Le messianisme juif peut-il encore se faire entendre ?
Le messianisme juif peut-il encore se faire entendre ? La situation actuelle à Jérusalem conduit à se poser la question, une question un peu angoissante puisque pour la première fois depuis 1967, l’esplanade des mosquées a été fermée, mais que grâce au ciel elle vient d’être rouverte sur décision du gouvernement israélien. Je pense qu’une réflexion de nature essentiellement politique sur ce problème posé par Jérusalem est devenue une véritable quadrature du cercle, tant les positions des différents protagonistes sont très éloignées les unes des autres et tant les gens s’arcboutent sur leurs certitudes qui sont, hélas, mutuellement exclusives les unes des autres. Mais Jérusalem et son statut ne sont que la pointe d’un iceberg qui englobe un conflit d’une très grande ampleur. Depuis presque soixante-dix ans l’Etat d’Israël qui se veut un Etat juif, reconnu comme tel , reste violemment contesté par la majorité de ses voisins, même si deux traités de paix ont été conclus avec l’Egypte et la Jordanie. Mais il s’agit de paix froides, entre des états et des gouvernements mais pas entre des peuples. Certes, il y a des lignes aériennes entre Tel Aviv, d’une part, et Le Caire ou Amman d’autre part. Il y a des touristes mais pas en nombre suffisant. Dans ce conflit, la ville de Jérusalem, la cité du roi David selon la Torah et les prophètes, cristallise les oppositions et aussi les frustrations. Il ne faut pas caricaturer les positions des uns et des autres, et s’il faut avoir quelque compréhension pour la religion musulmane qui tient à ses biens sacrés il ne faut pas reprocher aux autorités israéliennes de prendre toutes les mesures en vue d’assurer la loi et l’ordre. La liberté de culte est assurée au sein de l’Etat d’Israël qui est un Etat démocratique et où une cour suprême particulièrement vigilante veille au respect des droits de chacun, et il n’est pas rare qu’elle force le gouvernement israélien, quel qu’il soit, à revoir sa copie. Mais, comme je le laissais entendre plus haut, les réalités politiques sur le terrain obéissent à des considérations intrinsèquement différentes de la nature réelle de l’objet, à savoir la volonté d’hommes et de femmes d’adresser à Dieu leurs prières à partir d’un lieu à il a choisi de se manifester plus qu’en d’autres. Ernest Renan notait dans son Histoire du peuple d’Israël que le Sinaï n’est pas si éloigné du mont du Temple. Les hommes de bonne volonté et auxquels tout fanatisme reste étranger savent que Dieu parle toutes les langues et exauce toutes les prières. Les grands prophètes d’Israël l’ont dit bien avant l’apparition du christianisme et de l’islam, et le Psalmiste leur fait écho pas plus tard que le troisième siècle avant l’ère usuelle : il dit ceci : proche est Dieu de tous ceux qui l’invoquent, mais il prend soin d’ajouter une précision : de tous ceux qui l’invoquent en vérité (bé-émét), donc avec sincérité… Ce verset des Psaumes brille par son universalisme, il rejette tout sectarisme. Mais là aussi, l’enseignement des deux derniers millénaires, depuis la chute de l’ancien Etat de Judée, s’impose à nous : pendant tout ce temps, les droits des juifs ont été bafoués, niés, détruits. L’actuel Etat d’Israël qui se veut un Etat juif ne doit sa survie qu’à sa grande puissance militaire, c’est sa seule assurance-vie… Alors quid du messianisme juif dont les vieux prophètes hébreux ont fait l’apostolat à l’humanité tout entière ? Déjà Jésus s’est trouvé confronté à la violence nue, celle des lances des légionnaires romains. On connaît la suite, il en est mort mais ses idées, sa cause, lui ont survécu. Peut on réanimer le messianisme juif à ce prix ? Peut on appliquer la doctrine de Renan selon laquelle un peuple chargé d’écrire l’histoire de l’avenir de l’humanité doit disparaître, en tant que peuple spécifique, afin de le faire ? En d’autres termes, l’élection d’Israël porte-t- elle en germe sa disparition si sa mission auprès des nations l’exige ? Il est fort improbable que le peuple juif souscrive à de telles conditions niant sa survie en tant que tel, à la seule fin de ressusciter des idéaux qu’il a portés à l’attention de l’humanité dans son ensemble. Le peuple d’Israël veut avoir une histoire, un avenir, il ne veut plus que sa vie soit un calvaire et son histoire une martyrologie. Jérusalem, omniprésente dans les toutes les prières juives quottidiennes doit redevenir un lieu authentiquement saint or la sainteté exclut radicalement la violence d’où qu’elle vienne… Je sais bien que les décideurs politiques de tout bord se moqueront de telles déclarations et de telles idées qu’ils taxent abusivement d’utopies ou d’aimables rêveries. Ils ne se trompent hélas que partiellement, ils ont raison de porter sur la nature humaine une appréciation aussi cynique, mais ils ont tort de négliger l’aspect à la fois spirituel et religieux du combat qui se livre actuellement dans cette cité du roi David, ce berceau du peuple juif mais aussi cette ville trois sainte. Combien de temps faudra t il attendre pour que la résurrection du messianisme juif redevienne d’actualité et que se réalise la belle prophétie d’Isaïe qui remonte au milieu du VIIIe siècle avant Jésus ?
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