Une intifada à Jérusalem ?
Cela en a tout l’air : les événements se précipitent dans la cité du roi David qui joue un rôle central dans l’histoire juive depuis trois mille ans. C’est dire combien le sort de cette ville préoccupe les juifs du monde entier. Ces mêmes juifs qui depuis deux mille ans, date du début de leur exil, prient à toute occasion pour la libération de cette même ville et la reconstruction de leur temple. Mais voilà les cousins arabo-musulmans, eux aussi fils du patriarche Abraham, par le truchement d’Ismaël et de sa mère l’Egyptienne Agar, revendiquent eux aussi cette fameuse esplanade des mosquées que les juifs et les Judéens avant eux nommaient déjà, à l’époque d’Isaïe (VIIIe siècle avant l’ère chrétienne) le Mont du Temple (Har ha-Bayit). Depuis l’avènement de l’islam, cette ville est aussi revendiquée comme l’un de ses lieux saints. Une fameuse mosquée fut érigée en lieu et place de l’ancien temple juif. Problème : chaque fois que des juifs s’aventurent dans ce périmètre si âprement disputé . Au lieu de prier Dieu et de ne le jamais prendre comme caution pour occire d’autres hommes, croyant et priant autrement tout en étant, comme nous tous, créés à l’image du Seigneur, nous sommes condamnés à compter les morts et les blessés.… Quand donc cette hécatombe s’arrêtera-t-elle ? Je ne mets pas tous les protagonistes sur un même plan, il me semble que sans léser les intérêts ou les revendications de quiconque, on peut avancer que l’attachement des juifs à Jérusalem est le plus ancien, le plus fort et les plus poignant. Même au plus profond de l’abîme, les juifs n’ont jamais cessé, dans leurs prières quotidiennes, de prier pour Jérusalem. Est ce que ce titre de propriété est exclusif de tout autre ? Certes, je ne le crois pas, même si la folie meurtrière de quelques uns va faire passer mon discours ou mes rappels historiques pour d’aimables rêveries d’un philosophe attardé, la tête dans les nuages et qui méconnait superbement la triste réalité. Mais réfléchissons : pourquoi deux ou trois, ou quatre communautés religieuses ne supporteraient elles pas que d’autres prient le même Dieu, un peu plus loin d’elles, voire même à une distance respectueuse ? Après tout, répétons le, c’est le même Dieu. Dans une récente étude publiée ici même, je rappelais une phrase d’une profonde simplicité, dite par Franz Rosenzweig : Dieu a créé le monde mais n’a créé aucune religion… Dieu comprend et parle toutes les langues, il exauce toutes les prières. Un simple coup d’œil sur le livre des Psaumes nous prouve la valeur ce patrimoine incontesté de l’humanité éthique. Il y a aussi une phrase très profonde dans le Talmud où Rav Hunna veut répondre à une question grave : Dieu est avec qui, il est aux côtés de qui ? Rav Hunna répond : Dieu est avec ceux qui souffrent Je pourrais m’en tenir là et conclure mais il faut revenir à la réalité. Isaïe, encore lui, plaidait en faveur de l’universalité du monothéisme d’Israël et il prédisait qu’un jour, l’humanité messianique affluerait vers le Mont du Temple qui sera alors plus élevé que toutes les autres collines environnantes. Il dit spécifiquement : et afflueront vers lui toutes les nations. Tout le monde croira en la Tora, mais celle-ci est prise dans le sens de la Révélation de la transcendance et non dans un esprit particulariste : ce serait insensé de prétendre le contraire. Est ce servir sa religion ou la cause de sa propre religion que de tuer d’autres gens qui prient, pensent ou croient autrement ? Je ne le pense pas. Pourtant, nous ne sommes pas des anges et nous vivons dans un monde partagé en des pays séparés par des frontières. C’est tout de même hautement symbolique de voir que la ville qui abrite le berceau du judaïsme, du christianisme et aussi de l’islam soit devenue l’un des foyers les plus brûlants des contestations religieuses, là où sévit la haine. Je ne crois pas que la violence parviendra à résoudre le moindre problème ni à frayer la voie vers une solution du conflit opposant les Israéliens aux Palestiniens. Habitués à combattre le terrorisme et à vivre depuis des lustres dans un environnement hostile, les Israéliens ne se laisseront pas impressionner. Mais ils doivent, malgré tout, redonner de l’espoir et ouvrir des perspectives. Il y a dans ces dernières actions terroristes un aspect de désespoir qui ne laisse pas d’inquiéter.