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Vu de la place Victor-Hugo - Page 516

  • Des murs en général et de ceux de Berlin et de Jérusalem en particulier

     

    Des murs en général et de ceux de Berlin et de Jérusalem, en particulier

    La commémoration du vingt-cinquième anniversaire de la chute du mur de Berlin, dit le mur de la honte, relance le débat autour du symbole des pierres murales. Mais cela nous aide aussi à faire un rapprochement un peu audacieux entre ce couple antinomique : le mur de Berlin qui a coupé tout un pays, voire tout un continent en deux entités antagonistes, et un autre mur, seul vestige du grand temple de Jérusalem dont la religion  juive pleure la chute depuis deux millénaires et que nombre de ses adeptes appellent de leurs vœux et de leurs feux la reconstruction et le rétablissement de son culte.. Le statut de la pierre est un peu particulier dans la Bible, et donc dans l’Antiquité. On ne compte plus les stèles, les monuments, les mémoriaux, les monuments aux morts, les pierres tombales, etc… Et même la caractéristique première de cet élément minéral n’est jamais oubliée : la résistance (ce que explique la prédilection du culte idolâtre pour les statues), la dureté, l’inflexibilité, voire l’inhumanité. Ainsi des exhortations des prophètes qui implorent que l’on substitue un cœur de chair à un cœur de pierre.. Et puis aussi, les pierres qui nous survivent et peuvent porter témoignage contre nous puisqu’elles ont gardé la mémoire muette de nos méfaits. Ainsi de l’expression biblique (reprise par Rashi, le commentateur champenois de la Bible au XIIe siècle), qui écrivit jadis : si les pierres du mur pouvaient parler… Les murs ne sont pas faits que de pierre, par exemple le mur du silence, le mur de la honte (voir supra), le mur de la haine, le mur de méfiance séparant deux individus ou deux nations, etc… Mais ce qui frappe par dessus ici, en ces temps de commémorations, ce sont l’usage, la nature et la vocation des murs et des pierres dans ces différents contextes. Pour Berlin, le mur séparait des frères ennemis, ralliés à des systèmes d’alliance opposés, pacte de Varsovie contre Otan, deux ordres sociaux qui se font la guerre, même après la guerre et qui n’ont rien trouvé de mieux pour sceller leur désunion  que d’ériger un mur. A Jérusalem, le mur est un vestige du grand Temple, un mur de pierres entre lesquelles, même le Saint Père a glissé une prière écrite sur une feuille de papier, comme si les lettres de cette oraison jaculatoire allaient virevolter pour accéder au Ciel, libérées de la pesanteur de la pierre que sa gravité empêche de s’lever. Ce mur dont les juifs souhaitent au plus profond d’eux-mêmes qu’il ne tombe jamais mais qu’il soit, au contraire, reconstruit et élargi pour retrouver son lustre et sa gloire d’antan. On oublie, en effet, que la foi des croyants a fait de cette petite chapelle royale, à l’origine, un temple majestueux proposé au culte de l’humanité monothéiste… … Mais ce qui est un peu attristant, c’est que, non loin de ce mur de pierres, quintessence d’une inébranlable foi en Dieu, des manifestants arabes, se sentant menacés par certains, jettent des pierres sur d’autres orants, venus eux aussi prier le même Dieu. Certains prient face à un mur, et leurs contradicteurs et opposants en font de même dans une autre maison de Dieu. Comment se sortir de ce débat ? Je sais bien que Hegel qui n’était pas un tendre s’est laissé aller à dire un jour que seule la pierre est innocente (elle ne pompe l’air à personne, si j’ose dire) sans oublier qu’elle peut devenir, à l’occasion, une arme létale, comme on dit aujourd’hui, par la lapidation. D’un côté des pierres qui séparent et qui tuent, de l’autre, des pierres vénérées, vestiges d’une gloire passée mais d’une ferveur religieuse toujours présente. Dans la Bible, les pierres posées les unes sur les autres symbolisent le témoignage, la mémoire mais aussi le pacte et l’alliance. A preuve les pierres prélevées par le patriarche Jacob qui s’en fait une sorte d’oreiller, dans le livre de la Genèse : c’est si important que la Bible hébraïque utilise dans un passage voisin, le terme hébreu gal ‘éd, et lui adjoint son synonyme araméen pour être sûre qu’on l’a bien comprise : yegar shahadouta. On reconnaît ici, dans ce vocable araméen, la racine du mot arabe qui a donné martyr, le chahid (plural al-Chuhada). Et hélas, après la mort, il y a la pose de la pierre tombale. N’oublions ce que Jésus dit à Pierre au sujet de la première pierre de son église… Preuve supplémentaire que le «doux rêveur évangélique» (Ernest Renan) s’exprimait bien en hébreu… Mais il faut conclure sur une note optimiste : face à la temporalité de notre monde, face à la brièveté de l’existence humaine, on lit dans le livre du prophète Isaïe ( (56 ;5), que les eunuques se demandaient si leur état ne leur interdirait pas de se joindre à la communauté des croyants ; et voici la réponse qui leur est faite : mieux que des fils, je leur donnerai une main et un nom (Yad wa-Shem, expression qui est devenue une institution en Israël) dans ma maison et mes murailles… Et dans la muraille il y a aussi le mot mur…

  • François Hollande et Nicolas Sarkozy

    Les interventions respectives de François Hollande et de Nicolas Sarkozy

    Le Figaro a eu raison de parler d’un duel à distance. Ce fut le cas et ce fut une empoignade au cours de laquelle  le premier n’a pas pris le dessus. Pour différentes, notamment une, principalement, le genre de l’exercice. D’un côté, un président en exercice pris en tenaille par des journalistes et des Français, issus de la vie de tous les jours, une sorte d’échantillon de la population globale, et de l’autre côté un superbe discours, peut-être le plus beau qu’Henri Guaino ait jamais écrit sur la différence entre la démocratie pure et simple, et la république, porteuse de tous nos espoirs et garante de nos libertés et de notre ensemble. Henri Guaino que je connais et que j’ai félicité par mel à l’Assemblée Nationale, a donc repris du service pour aider NS à surmonter les épreuves qui l’attendent. Certains commentateurs ont parlé d’un discours fondateur, et c’est bien vrai. Mais ne nous leurrons pas : avec les hommes politiques dont l’opinion générale fustige durement l’absence de courage, il ne faut jamais espérer qu’ils mettront leurs actes en conformité avec leurs paroles. Beau discours, très beau discours, exaltant discours, enthousiaste discours, mais discours toute de même. Toutefois, cela ne nous empêche pas d’ en analyser le contenu idéologique ou politique. L’idée principale est le tracé clair entre la démocratie et la république, étant entendu que c’est cette dernière qui favorise l’éclosion des idéaux propres à assurer une vie sociale harmonieuse. La démocratie apparaît comme une sorte d’anarchie libertaire où chacun ferait ce que bon lui semble, affirmant ses particularités personnelles, où le groupe social serait une mise bout à bout de particularismes, la désunion en fait. Et la voie libre à tous les communautarismes. On sent affleurer les thèmes de l’identité nationale, et la nécessité pour chacun de se reconnaître au moins un petit peu dans le groupe. Cela tombe bien puisque la république ne tient pas compte des attaches religieuses ou ethniques. Elle se veut un creuset gouverné par des valeurs laïques. On a bien conscience qu’ici c’est une certain communautarisme qui est visé et qui commence à poser à la France un problème global, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières . La république, c’est aussi l’affirmation d’une autorité légale et démocratique : c’est-à-dire que les lois votées s’imposent d’elles-mêmes et doivent donc être appliquées. C’est là une dénonciation des faiblesses du pouvoir actuel, qui, selon l’auteur du discours, desservent gravement la république. Car si les citoyens délèguent au pouvoir central une grande partie de leurs droits, c’est bien pour que ceux-ci soient respectés. Toute faiblesse de la république est une atteinte à la vie démocratique. Et puis, il y a l’idée de rassemblement dans le cadre républicain : toutes ces influences, toutes ces personnalités qui ont fait la France, venaient d’horizons divers. C’est une sorte d’autochtonie venue d’ailleurs dont parlait Marcel Détienne… Face à ce discours-programme, formateur d’opinion et fondateur d’identité, la prestation de jeudi soir était plutôt maigre. Mais pouvait il en être autrement ? Je le répète : il faut une impulsion nouvelle.

  • La prestation télévisée de François Hollande

     

    La prestation télévisée du président François Hollande, hier soir sur TF1

    Comme on pouvait s’y attendre, les avis sont partagés, cette belle France sera perpétuellement coupée en deux, pas seulement au plan météorologique : les amis de François Hollande l’ont trouvé bon, les autres vide de sens et désespérant. En fait, il faudrait être plus nuancé : François Hollande était sincère, il n’a pas louvoyé comme ses adversaires le lui reprochent régulièrement, a reconnu une certaine erreur concernant l’inversion de la courbe du chômage, a dit solennellement qu’il ne reviendrait pas en 2017 s’il n’avait pas réussi à juguler la crise de l’emploi. Pour le reste, on l’a senti à l’écoute et visiblement préoccupé par la gravité de la situation. Mais comme à l’accoutumée, les Français attendent toujours plus de ce genre de grand’ messe, et cela est légitime, au regard de la situation du pays… Donc, peu d’annonces, même si près de 8 millions de téléspectateurs ont diversement suivi l’interview. Les commentateurs, quant à eux, se sont montrés plus sévères doutant du sérieux de la promesse présidentielle de ne plus augmenter les impôts, soulignant férocement ses hésitations quant à l’organisation des jeux olympiques , l’exposition universelle, etc… Mais le président a pu prendre la mesure exacte du désarroi des Français : témoin cette dame de 60 ans qui n’a pas de travail alors qu’elle ne peut toujours pas faire valoir ses droits à la retraite par manque de trimestres, cette autre dame, chef de PME, qui dit au président que la réglementation en France est vraiment trop tatillonne et décourage même les très bonnes volonté et enfin ce jeune beur, titulaire d’une capacité en droit et qui, à 27 ans passés, dort encore chez ses parents dans les quartiers nord de Marseille.. Sans oublier cette habitante d’une zone rurale qui se bat contre la mort de son village, déserté par les services publics et qui voit son école menacée de fermeture, faute d’un nombre suffisant d’élèves.. Il est trop tôt pour mesure l’impact réel de popularité du président. La plupart des observateurs ne pensent que cela améliorera la côte de popularité de Fr Hollande mais l’essentiel est ailleurs : les Français ont pu voir que le président était au courant et qu’il était bien là, même si ses moyens d’actions restent limités.