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Vu de la place Victor-Hugo - Page 515

  • La chancelière ANgela Merkel, superwoman en France

    La chancelière Angela Merkel, superwoman en France

    A en croire des sondages divulgués ce matin sur I-TELE, la chancelière fédérale, Angela Merkel, serait une personnalité politique étrangère plébiscitée par les Français. C’est un résultat doublement étonnant quoique réjouissant car j’avoue que la montée insidieuse d’un sentiment anti-allemand dans ce pays commençait à me préoccuper. Les Français, c’est-à-dire l’opinion publique se sépare donc des scandaleux points de vues de gens comme Jean-Luc Mélenchon, ou pire encore, comme Arnaud Montebourg qui traitaient la chancelière de façon fort irrespectueuse, dénonçant sa main mise trop lourde sur les affaires de l’Union Européenne. Même des courants dits souverainistes n’ont pas fait dans la nuance, accusant nommément la chancelière de chercher à «s’emparer économiquement de l’Europe.» Mais ces sondages, bien que réjouissants à mes yeux, ne laissent pas d’étonner : comment l’image de la chancelière fédérale a t elle pu évoluer à ce point ? Est ce le pessimisme ambiant qui caractérise la situation sur les bords de la Seine qui explique un tel revirement ? Les gens tiennent-ils désormais le raisonnement suivant : la France est empêtrée dans des difficultés économiques, sociales et financières sans fin. Cette situation menace de virer à la crise morale. Mais en face, il y a un pays qui sut prendre, il y a plus de dix ans, les mesures nécessaires. Et ces mesures produisent aujourd’hui leurs fruits, leurs bienfaits. Pourquoi ne pas en faire autant ? Surtout, si au bout de nos années d’effort et d’économies, il y a le ciel bleu de la reprise économique, la baisse du chômage, la progression du pouvoir d’achat, etc… C’est probablement le raisonnement que se tient au fond de lui-même l’homme de la rue qui réalise que la situation empire si on ne fait rien. Et qui constate que toutes les élections partielles ont été perdues par le pouvoir : celle qui se passe aujourd’hui dans l’Aube, à la suite du passage au Sénat de Monsieur Baroin, a même vu l’élimination du candidat PS dès le premier tour. Quant au siège à pourvoir de M. Moscovici, il est à craindre que le scénario soit le même. Je vous laisse deviner ce qui se passerait si François Hollande se voyait contraint de dissoudre : plus de 100 députés FN arriveraient à l’Assemblée Nationale et le groupe socialiste, fort de plus de trois cents députés, ne serait plus que l’ombre de lui-même… C’est probablement cette projection angoissée dans un avenir incertain qui motive et explique le changement de perception de Madame Merkel par les Français. Mais une question demeure : peut-on appliquer en France avec des Français ce que Angela Merkel fait en Allemagne avec des Allemands ? C’est là toute la question. Que nos concitoyens plébiscitent la dirigeante d’un pays voisin qui vient d’être triomphalement réélue à la tête de son parti la CDU, c’est bien, mais cela ne garantit pas que ce modèle soit exportable en France. La recette n’est pas du tout la même. Il faudra des années et des années d’effort pour redresser ce pays. Un exemple devrait suffire : le gouvernement ne parvient pas, malgré une bonne volonté touchante, à économiser 21 milliards, alors que la dette publique excède les deux mille milliards… Il faudra bien un jour ou l’autre se mettre à l’école allemande, man wird endlich bei den Deutschen in die Schule gehen müssen… Je ne l’écris pas de gaieté de cœur (frohen Herzens). Mais c’est ainsi.

  • Emmanuel Macron face à une classe politique rétive aux changements

    Emmanuel Macron  face à une classe politique rétive aux changements

    Lorsque E. Macron  avait quitté l’Elysée sans être propulsé à la tête de je ne sais quel grand organisme public ou entreprise d’Etat, comme cela est généralement le cas, la classe politique française ne se doutait pas que François Hollande avait en tête une petite arrière-pensée aux conséquences majeures : organiser le retour en force du partant, sans tambour ni trompette, et lui donner le portefeuille ministériel d’un membre du gouvernement qui commençait à être très embarrassant pour la politique que le chef de l’Etat entendait mener désormais.

    Si je commence cet éditorial pour cette remarque faussement anodine, c’est parce que cette nomination et les premières manifestations politiques du nouveau promu prouvent  que le chef de l’Etat et ses plus proches conseillers n’ont dévoilé que le premier étage de la fusée Macron. Il ne faut pas être grand clerc ni subtil talmudiste pour comprendre que François Hollande, au terme de presque trois années, difficiles, voire ardues, de gouvernement, a réalisé qu’il fallait rajeunir l’exécutif et prendre le taureau par les cornes. C’est exactement ce que fait le nouveau ministre qui tient bien le choc et ne craint pas de dire urbi et orbi qu’on «ne gouverne pas à l’applaudimètre.» Traduisez en clair : l’impopularité ne nous dictera pas de changer de politique, surtout si cette même politique, temporairement impopulaire, ne tardera pas à donner des fruits…

    Si l’on considère les premiers pas de ce jeune ministre et leur impact dans l’opinion, on relève que ceux qui ont suscité, voire inspiré sa nomination, ont fait preuve d’un grand flair politique. Le ministre de l’économie, nouveau venu en politique, est nettement plus populaire et plus apprécié que son collègue des finances, pourtant très expérimenté et plus rompu aux subtilisé de l’exercice du pouvoir. Plus personne n’évoque son passé de banquier, comme si exercer cette profession avait quelque chose d’infamant !

    Les lois dites lois Macron semblent recueillir l’agrément des Français, si l’on en croit un sondage de ce samedi matin ; et notamment les mesures qui hérissent fortement une partie du PS, à savoir l’élargissement de l’activité salariale (le travail dominical et nocturne). En effet, les Français font enfin preuve de maturité politique, comprenant qu’on doit s’adapter aux situations et faire preuve de flexibilité. Et c’est ici qu’apparaît un fossé entre une classe politique attachée à des habitudes héritées du passé et un jeune ministre qui a les yeux fixés sur l’avenir. Les salariés français sont parmi les mieux protégés au monde mais certaines modifications s’imposent car elles sont porteuses de bienfaits qui ne tarderont pas, en principe, à se faire sentir.

    Certes, il faut veiller à ce que certaines clauses de la loi soient effectivement respectées et préserver la vie familiale. Il ne faut pas que des femmes soient contraintes d’assumer un service dominical ou nocturne contre leur gré.

    Par delà cet aspect humain, les lois Macron bousculent fort heureusement un certain nombre de rentes de situation, de privilèges et de blocages dont la société française, fidèle à ses archaïsmes, s’est accommodée jusqu’ici.. Et les autres pays européens, en l’occurrence la Suisse, regardent avec une perplexité croissante ce qui se passe ici. Aucune réforme n’est jamais acceptée de gaieté de cœur. Aucun changement ne survient de manière indolore. Tout doit rester comme avant. Et quand on veut passer en force, des millions de manifestants défilent dans les rues des grandes villes. On a parfois l’impression que règne ici une sorte de monolithisme granitique digne de l’Egypte pharaonique.  C’est le régime de «l’irréversibilité des avantages acquis» (pour reprendre une expression inventée par M. Yvon Gattaz, le père de l’actuel patron du Medef.) Et si l’Assemblée Nationale française venait à donner un coup d’arrêt à de telles réformes, ce serait le pire des signaux qu’elle enverrait au monde extérieur.

    On nous parle souvent du modèle social français. Mais ce socle social est soumis, comme toutes les réalités sublunaires, aux lois d’airain de l’évolution historique.  L’ignorer ne servirait à rien. Ce serait compromettre les chances d’un redressement tant espéré : certains experts prévoient même que la France pourrait, si elle consentait à se laisser réformer, devancer l’Allemagne dans… quinze ans ! Il est vrai, sans mauvais esprit de ma part, que c’est bien un grand philosophe allemand, en l’occurrence Hegel, qui a dit : l’espoir fait vivre…  Alors, eséprons.

    Ce pays est pris, comme tous les autres, dans le tourbillon de la mondialisation. Et dans ce monde nouveau, la soi-disant exception française (acceptable en matière culturelle, et encore pas vraiment) pèse d’un tout petit poids dans le monde économique et financier.

    Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du 13 décembre 2014 (TDG)

  • Pour ou contre la torture?

    Pour ou contre la torture ?

    Les dernières déclarations, assez ambigües, il faut bien le reconnaître, d’une responsable politique française ont fourni à la presse, une certaine presse avide de se plonger dans l’écume des jours, l’occasion de focaliser l’attention du public sur un point qui, lui, est tout sauf artificiel : comment l’Occident judéo-chrétien doit il combattre le terrorisme, sans trahir ses propres valeurs ? Comment doit il faire face à des organisations qui, comme l’Etat islamique, s’est affranchi de toute règle morale ? Devons nous pratiquer les mêmes atrocités qu’eux, en d’autres termes, tout mettre en action, tous les moyens pour faire parler ceux des terroristes tombés entre les mains des autorités, et ce, afin de sauver des vies et prévenir des attentats ? C’est un vieux débat qui rappelle des dilemmes plus anciens, du genre : pas de liberté pour les ennemis de la liberté ? Les démocraties doivent se défendre mais elles subiraient une effroyable défaite morale si elles en étaient réduites à pratiquer les mêmes horreurs que les terroristes. Ce serait alors pour ces derniers une incroyable victoire morale (si tant est que cette épithète ait encore un sens pour eux)… Il faudrait donc, en toute logique, capturer lorsque cela est possible, les terroristes, les présenter à la justice, leur commettre d’office un avocat défendant leurs droits et appliquer les condamnations, après que les coupables auront épuisé toutes les voies d’appel et de recours. Telle est la loi, telles sont les règles de la vie démocratique. Face à cette situation purement théorique nous trouvons d’autres gens qui pensent autrement. Ils considèrent à juste titre que les victimes de tel ou tel attentat atroce auraient pu être sauvées, leurs familles préservées des affres du deuil et de la souffrance, si l’on avait au préalable utilisé tous les moyens disponibles pour faire parler les terroristes. Le débat fait rage aux USA après la publication d’un long rapport accusant la CIA d’avoir pratiqué la torture, voire même d’avoir menti aux autorités. L’Agence na pas tardé à réagir, soulignant que grâce à des moyens peu recommandables mais qui ont prouvé leur efficacité, tant d’attentats ont pu être évités, épargnant des vies américaines. Le débat est bien posé : doit-on respecter le droit en toutes circonstances ou doit-on se laisser guider uniquement par l’impératif catégorique suivant : sauver des vies… J’avoue qu’il est très difficile de trancher. Mais imaginons que le meurtrier présumé Nemmouche ait pu pénétrer sur le territoire avec son AK 47 et ses chargeurs et qu’il ait fait un carnage à Marseille ou ailleurs. Imaginons que l’un de ses acolytes ait été interrogé par la police ou les services spécialisés : fallait il le traiter calmement ou encore le brutaliser pour lui arracher des informations ? Un autre cas d’espèce peut nourrir notre réflexion : selon le Navy Seal qui a tué Ben Laden à bout portant à Abbottābād, ce sont des renseignements arrachés à un détenu de Guantanamo qui ont permis de localiser et de neutraliser le terroriste en chef, responsable des attentats du 11 septembre : que fallait il faire ? Attendre calmement ou agir ? C’est trop compliqué : je veux que des vies soient épargnées, que la dignité humaine même du pire des terroristes soit considérée, mais je ne peux pas supporter que le respect strict de la loi cause une terrible effusion de sang. Ce cas de figure est plus dur qu’une antinomie kantienne. Derrière cette équation insoluble se cache le problème de la violence sous toutes ses formes. Hegel disait que le propre de la philosophie est de remplacer la violence par la parole et par le concept. Il a même introduit une notion des plus subtiles : la patience du concept. Mais sa philosophie politique est assez contradictoire : rompant avec les idées universalistes de l’époque de Goethe, il enseigne que l’Etat est l’accomplissement de la marche triomphante de la Raison sur terre, et dans ce sillage, il divinise l’état prussien. Il a même fait le lit de la conception de Bismarck et de l’historien Léopold von Ranke. Sa thèse est que l’individu doit s’effacer devant le groupe et le peuple, la nation devant l’Etat souverain qui prend le pas sur tout. Et si, demandons nous, l’Etat recourt à la torture ? Je n’ai pas l’impression que Hegel le lui reprocherait. C’est un débat autour de la place de l’éthique et de la raison d’Etat (Staatsräson). Que faut-il faire ? Martin Buber disait qu’il n’existe pas deux types de morale : l’une à l’intérieur des synagogues ou des églises, l’autre dans la rue et la vie de tous les jours. En fait, ces débats profonds ne sont pas traités ici, dans la presse en général, avec la sérénité nécessaire. Les militants n’ont jamais donné de bons philosophes ni de pénétrants moralistes. Notre époque est confrontée à tant de situations qui s’apparent à des oxymores. Mais en tout état de cause, l’Etat de droit doit respecter le droit. Sinon il sape irrémédiablement ses propres bases. Et de quel droit pourrait)-il alors se prévaloir pour défendre ses propres principes ? Quid juris ? Qu’en en est il en droit ?

    Hegel a discuté un vieux principe latin : fiat justicia, pereat mundus : Que la justice soit, le monde dît il en périr… Mais cela s’oppose au principe même de la loi morale qui consiste à assurer à l’homme un minimum de bonheur sur cette terre.

    Permettra-t-il la destruction de la vie à la seule fin de sauvegarder la pureté des principes ?