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Vu de la place Victor-Hugo - Page 780

  • La circoncision, une inacceptable mutilation aux yeux de la justice allemande ?

    La circoncision, une inacceptable mutilation aux yeux de la justice allemande ?

     

    Une de mes étudiantes allemandes de l’Université de Heidelberg, Elena G. m’a envoyé hier soir un article faisant état de la décision d’un tribunal de Cologne de considérer la pratique de la circoncision comme une mutilation répréhensible par la loi. On imagine le tollé soulevé par une telle décision. Les instances juives de ce pays, notamment le Zentralrat der Juden in Deutschland ont crié au scandale taxant la décision judiciaire d’inouïe et d’une inacceptable immixtion dans les affaires religieuses et donc privées des citoyens. Le tribunal a décidé de ne pas sanctionner le chirurgien au motif qu’il y avait une sorte de vide juridique qui vient d’être désormais comblé…

     

    Si j’ai bien compris l’affaire en lisant très rapidement l’article envoyé par Elena G., c’est le cas d’un petit musulman, circoncis à l’âge de quatre ans qui a mis le feu aux poudres. Le tribunal a considéré que la circoncision causait à un être humain un changement absolument irréparable à un âge où il n’est pas du tout en mesure de juger de la validité de son appartenance à une confession, en l’occurrence l’islam, mais on peut étendre la saisine de ce jugement à la religion juive, qui fut la première religion à inscrire ce rite dans ses pratiques fondamentales. Pour ces juristes d’outre-Rhin, l’enfant devenu adulte pourrait vouloir changer de confession et cette marque appliquée à son corps pourrait constituer un obstacle quasi-insurmontable. De tels attendus me semblent assez discutables.

     

    Voici un bref historique de ce rite qu’est la circoncision qui remonte probablement à un usage beaucoup plus ancien que les attestations bibliques.

     

    Dans la Genèse, censée être le livre le plus ancien du Pentateuque puisqu’il y figure en tête mais qui, en réalité, fut rédigé plus tardivement, on trouve dans la grande geste abrahamique ( du chapitre 12 au chapitre 25) le précepte de la circoncision. Ce rite intervient une fois que Dieu s’est de nouveau révélé à Abraham (ch. 15, ch. 17) et lui offre son alliance. Du coup , on a considéré que la teneur de cette alliance, son objet, tenait en ce commandement de la circoncision. Dans la Bible, ce rite est effectué le huitième jour (u-ba-yom ha-shemini ymmol besar orlato : le huitième jour sera enlevé le prépuce de sa chair, i.e. du membrum virile) mais pour Ismaël, le premier fils d’Abraham, cette opération chirurgicale eut lieu à l’âge de treize ans. Les musulmans poursuivent cette tradition à ce même âge.

     

    Pour être le plus complet possible dans ce bref survol historique, il convient d’évoquer rapidement l’antinomisme prononcé de Saint Paul qui eut à cœur de montrer que D- se révéla à Abraham et lui proposa son alliance AVANT ce rite de la circoncision. C’est là l’une des principales pommes de discorde entre les juifs et les chrétiens : Saint Paul voulait montrer que c’est la foi qui sauve et non les œuvres dont la circoncisions faisait partie. Rappelez vous de la distinction que l’Apôtre opérait entre les circoncis et les prépucés, on le nommait, d’ailleurs, l’Apôtre des prépucés. Et souvenez vous aussi de son algarade avec les Galates qui étaient revenus au rite de la circoncision après l’avoir abandonné. Saint Paul leur dit en substance : vous avez commencé avec l’esprit et maintenant vous commettez une régression en revenant à la chair.. Aux yeux de l’ancien disciple de rabbi Gamaliel, seule la foi sauve. Et pour bien asseoir sa conception il se réfère au merveilleux verset de la Genèse qui stipule qu’Abraham crut en Dieu et celui-ci le lui imputa en justice : wé-héémin ba-Shem wa-yahshévéha lo litsedaka ! Selon l’Apôtre, Dieu ne réclamerait que la foi et rien d’autre.

     

    La tradition juive voit les choses autrement et considère que l’objet de l’alliance tient en la pratique concrète de cette circoncision contre laquelle le tribunal allemand vient de prendre une décision assez étonnante. Le philosophe que je suis peut comprendre les attendus du jugement in abstracto : pouvons nous imposer à des bébés de huit jours ou à des garçons de 13 ans une modification irréversible de leur corps, sans attendre qu’ils aient les moyens de s’auto-déterminer en toute liberté ? C’est l’argument des juristes. Mais on pourrait lui opposer que ceci vaut pour toutes autres décisions que des parents, attentifs et aimants, sont conduits à prendre en lieu et place de leurs enfants… Toutefois, on ne peut pas demander à de simples juristes d’être aussi des hommes de culture philosophique approfondie alors qu’ils ne sont là que pour dire le droit, lequel droit émane en fait du corps législatif. C’est donc de là que viendra la décision ultime.

     

    Un mot peut-être de l’arrière-plan culturel de cette pratique ancestrale : sans tomber dans un freudisme primaire, il faut bien reconnaître que deux impératifs ont présidé à la naissance de ce rite devenu religieux : l’hygiène visant à prévenir des maladies vénériennes graves et l’abstinence, indispensable dans une société structurée au plan éthique. La tradition accorde à ce second point une importance capitale : ce membre viril, siège de notre «animalité» doit être élevé au rang d’associé de Dieu dont nous poursuivons l’œuvre créatrice qui consiste à peupler l’univers. C’est, du reste, le premier précepte positif de la Tora : croissez et multipliez vous !

     

    Il y a la circoncision conçue comme un simple acte chirurgical : voyez la famille royale d’Angleterre dont tous les descendants mâles sont circoncis, sans la moindre connotation religieuse.

     

    Le rite religieux n’est souvent que la codification sacrale d’une pratique soucieuse d’accorder à l’être humain la possibilité de s’épanouir et de se développer dans les meilleures conditions. Les juges allemands devront donc revoir leur copie.

  • Les suites de l’élection du candidat islamiste Mohammed Moursi en Egypte

    Les suites de l’élection du candidat islamiste Mohammed Moursi en Egypte

     

    Vous connaissez tous l’inoubliable phrase du général de Gaulle au sujet des pays arabo-musulmans : vers l’Orient compliqué, je voguai avec des idées simples.

    Cette phrase s’impose à notre esprit quand on démêle l’écheveau égyptien qui vient de connaître son aboutissement.

    J’ai observé jour après jour, sur les télévisions arabes les développements en Egypte. Je ne croyais pas, au début, que les généraux sauraient éviter la confrontation avec leurs adversaires d’hier. Je ne pensais qu’ils auraient surmonter leurs habitudes et ne pas tripatouiller les urnes. En une phrase, je pensais qu’ils n’auraient en vue que leurs intérêts à très court terme et qu’ils propulseraient au poste suprême l’un des leurs, l’ancien Premier Ministre du Pr Hosni Moubarak, le général Chafiq. Eh bien, il n’en fut rien. Les généraux égyptiens avec à leur tête le maréchal Tantaoui m’ont agréablement étonné.

     

    Ils ont fait preuve d’intelligence politique et ont parfaitement illustré le concept hégélien dit de la patience du concept : on analyse une situation donnée à partir d’éléments dont on dispose, on conclut de ce qui existe à ce qui va se produire, et quand on est sûr que l’avenir va nous donner raison, on ne fait pas d’obstruction, pas de violence, on attend simplement. Or, telle n’est pas, en général, l’attitude des militaires…

     

    Les généraux ont d’abord commencé par faire travailler les juristes de la cour constitutionnelle, lesquels se sont empressés d’annuler les élections législatives pour un simple vice de forme. M. Moursi était pris au piège : pouvait-il désavouer une cour suprême de justice alors qu’il briguait les suffrages de ses concitoyens et que ce serait cette même cour qui proclamerait les résultats ? La mort dans l’âme, il dut s’abstenir, se déclarant confiant en la sagesse de la dite cour…

     

    Ensuite, les généraux se sont octroyés à eux mêmes de larges pouvoir, protégeant leurs privilèges et leurs prérogatives. Une fois que ces réformes furent adoptées (en dépit de certains recours et d’une remise en cause partielle) ils ont accepté la victoire de leur adversaire d’hier.

     

    J’ai bien écouté les discours de M. Moursi le soir de son élection et les jours suivants, y compris los de son investiture. On voit bien que les généraux lui ont fait une pressante explication de texte. Il a dû donner des gages et a insisté sur sa volonté de donner à son pays un régime civil (comprenez : non religieux) et qu’il adressait au monde un message de paix. Il est vrai qu’il n’a pas dit au monde entier, mais dans le reste du discours, il spécifiait que son pays respecterait et honorerait les accords internationaux. En fait, ce sont ses lieutenants qui ont pris soin de parler des Palestiniens et de leur situation.

     

    Quel est l’agenda secret des généraux, étant entendu que c’est bien la première fois depuis plus de 60 ans qu’un civil (et quel civil !) occupe le pouvoir ? Les amitiés politiques, les conceptions d’avenir du pays ne sont pas partagées par ces deux sources du pouvoir, l’une émanant de l’armée, rempart du régime, l’autre issue des Frères musulmans dont l’objectif demeure l’érection d’une société religieuse axée sur la nation islamique.

     

    Dès lors, le pari des maîtres de l’armée apparaît aussi clairement que possible : le président Moursi, bien que formé dans une université américaine, n’a aucune expérience gouvernementale et ne va pas tarder à réaliser que c’est bien difficile de contenter une nation arabe de 90 millions d’âmes… Il ne réussira jamais à redynamiser une économie endolorie par une révolution incessante ; il ne réussira pas à endiguer un chômage endémique, ce qui est la clé de voûte du problème actuel : comment intégrer au marché du travail tant de jeunes désœuvrés ?

     

    A moins que tout ne trompe, ce nouvel élu ne tiendra pas plus de deux ans. Il aura été, comme on dit en allemand, entzaubert (perdu son attractivité). Une sorte de président intérimaire, de transition…

     

    Et l’armée reprendra la main qu’elle n’aura, de toute manière, jamais abandonnée…

  • A Genève durant la canicule…

    A Genève durant la canicule…

     

    Rentré à Paris hier soir après plusieurs jours passés à Genève, je n’ai pu écrire mes blogs. Je vais me rattraper. J’ai été invité par notre sympathique ami et excellent journaliste M. Olivier DELHOUME qui a magnifiquement animé une soirée Jean-Jacques Rousseau où sont apparus toutes les personnalités genevoises les plus en vue, mais des personnalités françaises telles que M. Luc FERRY qui a conquis son auditoire comme d’habitude.

     

    Je me suis rendu compte que je me trouvais rarement à Genève au cours des derniers jours de juin et que je n’avais encore jamais vécu une telle canicule. Je n’étais le seul. A l’ hôtel mais aussi dans les restaurants et dans les rues, les visiteurs du Proche Orient, reconnaissables aux nombreuses femmes voilées les accompagnant, se plaignaient d’avoir fui la chaleur étouffante de leurs pays d’origine pour en retrouver une autre tout aussi incommodante que la leur.

     

    En revanche, peu de genevois dans les rues et les restaurant, tous ou presque étaient montés dans leurs chalets en montagne pour fuir la canicule.

     

    Cela m’a rappelé les chaleurs d’Eilat et de Tel Aviv au cœur de l’été. Sinon, j’ai vu sur la place, face au lac, des Syriens venus manifester contre le régime de leur président actuel qui massacre allégrement son peuple. Je doute que Kofi Anan puisse ranimer sa mission mort-née, et déjà l’opinion syrienne récuse une telle résolution qui fut adoptée a minima par les participants. Comment imaginer que des opposants puissent parler ou négocier avec le boucher de leur peuple ? Je crois que M. Kofi Anan devrait se mettre à la rédaction de ses Mémoires qui seront fort intéressantes.

     

    Il faut en Syrie un nouveau régime qui fasse table rase du passé.