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Vu de la place Victor-Hugo - Page 621

  • La Centrafrique et la France: bourbier ou guêpier?

    La centrafrique et la France : bourbier ou guêpier ?

    On ne peut plus ignorer ce problème, tout en souhaitant que la France ait fait le bon choix en Centrafrique : la quasi totalité des commentateurs considère que l’intervention dans ce pays, intervention profondément généreuse et humanitaire, n’a pas été bien dimensionnée. Il fallait au moins 5000 hommes bien équipés comme le sont les troupes françaises sur place et non point 1600. Par ailleurs, il s’agissait d’une opération de police à effectuer par des policiers et des gendarmes et non pas par des forces combattantes même si une certaine présence de ces dernières s’imposait. Enfin, il ne fallait pas se faire d’illusions sur la présence ou l’efficacité des contingents africains qui semblent toujours avoir l’éternité devant elles, ne sont pas équipées et ne disposent pas d’avions de transport pour se rendre in situ. La France le savait et elle a fait comme si elle l’ignorait.

    En revanche, il faut louer la France pour la célérité de sa réaction tant au Mali qu’en Centrafrique, même si les deux interventions ne sont pas comparables. Au Mali, les troupes françaises ont victorieusement neutralisé les djihadistes, ont empêché la création d’un Afghanistan en pleine Afrique noire et sauvé des vies humaines, même si ce qui se passe à Kidal n’avait été vraiment prévu. En termes clairs : les autorités maliennes considèrent avec une certaine méfiance les négociations ourdies par les Français avec des forces centrifuges… Toutefois, si le drapeau noir des islamistes ne flotte pas sur les bâtiments officiels de Bamako, c’est à la France qu’on le doit.

    Mais alors pour quelles raisons n’a t on pas prévu de telles difficultés à Bangui et pourquoi avoir sous-estimé à ce point les besoins sur place ? Je ne m’en réfère plus aux commentateurs mais au rapport qu’un haut représentant de l’ONU a lu hier à New York devant le conseil de sécurité : la moitié de la population de ce pays, plus grand que la France, est menacée. Et là aussi, c’est la France qui a réagi la première, ses partenaires européens se sont contentés de l’écouter avec intérêt, un e certaine aide financière a été octroyée et seule la Pologne a fait un geste (dérisoire ?) en mettant à disposition un avion de transport et des pilotes..

    Bourbier ou guêpier ? Le ministre de la défense Jean-Yves Le Driant a dit qu’il n’y avait pas de danger d’enlisement. Soit. Mais comment les soldats français peuvent ils gérer ce qui se passe près de l’aéroport où plus de 100 000 personnes vivent dans une extrême précarité et une sécurité toute relative ? La responsable d’une ONG a affirmé hier sur LCI chez Michel Field que les humanitaires ne passaient plus la nuit dans ce camp près de l’aéroport car la violece y sévissait. Que faire ? Partir et laisser les ethnies rivales s’entretuer ? Rester malgré cet état d’impuissance et la montée d’une indéniable méfiance à l’égard de la France ?

    Cette position inconfortable ne pourra pas perdurer. Soit les Français partent, soit ils restent mais pour rester ils doivent soit augmenter le volume du contingent pour en faire un véritable corps expéditionnaire, soit recevoir une aide extérieure. Mais voilà, les Européens ne sont pas disposés à mettre le doigt dans cet engrenage africain où les problèmes sont immenses…

    Ma position, vous la connaissez, je n’ai donc pas besoin de l’exprimer de nouveau.

  • Les essais de philosophie juive d'Esther Starobinski-Safran

    Les essais de philosophie juive d’Esther Starobinski-Safran

     

    Madame Esther Starobinski-Safran (E.S-S) professeur honoraire au département de philosophie de l’université Jean Calvin de Genève, vient de publier aux éditions Albin Michel un remarquable recueil regroupant différentes études de philosophie juive : l’auteur commence par une belle présentation des notions de paix et de guerre chez Philon d’Alexandrie et mène, par la suite, ses pénétrantes analyses jusqu’au XXe siècle avec Franz Rosenzweig, Martin Buber et Emmanuel Levinas.

     

    Lire ou relire certains extraits de l’œuvre Ô combien sublime de Philon, constitue toujours une délectation. Et ceux que l’on retrouve dans cette première étude de E. S-S ne font pas exception à la règle. Philon spiritualise et idéalise tout ce qu’il touche. Toutes son ouvre en est l’illustration, même s’il continue à garder les pieds sur terre. En jetant son dévolu sur ces deux notions opposées, la paix et la guerre, E.S-S montre que le maître alexandrin a su réintroduire sa vision idéaliste dans les récits bibliques et notamment les légendes patriarcales du livre de la Genèse. Les noms de Melchisédék et de Yérusalem sont interprétés dans ce sens : un roi de justice et d’équité pour une ville de paix. Dieu lui-même est présenté comme la seule entité qui connaît la sérénité absolue. Quant aux hommes, et notamment les plus sages d’entre eux, la paix tant interne qu’externe, reste leur objectif premier. Le sabbat est aussi considéré comme un maillon indispensable conduisant à la paix sur terre. Depuis le livre de Job  (25 ;1) jusqu’aux grands prophètes d’Israël (notamment Isaïe et Jérémie) Dieu lui-même constate que rien n’est plus profitable à Israël que la paix. Aaron le grand pontife est caractérisé par son amour et sa recherche constante de la paix. Mais la notion de guerre défensive, c’est-à-dire de légitime défense est aussi présente chez Philon. C’est l’idée du combattant pacifique qui se défend pour sauver sa vie et préserver la paix. Quand on réfléchit sur de si beaux textes, on ne peut s’empêcher de s’interroger : que serait devenue la philosophie juive, à quoi aurait elle ressemblé aujourd’hui si Philon et le midrash ne s’étaient pas mutuellement ignorés, ou si l’on n’avait pas attendu Azaria de Rossi pour redécouvrir Philon ? Ce contournement voulu ou accidentel de la pensée philonienne a pu profiter au christianisme primitif qui a absorbé une telle substance, se l’est incorporé et a pu bâtir sur son fondement l’antinomisme paulinien.

     

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  • Le cas Dieudonné et Pierre Joxe

    Le cas Dieudonné et Pierre Joxe

    Certains d’entre vous, à Genève comme en Israël, se sont étonnés de mon silence concernant l’affaire Dieudonné. J’ai eu la chance d’écouter ce matin un homme que je connais et admire beaucoup, Pierre Joxe, qui était interrogé sur I-Télé. J’ai trouvé son intervention remarquable. Cet homme a été ministre de l’intérieur sous François Mitterrand et maintenant il est devenu avocat pour défendre une clientèle spécifique, celle de mineurs, français ou étrangers : un long article du Monde lui avait été consacré il y a quelques années. Il y rappelait ses origines judéo-protestantes dont il est fier et expliquait qu’ajoutées à ses convictions républicaines, elles lui commandaient de faire ce qu’il fait.

    Concernant l’humoriste en question, il trouve que le personnage est absolument inintéressant et qu’on lui a donné une surface médiatique qu’il ne méritait point. Je pense comme lui mais il a eu la sagesse d’ajouter que l’on ne pouvait pas en rester là et qu’il fallait agir. Il a raison. Il a aussi expliqué que cette affaire est devenue un sujet gouvernemental puisque le président de la République et le premier ministre se sont manifestés publiquement sur ce point.

    Alors que faire ? Les amis de ce personnage si controversé arguent de la liberté d’opinion et de l’autonomie des artistes et des humoristes qui ont le droit de dire tout ce qu’ils veulent. Soit, mais pas en se moquant des victimes de la Shoah.

    Par ailleurs, les préfets vont prendre dès cette semaine des arrêtés d’interdiction de ces spectacles en raison de troubles à l’ordre public. Il est regrettable qu’en 2014 on soit encore confronté à ce genre de choses.

    Mais je pense, pour ma part, que les choses seraient mortes de leur propre venin si l’on avait évité cette boursouflure médiatique d’un spectacle et d’un individu qui n’en valaient vraiment pas la peine.