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Vu de la place Victor-Hugo - Page 410

  • Quitter l’état d’urgence sans jamais en sortir ?

    Quitter l’état d’urgence sans jamais en sortir ?

    Les propositions du Premier Ministre français visant à muscler considérablement la législation anti-terroriste peuvent se comprendre. Certes, l’actuelle ministre de la justice ne sera pas d’accord, mais il y a de fortes chances pour que le problème soit résolu lors du prochainement remaniement. Il est, par exemple, inconcevable que cette dame porte devant le parlement un projet qu’elle a condamné publiquement depuis le début. Même François Hollande ne pourra pas le permettre, sauf à perdre toute crédibilité aux yeux de la France entière.

    Ayant accès aux meilleures sources concernant les dangers terroristes qui menacent le pays, l’actuel Premier Ministre veut transformer l’état d’urgence en état normal, habituel car il sait que l’arsenal juridique est largement insuffisant. Il tire probablement les leçons des failles juridiques des institutions lors des attentats. Et surtout il a compris qu’un troisième attentat serait fatal au gouvernement et au président de la République.

    Pour ma part, je trouve que Manuel Valls a raison, il est fondé à demander un renforcement de l’arsenal policier : on peut fouiller les voitures et les maisons, on peut perquisitionner même de nuit, les policiers peuvent faire usage de leurs armes sans attendre d’être criblés de balles d’armes de guerre, bref on se passe des autorisations des juges.

    On est conscient des exigences de l’état de droit, mais il faut les aménager quand on sait que les terroristes s’en servent pour semer la mort et la désolation. Je comprends que des esprits chagrins s’élèvent contre de telles mesures, après tout, c’est habituel, ils sont là pour cela, mais pensons au 17 morts de janvier et aux 130 morts de novembre ! Peu me chaut que soient respectées les règles de l’état de droit, ce qui compte pour moi, c’est la préservation des vies françaises, le rétablissement de l’autorité de l’Etat, la fermeture ou la surveillance des frontières et l’expulsion de réfugiés illégaux qui n’ont rien à faire en France. Songez donc à la peine des familles, ayant enterré les leurs quelques semaines avant les fêtes de fin d’année, résonnant pour elles comme des fins de vie : les parents ayant perdu leurs enfants, les enfants devenus orphelins, les hommes, les femmes, les frères, les sœurs… Je ne veux pas de métaphysique du droit, je laisse cela à Kant , morts sans jamais avoir eu d’enfant. Il a expliqué que le droit existerait même sans monde !!!

    Regardez ce qui s’est passé dans la patrie de Kant, à la gare principale de Cologne, le soir de la Saint Sylvestre ! Et déjà on nous dit d’éviter des amalgames alors que la première réaction aurait dû être la compassion pour les femmes allemandes victimes de viol ce soir là…

    Ces jours-ci, on a pu voir ad nauseam les reconstitutions télévisuelles des attaques venues principalement de Belgique ; on a vu comment les terroristes ont su se mouvoir tranquillement dans différents pays grâce à Schengen ! N’est il pas normal que les autorités de chaque pays cherchent à protéger leurs concitoyens ? C’est de cela que s’inspire la démarche de Manuel Valls qui sait que l’évolution de la société française au cours des dernières décennies a favorisé l’émergence d’ennemi intérieur presque insaisissable. Le fait que de vraies scènes de guerre se soient déroulées à Saint-Denis, dans le 93, prouve que des territoires échappent désormais à l’autorité de l’Etat…… Il doit tout faire pour les reconquérir.

    La situation est grave. Certains lecteurs de ce blog auront relevé un durcissement du ton et une focalisation sur certains thèmes comme le fanatisme, le communautarisme, l’immigration incontrôlée, etc… Ma réaction est : comment faire autrement ? Les plus hautes autorités de l’Etat tiennent mordicus à la déchéance de nationalité pour les binationaux, même ceux nés en France. Pourquoi, croyez vous, qu’elles le font même contre vents et marées ? Parce que la gravité de la situation l’exige.

    Comme vous pouvez le remarquer, Schengen est mort et ne ressuscitera plus, la chancelière allemande risque de compromettre sa réélection à cause justement de ses mesures prises en faveur des réfugiés. Je doute, connaissant bien les Allemands, qu’elle soit suivie par ses concitoyens, eux qui aiment avant tout l’ordre et la discipline.

    Manuel Valls a donc raison de proposer de telles mesures. Il faut le soutenir sur ce point.

  • L’Allemagne change ! Risques et défis d’une mutation

     

    L’Allemagne change ! Risques et défis d’une mutation.  Sous la direction de Hans Stark et Nele Katharina Wissman. Presses Universitaires du Septentrion, 2015.

    Il fallait y penser, c’est désormais chose faite ! Un vaste panorama illustrant le long chemin parcouru par la République Fédérale d’Allemagne jusqu’à la réunification qui a déjà vingt-cinq ans. Au cours de toutes ces années, l’Allemagne a suivi sa propre route, cette espèce de Sonderweg qui avait jadis tant fait couler tant d’encre… L’Allemagne d’aujourd’hui, l’Allemagne contemporaine n’est plus ce qu’on nous en disait à nous, jeunes étudiants germanistes des années soixante-dix, à savoir que notre voisine était un géant économique et un nain politique (Wirtschaftsriese und ein politischer Zwerg). Je me souvins même d’un de nos professeurs qui avait risqué la métaphore très suggestive suivante : un colosse aux pieds d’argile (ein Riese mit tönernen Füssen)

    L’Allemagne d’aujourd’hui, en 2016, domine l’Europe sur tant de plans, qu’elle l’admette vraiment ou non ; elle donne le ton sur les dossiers européens les plus épineux. On l’a vu lors de la crise grecque où, pour une fois, le président français a tempéré la réaction allemande, pour la simple raison qu’il avait peur de créer un précédent et qu’il se savait le prochain sur la liste… Donc si il laissait exclure la Grèce, la France en aurait eu des sueurs froides…

    Les éditeurs de ce riche volume ont sollicité des experts dans tous les domaines qui comptent. Faute de compétence, je me limiterai à quelques points très précis, et notamment à l’héritage de l’histoire allemande récente puisque c’est le seul pays qui a changé tant de fois de régimes en un petit siècle : le Reich wilhelmien, la République de Weimar, le IIIe Reich de Hitler, la République fédérale d’Allemagne, la République démocratique allemande (RDA, sowjetische Besatzungszone) et enfin l’Allemagne réunifiée. Sans oublier cette tache presque indélébile qu’est la Shoah qui a conduit les Allemands d’aujourd’hui, absolument innocents des crimes affreux de leurs pères et grands pères, (comme le spécifie le chapitre XVIII du prophète Ezéchiel) à cette nécessité de maitriser son passé : Vergangenheitsbewältigung). Curieuse expression. Mais elle a été créée avec la meilleure intention du monde.

    En feuilletant ce riche volume, je me suis rendu compte du caractère asymétrique des problèmes de la France et de l’Allemagne, ce qui complique nettement leur entente et leur action harmonieuse. Le problème le plus grave de nos voisins et amis allemands est la chute vertigineuse de la natalité, c’est un problème démographique qui pourrait menacer la prospérité du pays et ruiner les retraites d’une population vieillissante. Ce qui explique l’attitude assez inconsidérée et préjudiciable pour l’avenir, selon moi, de la chancelière dans l’affaire des réfugiés. Selon les experts dont je ne suis pas, il manquera à notre voisin entre 6 et 7 millions de bras dans les prochaines années… cet afflux de réfugiés, vrais ou faux , voire même terroristes infiltrés, fut une véritable aubaine, une manne. J’espère simplement que les problèmes ne viendront pas avec la deuxième ou la troisième génération : l’avenir , que je souhaite, radieux, nous le dira.

    La France ne connaît pas ce genre de problème, vu que sa natalité est bonne, et surtout elle abrite un parti, le Front National, qui considère l’immigration et l’accueil de réfugiés comme une faute grave. D’un côté on accueille un million de migrants et de l’autre on en accepte 30.000 du bout des lèvres.

    Mais il existe aussi un certain nombre de points sur lesquels l’Etat allemand n’a pas encore apporté de réponses : par exemple, l’existence d’une véritable armée européenne, la fondation d’une véritable politique étrangère européenne et enfin un engagement plus substantiel du voisin d’outre-Rhin dans les opérations extérieures comme au Mali, en Centrafrique, en Irak et en Syrie. Certes, la chancelière a accordé un soutien logistique mais cela reste notoirement insuffisant.

    La politique industrielle allemande, la prise en considération du changement climatique et la révolution numérique sont bien orientées de l’autre côté du Rhin, bien mieux que de ce côté-ci.

    Restent les mutations sociales, l’évolution des mœurs et la disparition progressive de l’homogénéité de la société allemande. Et j’en viens à l’article qui m’a profondément irrité et qui porte sur les religions non chrétiennes au sein du territoire, l’islam et le judaïsme.

    Pourquoi traiter ensemble dans un même chapitre ces deux religions dont l’histoire des relations avec l’Etat allemand est si spécifique, si unique, si ancienne ? Et donc essentiellement distinctes ? L’article est riche, solidement documentée, très fondée (comme on dit en allemand : sehr fundiert) mais perd beaucoup de son intérêt en intégrant artificiellement dans un binôme ce qui n’aurait jamais dû être traité ensemble. L’auteur, mécaniquement, passe de l’une à l’autre religion sans que les disparités criantes entre les deux, ne lui saute aux yeux. Pas une seule fois.

    Les Juifs sont en Allemagne depuis les origines, ils ont participé même à la fondation de villes, leurs communautés rhénanes furent décimées par les croisades, il y eut ensuite le Siècle des Lumières avec Mendelssohn, la science du judaïsme, la naissance du judaïsme libéral, la naissance des plus grands philosophes judéo-allemands comme Rosenzweig et Buber : où étaient donc nos bons petits Turcs à toutes ces époques ? Dans le plateau anatolien alors que la population juive vivait dans les villas de Dahlem Dorf et de Grunewald… Il y a tout de même une petite différence. Si je voulais être sévère, je dirais qu’il est dommage que Heinrich Heine, l’auteur de la Lorelei, ne puisse pas lire cet article, je me demande quelle eût été sa réaction…

    Je ne veux pas justifier du reproche de l’arrogance ou de la supériorité intellectuelle juives, mais tout de même ! Même la reconstitution de la communauté juive est asymétrique par rapport à l’émergence des communautés turco-musulmanes. Où avez vu un seul Juif considéré comme Gastarbeiter ? Et je laisse de côté l’effarante disparité des chiffres : environ cent mille face à plus de quatre millions !!

    Mis à part cette réserve ponctuelle, le livre instruira tous ses lecteurs sur ce qui se passe chez notre voisin et allié. On peut aller d’un article à l’autre, selon les intérêts portés au penser et sentir allemands.

    Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du 6 janvier 2016

  • La France tente de panser ses blessures : qu’ils reposent en paix ceux qui nous ont quittés…

     

     

     

    La France tente de panser ses blessures : qu’ils reposent en paix ceux qui nous ont quittés…

    En fait, le papier de ce matin devait porter sur la tension entre l’Iran et l’Arabie, une tension capable de mettre toute la région à feu et à sang. Et je pèse mes mots : ces deux pays aux visées hégémoniques opposées sont déjà en guerre par d’autres pays interposées : la Syrie, l’Irak, Bahreïn, etc… Ryad a déjà constitué une énorme coalition anti-Daésh (presque 35 pays), mais cette coalition est aussi une barrière contre l’influence grandissante du pays des Mollahs.

    La France, aujourd’hui, par la voix de son autorité suprême, veut rendre hommage aux victimes du terrorisme. Je suis moi-même très ému. J’ai vu hier un reportage montrant une jeune femme juive, devenue veuve car son mari était allé faire des courses à l’Hyper cacher de Vincennes. Il n’est plus jamais revenu. Son époux est enterré à Jérusalem, je n’ai pas pu regarder le reportage jusqu’au bout, mais j’ai entendu les sanglots de cette jeune femme et surtout cette phrase qui m’a anéanti : cela fait un an, c’est comme si c’était hier, j’ai l’impression qu’il est toujours là…

    Et justement depuis un peu plus d’un an, la France mène une guerre qui va hélas s’intensifier, car l’EI sera vaincu et incitera tous ses partisans de par le monde à commettre des actes de terrorisme isolé. Le président de la République a eu l’honnêteté de le reconnaître : la France n’en a pas fini avec le terrorisme. A son humble niveau, elle ne peut pas faire grand chose, surtout tant qu’Obama est à la Maison Blanche, un homme qui se refuse à employer sa superpuissance militaire et préfère laisser le mal se poursuivre.

    La France se penche donc sur son passé récent et hautement douloureux. Les partis politiques durcissent les lois existantes dans un sens plus répressif et plus sécuritaire. Cela se comprend puisque la population demande qu’on la protège tant contre les dangers extérieurs qu’intérieurs. Même Schengen est enterré et ne ressuscitera plus : Madame Merkel se trompe si elle croit que les problèmes de son pays sont aussi ceux de toute l’Union Européenne… La chancelière sait qu’elle aura un déficit de 7 à 8 millions d’hommes et que cela pourrait entraîner la ruine d’une économie allemande florissante… Derrière la face rayonnante de l’accueil des réfugiés se cache une analyse froide et déterminée des intérêts bien compris de son pays. Mais elle feint d’ignorer tous les problèmes que va susciter dans les années qui viennent, cet afflux massif des réfugiés. Le cas français devrait lui servir d’exemple. Elle avait déjà sous les yeux la cas du Kreuzberg à Berlin

    La semaine qui s’annonce va être très triste pour la France. Dix-sept morts pour le premier attentat de l’année écoulée et cent trente pour celui de novembre. Même dans ses opérations extérieures, même sur le champ de bataille, au Main ou ailleurs, le pays n’a pas eu autant de pertes.

    Mais laissons filtrer un message, une lueur d’espoir. Il ne faut pas que la morosité l’emporte. Si elle sait faire les bons choix, si elle sait éloigner d’elle les éléments qui menacent sa cohésion, elle vaincra. Et les beaux jours, ceux de l’insouciance et de la gaieté, reviendront. Et comme le disait l’authentique prophète du VIIIe siècle avant JC, Isaïe, et vous puiserez l’eau dans l’allégresse à partir des fontaines du salut…

    Maurice-Ruben HAYOUN in TDG du 5 janvier 2016.