors peut être faudrait il changer entièrement de logiciel. Les sages comprendront ( al faham yafham : ha-mévin yavin)

  • L’électorat allemand désavoue la politique migratoire de Madame MERKEL

    L’électorat allemand désavoue la politique migratoire de Madame MERKEL

    C’était prévisible, c’était même attendu, ce qui démontre que nul n’est à l’abri de fautes d’appréciation et la longévité au pouvoir ne constitue pas une assurance tous risques contre l’erreur. Rien ne nous préserve de l’erreur, si ce n’est une attention accrue et la capacité d’écoute. Les sondages et le reste de l’Europe ont alerté la Chancelière qui n’a pas voulu en tenir compte. Le résultat ne s’est pas fait attendre (blieb nicht aus). Les électeurs ont durement sanctionné le parti de Madame Merkel qui a perdu des voix partout. Cela ne présage rien de bon pour les élections législatives générales qui auront lieu dans 18 mois.

    Que la Chancelière prenne garde ! Le dernier titre du Figaro, pourtant peu suspect de politique germanophobe, était assez révélateur ; il disait que la France ne compte plus pour la Chancelière. En effet, elle avait, avant la réunion de Bruxelles, reçu le Premier Ministre turc qui fit, par la suite, preuve d’une arrogance et d’un cynisme peu communs. Il a même fait un chantage aux visas et aux réfugiés : il fait flèche de tout bois pour forcer l’entrée de son pays dans l’Union Européenne. Mais qui, en Europe, à part Madame Merkel, voudrait avoir une frontière commune avec le Syrie ou, pire, avec des républiques musulmanes, anciennement soviétiques ? C’est impensable.

    Durant le weekend François Hollande a reçu ses homologues et collègues sociaux-démocrates d’Europe ; et à la fin il a dénoncé le chantage de la Turquie, il a cloué au piloris son exigence concernant les visas ! Imaginez ce qui se passerait si l’on supprimait les visas d’entrée des citoyens de ce pays : il arriverait aux autres pays de l’UE ce qui arrive aux Allemands, ce serait un flux continu, incontrôlé et contre lequel on ne pourrait rien faire ( post festum).

    On a déjà eu l’occasion de dire ici même dans ces colonnes que les motivations profondes de la Chancelière n’apparaissaient pas clairement. Son pays contient déjà une forte minorité turque, notamment dans un quartier de Berlin, le Kreuzberg. Et tous les Turcs ne sont pas un danger ni un risque pour une nation chrétienne, loin de là, mais à forte dose, cela pourrait le devenir. Encore une fois, je le souligne, il ne faut pas généraliser mais voila les autres partis de droite et d’extrême droite l’ont fait. Et ils ont gagné ! Les électeurs les ont suivis.

    Les historiens dateront probablement d’hier l’inversion de la courbe de popularité de la Chancelière. Je connais bien les Allemands pour avoir enseigné de nombreuses années dans leurs universités : Berlin, Heidelberg. Je sais quels sont les ressorts de leur culture. Leur réaction était prévisible. Non pas qu’ils soient xénophobes ou racistes mais tout simplement parce qu’ils ne sont pas prêts à renoncer à leur civilisation judéo-chrétienne. Ils tiennent à leurs valeurs : qui pourrait le leur reprocher ?

    La Chancelière pourrait être prochainement menacée par le syndrome Margaret Thatcher, débarquée sans ménagement par son parti : désavouée, elle s’en est allée, tristement chez elle. Pourtant, des années durant, elle avait joui d’une très forte popularité.

    Alors que devrait elle faire pour stopper la décrue (die Ebbe) : elle ne doit pas tenter d’imposer au reste de l’Europe, ses tendances turcophiles puisque même la France dénonce les atteintes aux droits de l’homme par M. Erdogan. Elle ne doit pas demander la suppression des visas.

    Le fera t elle ? Franchement, j’en doute. Mais alors que deviendra le front franco-allemand ? Et que deviendra Schengen ?

    Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du 14 mars 2016

  • L'esprit du judaïsme: le midrash de Rabbi Bernard

    Bernard-Henri Lévy* et sa confession judaïca ou le midrash de Rabbi Bernard

    En reposant ce beau livre après l’avoir lu attentivement de la première à la dernière ligne, je me sens assailli par des souvenirs, ravivés d’ailleurs par l’ouvrage lui-même qui cite au moins trois ou quatre fois Le testament de Dieu dont la lecture avait suscité en moi (et chez tant d’autres gens) des sentiments mêlés… Et pourtant, quarante ans après (tiens, un chiffre symbolique qui n’est pas passé inaperçu dans le livre !) l’auteur, jadis âprement critiqué de toutes parts, parachève une entreprise de longue haleine en signant cette émouvante confession juive qui m’a personnellement ému, même si je suis, moi, un authentique spécialiste des études bibliques, judéo-arabes et judéo-allemandes. J’ai découvert dans ce livre une sensibilité juive que j’avais moi-même troquée depuis fort longtemps contre une approche historico-critique des sources juives anciennes… Une désignation que l’auteur ne reprendrait sûrement pas à son compte, lui qui examine d’abord la vie, la vitalité de la spiritualité juive, son arborescence à travers les âges, et surtout son refus affiché de séparer les époques historiques ; et l’on voit les sages du Talmud côtoyer les philosophes juifs médiévaux ou encore les grands maîtres hassidiques des XVIII-XIXe siècles. Cette attitude trahit une empathie profonde avec l’objet étudié qui n’est jamais réifié, jamais distant de celui qui l’étudie car en réalité, il ne l’étudie pas, il le vit. Ceci n’est pas sans rappeler l’attitude de Franz Rosenzweig (1886-1929), privilégiant le Lernen qui disait que le judaïsme n’était pas son objet d’étude, mais sa méthode, son approche des choses. Une vision juive de l’univers, eine jüdische Weltanschauung. On retrouve cette critique de l’analyse desséchante d’un courant spirituel allemand que j’aime bien pour l’avoir longuement étudié, la science du judaïsme (Wissenschaft des Judentums), et dont le péché véniel fut de verser dans un historicisme de mauvais aloi… On cherchait les sources juives ou non juives de telle ou telle doctrine ou pratique, et on excluait systématiquement ce sentiment religieux qui se donne libre cours de la première à la dernière page de ce livre, L’esprit du judaïsme.

    Le lecteur averti ou non averti découvrira avec surprise l’itinéraire qui a mené à cette étape qu’on espère être la dernière sur le chemin de l’auteur. Il a mis près de quarante ans à mûrir son projet, un peu comme les enfants d’Israël, condamnés après la sortie d’Egypte, à errer dans le désert jusqu’à ce que leur nature d’anciens esclaves disparaisse pour donner enfin naissance à des hommes nouveaux, libres et marchant allégrement à la rencontre de leur destin, la Révélation et le don de la Tora sur le Sinaï. Un autre aveu d’ignorance de ma part : certes, l’auteur s’est fait aider pour tout ce qui touche à la langue hébraïque, à l’araméen du Talmud, mais j’ignorais qu’il avait si bien retenu la ou les leçons de ses maîtres… Pas de fautes dans les transcriptions de l’hébreu en français, pas de confusion dans le genre des noms cités. Bref, le contraire de ce qu’on insinuait au sujet de l’auteur : parler de choses qu’il ne connaît pas et ne parler, en fait, que de lui-même ! Mais là, miracle : c’est justement cette implication de lui-même qui en fait le grand intérêt, s’il n’était pas entré dans l’histoire avec toute la force d’engagement dont il est capable, ce livre n’aurait pas marqué une étape majeure dans l’évolution spirituelle de son auteur.

    J’évoquais les maîtres, ceux qui ont catéchisé Bernard-Henri Lévy, et qui sont au moins au nombre de trois. Il y a tout d’abord la Bible et notamment le livre de Jonas que l’auteur a étudié à la loupe, y compris en s’aidant de l’original hébreu, ce qui donne un cachet particulier à son exégèse biblique ; eh oui, BHL, par ce livre, en est devenu un, mais sans jamais adhérer à la méthode de la critique biblique, adhérant dans tous les cas étroitement à l’approche traditionnelle du midrash et de Rashi. ; ensuite il y a Emmanuel Levinas qui a exercé sur notre auteur une influence indélébile au point que maintes idées de l’auteur de Difficile liberté ont été incorporées à ce livre ; enfin, le troisième mais non le moindre est Benny Lévy, cet homme, aujourd’hui disparu, qui a effectué une étrange translation qui l’a mené du maoïsme le plus radical à une religion juive non moins radicale. L’auteur et son homonyme (ce fait n’a pas été sans importance dans leur rapprochement) se sont très bien entendus, en dépit de leurs différences qui sont fort nombreuses : BHL cite sur toute une page les reproches amènes de son ami au sujet de sa perte de temps et de son gaspillage d’énergie au service de causes qu’il n’affectionnait pas vraiment. Ayant le sens de la formule, l’auteur n’hésite pas à écrire en italiques : de Mao à Moïse… On peut aussi lire, dans ce même contexte, les parties consacrées aux Ninive modernes, véritable apologie de l’action de l’auteur en Ukraine, mais surtout en Libye…

    L’arrière-plan de ce livre-confession (au sens d’affirmation et de revendication de son identité juive) n’est autre que la délicate situation actuelle des Français juifs. L’auteur ne renonce pas à l’héritage de ce pays auquel les Juifs ont tant apporté et qui leur tant donné. Les pages, nombreuses et émouvantes, qu’il consacre à l’œuvre mais aussi à la vie de Rashi, m’ont frappé. L’œuvre de ce vigneron champenois qui a enrichi notre connaissance du vieux français de son temps en le transcrivant en caractères hébraïques dans ses ire-remplaçables commentaires et bibliques gît au fondement même de tout le judaïsme rabbinique. Sa particularité est aussi de s’être nourri de l’humus de notre pays. BHL a bien fait de lui rendre un si vibrant hommage.

    C’est un fait historique établi que le judaïsme a fait l’apostolat du messianisme à l’humanité, lui a donné le monothéisme éthique et a réussi à le convaincre de l’universalité de la loi morale. Il s’est aussi préoccupé du sort de l’humanité non-juive, ce que Levinas nommera le souci de l’autre, traduction d’une expression allemande puisée chez Hermann Cohen… Le Décalogue comprend à la fois des lois relevant de l’éthique universelle, mais au moins une règle qui ne s’adresse qu’aux Juifs, à savoir le respect de la solennité et du repos du sabbat. Les sages du Talmud ont donc voulu montrer que leur sollicitude ne s’arrêtait pas aux portes de leur nation (contrairement à la cité grecque pour qui la barbarie commençait dès qu’on avait quitté Athènes) ; ils ont édicté les sept lois de Noachides qui constituent la base de toute humanité se disant civilisée.

    Un mot de l’antisémitisme qui fait partie intégrante de l’histoire juive comme une écharde plantée dans un doigt fait hélas partie du corps. Le grand spécialiste allemand de la Rome antique Th Mommsen, qui défendit Grätz contre son adversaire Heinrich von Treitschke, a écrit ceci : Israël n’était pas seul lorsqu’il fit son apparition sur la scène de l’Histoire ; il avait un frère jumeau, l’antisémitisme !

    BHL en parle dans les cent premières pages de son livre. En les lisant, je me suis souvenu d’un bel adage talmudique qui s’énonce ainsi et qu’i n’a pu germer que dans l’esprit d’un homme issu d’une communauté en butte à des constantes persécutions : le Saint béni soit-il nous envoie le remède avant la maladie (ha-qadosh baroukh hou makdim ha-terufa la makkaà.

    Cité plus haut, Heinrich Grätz, père de l’historiographie juive moderne, relevait que du Moyen Âge chrétien à l’époque nazie, la littérature talmudique avait concentré sur elle les attaques les plus virulentes et les plus injustes. C’est pourtant à ce même Talmud que BHL tresse des couronnes très méritées. Je cite, en guise conclusion, une de ces perles de la sagesse qu’un regard biaisé et malveillant empêche de voir : Le miséricordieux (Dieu) préfère le cœur (Rahamana libba ba’é)

    Maurice-Ruben HAYOUN

    * L’esprit du judaïsme, Grasset