Existe-t-il une affaire Bernard Tapie ?
On est en droit de se poser la question car les bribes d’information données sur cette affaire ne sont cohérentes. La meilleure preuve en est l’ émission télévisuelle d’Yves Calvi qui avait réuni une kyrielle de journalistes, flanqués d’une dame, éminente juriste, qui savait bien, elle, de quoi il retournait.
En fait ce que l’on peut en tirer est : d’abord, il a été décidé de se tourner vers l’arbitrage car les nombreuses procédures en cours allaient dans tous les sens et l’Etat n’était vraiment pas sûr d’en sortir gagnant La décision de l’arbitrage avait été évoquée bien avant l’arrivée de Nicolas Sarkozy à l’Elysée et à ce moment là les dommages réclamés par B. Tapie se montait à plusieurs milliards (7 si je ne me trompe.) Enfin, pour mettre sur pied une telle procédure, il faut bien réunir les parties et vérifier qu’ils sont bien d’accord pour suivre cette voie. Or, lors d’une telle réunion (il peut y en avoir plusieurs, eu égard à la complexité de l’affaire), il est normal que les parties s’entendent, sinon à quoi bon s’engager dans cette nouvelle procédure si, dès le début, les parties ne sont pas d’accord ? Partant, la présence de B. Tapie à l’une ou à plusieurs des réunions préparatoires n’a rien d’étonnant ni de répréhensif.
Je ne sais pas si mon raisonnement emportera l’adhésion des uns et des autres, mais il ne semble pas que cette contestation si largement médiatisée soit bonne ni même simplement justifiée.
Si la justice s’est mise en marche, et cela est tout à fait normal, c’est plusieurs raisons : d’abord, il faut voir les choses de près lorsqu’il y a des contestations, et Dieu sait qu’il en a eu. Ensuite, il y a un délai de forclusion, début juillet, semble t-il, et il fallait faire vite. Enfin, il y a toutes les arrières pensées que les politiques de tout bord entretiennent mais dont ils ne parlent jamais……
On voit bien aujourd’hui qu’un certain camp (et pas seulement celui auquel on pense naturellement) veut à tout prix éviter un retour en politique de l’ancien chef de l’Etat. Des esprits inquiets soupçonnent une sorte d’entente secrète entre B. Tapie et l’ancien chef de l’Etat, une manière de sceller un pacte d’entraide, le moment venu. Il y eut aussi l’achat par B. Tapie d’un groupe de presse qui lui permettrait soit d’orienter une consultation électorale locale dans le sens qu’il souhaite, soit de se mettre au service d’un allié, toujours muet et secret sur ses intentions, au plan national, cette fois.
Mais la justice n’a pas jeté toutes ses forces dans cette affaire si elle n’avait pas une préoccupation autrement plus grave, mais reste non étayée à ce jour : l’arbitrage, procédure juridique acceptée partout, a-t-il été faussé par une entente préalable entre l’une des parties et l’un des juges-arbitres ? Si tel devait être le cas, l’affaire serait pliée. Mais on en est loin, si l’on en croit les déclarations de Maître Temim, après la mise en examen de son client. Enfin, si les juges ont gardé B. Tapie 4 jours, ce qui est rarissime pour une simple affaire d’escroquerie (supposée), ils ne pouvaient pas, en fin de compte, ne pas le mettre en examen : ce serait la plus grande des incohérences.
En conclusion, cette affaire résulte de la confluence de plusieurs choses, les unes purement économiques et financières, les autres de nature incontestablement politiques. Je ne sais pas si cela peut profiter à qui que ce soit. Les affaires, comme on dit, ont envahi la vie de tous les jours, elles représentent le suivi le plus persistant des organes de presse. C’est comme si les autorités (celles d’aujourd’hui comme celles d’hier ou d’avant-hier, incapables de maîtriser les choses, donnent à l’opinion un os à ronger.
Le vœu le plus ardent est que la justice passe et que tout cela s’arrête. Une justice impartiale qui ne se laisse pas instrumentaliser est nécessaire. Enfin, la presse ne devrait plus bénéficier de fuites. Le secret de l’instruction dont toute le monde se moque aujourd’hui doit être restauré. Il est intolérance d’entendre de simples journalistes annoncer avant les intéressés (juges et suspects) l’imminence de mises en examen.