La fête de chavouaoth, la Pentecôte juive.
Les juifs du monde entier fêtent depuis hier et aujourd’hui encore (hormis Israël où l’on ne commémore qu’une seule journée) la fête de chavouoth. Ce terme hébraïque, utilisé au pluriel, signifie les semaines, en référence au sept semaines, 49 jours qui nous séparent de Pessah, la sortie d’Egypte. Le cinquantième jour, c’est la Pentecôte.
Pour la tradition juive, c’est le jour de la remise des tables de la Loi à Moïse, donc du don de la Tora. Dans le rite synagogal on récite les passages de l’Exode (chapitre XX) parlant de la Révélation, donc du Décalogue. L’exégèse midrachique établit une nette différence entre la sortie d’Egypte et le don de la Tora. Le premier événement fondateur établit une libération tandis que le second marque la liberté. Pour la tradition juive, la Loi donne à l’homme la possibilité d’être libre, donc de ne pas être le jouet de ses sens. De s’élever. Pour vivre libre, il faut obéir à une loi divine qui vous fait sortir de l’animalité pour vous élever vers l’humanité. Se donner à une loi à soi-même et vivre en conformité avec elle, c’est presque imiter le fonction divine. En devenant son propre législateur, l’homme, obéissant à la loi de Dieu, transcende sa condition humaine. C’est ce que nous enseigne le grand philosophe juif néo-kantien, Hermann Cohen (ob. 1918).
La Tora est censée nous aider à établir un ordre éthique sur terre. Pour cela, il fallut aider l’homme à se gouverner lui-même. A cet effet, l’assistance divine était indispensable. Mais qu’en est-il aujourd’hui, où les lois civiles régissent toutes les sociétés du monde civilisé et où la notion même de fait religieux est contestée ?
La croyance a droit à notre respect, mais on peut dire aussi que la foi religieuse correspondait à un degré de connaissance de l’humanité. D’ailleurs, le juriste allemand du début du XXe siècle, Carl Schmitt avait expliqué dans son ouvrage Politische Theologie que tous les idéaux des sociétés laïques dérivaient de thèmes théologiques sécularisés. Cet éminent juriste qui avait flirté au début de sa carrière avec les Nazis était un partisan de la révolution conservatrice. Mais on oublie deux petites choses qui montrent que les choses ne sont pas toujours si évidentes : c’est ce même Carl Schmitt qui remarqua le jeune Léo Strauss, brillantissime philosophe juif allemand qu’il recommanda pour une bourse d’études au Royaume Uni, lui évitant ainsi une mort certaine en déportation s’il avait dû revenir dans l’Allemagne national-socialiste… Lorsque l’Etat d’Israël fut fondé, il y eut une certaine effervescence dans les bibliothèques universitaires spécalisées : on cherchait désespérément un exemplaire d’un livre du juriste Carl Schmitt (Théorie de la constitution, 1928) pour s’en inspirer dans l’écriture de la loi fondamentale du jeune Etat…