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  • Jésus dans le Talmud

     

    PETER SCHÄFER, JESUS IM TALMUD, AUS DEM ENGLISCHEN VON BARBARA SCHÄFER (JCB MOHR, 2007)

        Spécialiste du judaïsme antique et médiéval, Peter Schäfer a d’abord enseigné à Cologne, puis à Berlin et présentement à Princeton. En publiant ce texte sur Jésus dans le Talmud, d’abord en anglais et en le faisant traduire par son épouse en allemand, il tente de jeter un regard neuf dans un domaine qui n’est pas vraiment pas le sien mais pour lequel il a déployé de louables efforts.
        L’un des plus grands mystères de la littérature hébraïque post-biblique, notamment cet énorme corpus que l’on nomme littérature rabbinique ou le Talmud, tient en l’absence grandement étrange de références suivies et explicites aux contestations judéo-chrétiennes. On cite souvent le méchant jeu de mots sur Evangelion ( en Awen Gilayon : le parchemin de l’iniquité), les références codées à certaines croyances de la nouvelle foi ou à une polémique souterraine dont on veut croire qu’elle visait des sources évangéliques  embryonnaires.
        Mais le Moyen Age connut, chez les juifs, une sorte de production ou de réactualisation de matériaux extra-talmudiques ou midrachiques qui, pour des raisons de censure, probablement, ne furent repris que dans des traités très polémiques et des pamphlets. C’est la littérature des Toledot Jeshu ou Evangile du Ghetto, pour reprendre une expression due à Jean-Pierre Osier. Fidèles à leur réputation, les chercheurs allemands ont, bien avant Schäfer, labouré ce champ de recherches : ce fut notamment le cas du pasteur Günter Schlichting qui donna une excellente édition critique du texte, accompagnée d’une traduction allemande annotée.  Elle parut, il y a plus de vingt, chez le même éditeur à Tibingen.
        L’originalité, toute relative, de l’apport de Schäfer dans ce livre tient au recours à l’idée de contre-histoire (counter history, Gegengeschichte) : en fait, les Docteurs du talmud auraient pris le contre-pied des récits évangéliques et auraient accompli cette œuvre de sape en choisissant soigneusement leurs formules et les thèmes traités.
        Schäfer pense expliquer la grande fréquence de déclarations polémiques dans le talmud de Babylone (alors qu’on n’en trouve pratiquement pas dans celui de Jérusalem) par un climat anti-chrétien prévalent en Babylonie. Les docteurs auraient alors, en quelque sorte, accompagné le mouvement. Les développements de l’auteurs sont certes bien vus mais un peu tirés par les cheveux (weit ausgeholt). En fait, à défaut de témoignages scripturaires précis, nous ne saurons pratiquement jamais qui pensait à quoi en parlant…  IL faut voir ce que dit sur ces sujets le grand spécialiste américain Jacob Neusner.
        Mais ce livre apportera de nouvelles vues à ceux qui s’intéressent aux pommes de discorde et aux contestations opposant juifs et chrétiens.


     

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  • Il y a deux siècles, naissait à Zurich le célèbre théologien David Friedrich Strauss

     

     



            DAVID FRIEDRICH STRAUSS, «UN ENNEMI ALLEMAND DU CRHIST»

    La Neue Zürcher Zeitung du 26 janvier 2008 a eu la bonne idée d’évoquer la grande figure du théologien protestant allemand du XIXe siècle, David Friedrich Strauss, né il y a tout juste deux siècles, le 27 janvier 2008. Le public francophone ne le sait peut-être pas, mais c’est ce théologien, bien sous tous rapports, qui révolutionna l’univers feutré de la théologie spéculative en publiant  entre 1835 et 1836 une sorte de biographie révolutionnaire de Jésus qui mit l’Europe entière en émoi. Le livre s’intitulait exactement : Das Leben Jesu, kritisch bearbeitet. (La vie de Jésus, un examen critique).
    Le sous titre est un euphémisme puisque Strauss, qui avait étudié la théologie et la philosophie à Tubingen et à Berlin, ne laisse rien subsister de l’édifice patiemment construit par l’Eglise catholique au cours de son histoire pluriséculaire. Le livre fut un véritable best seller de l’époque et connut de multiples rééditions et traductions. En France, ce fut le libre penseur et célèbre lexicographe Emile Littré, membre de l’Académie Française, qui le traduisit. Cette démarche ne fut pas anodine puisque, dès 1862, le jeune Ernest Renan, chassé par l’Empereur Napoléon III de sa chaire d’hébreu et d’araméen au Collège de France, composa une belle Vie de Jésus qui n’aurait guère vu le jour sans l’apport du théologien protestant. La critique moderne et contemporaine a sévèrement jugé ce livre mais le style de Renan a résisté à tout : 60.000 exemplaires en moins de trois mois !
    A l’époque, c’était Hegel qui dominait la scène philosophique allemande et c’est tout naturellement que le jeune Strauss quitta Tubingen pour se rendre dans la capitale prussienne. Par malheur, le grand maître de l’idéalisme allemand mourut quelques jours après son arrivée à Berlin. On oublie souvent de signaler que Hegel lui-même, dans son jeune âge, avait conçu le projet d’écrire une biographie de Jésus, ce qu’il ne fit jamais. C’est Strauss qui réalisa ce projet si controversé.
    En février 1839, les autorités de la bonne ville de Zurich offrirent au jeune théologien protestant, devenu célèbre, une chaire de dogmatique dans l’université qu’elles venaient de fonder. Ce fut une véritable levée de boucliers : les pasteurs, les paysans, toutes les forces réactionnaires se liguèrent pour chasser le professeur sacrilège. Près de deux mille paysans, armés de faux et de fourches, marchèrent sur la ville, occupèrent la place de la cathédrale et s’en prirent aux forces de l’ordre qui réagirent violemment : 14 victimes du côté des manifestants et un conseiller municipal tué alors qu’il essayait de parlementer. Après une semaine de troubles, alors qu’il n’avait pas donné une seule heure d’enseignement, on dut mettre à la retraite le malchanceux professeur par lequel le scandale était arrivé…
    Comme le remarque l’auteur de ce bel article, les contestations religieuses consécutives à la publication de cette Vie (iconoclaste) de Jésus masquaient un malaise social profond : d’un côté, se trouvaient les forces libérales, séduites par un modernisme naissant et désireuses de secouer le joug d’une église omniprésente dans la vie sociale, de l’autre , une paysannerie, un monde rural, sur la défensive, sentant que l’évolution lui échappait et que son avenir était hautement incertain. Si, en plus de cela, on lui subtilisait l’image traditionnelle de Jésus, que lui resterait-il ?
    Même les théologiens les plus progressistes de l’époque, ne cachaient pas leur étonnement : Strauss avait appliqué aux récits évangéliques les normes de la critique hegélienne, mettant à nu le fossé profond séparant le Jésus de l’Histoire de celui de la légende ecclésiastique. Strauss n’hésita pas à écrire que les récits évangéliques sur Jésus étaient un «amas de mythes» auxquels la conscience historique était réfractaire… Il expliquait ensuite que l’on avait dû élever au rang d’un genre ce qui n’était pas acceptable au plan d’un simple individu car, dans ce dernier cas, les contradictions étaient trop criantes alors que dans le premier , elles se neutralisaient réciproquement et pouvaient revendiquer un peu de vraisemblance.
    Strauss ne laissa pas passer l’affront des cléricaux sans réagir puisqu’il publia un violent pamphlet dès 1841 intitulé la dogmatique chrétienne dans son évolution historique et son combat contre la science moderne… Un tel titre laisse bien augurer du contenu de l’ouvrage !
    On ne mesure pas assez l’influence décisive du livre de Strauss sur le jeune Renan, même si ce dernier finit par s’autonomiser. Par exemple l’idée renanienne que l’avenir du christianisme consistait en un humanisme vient du théologien allemand (Fortbildung des Christentums zum reinen Humanismus… Or, une telle spéculation eut des conséquences incalculables sur la pensée européenne du XIXe siècle. Une réserve cependant : comme l’explique le collègue professeur, auteur de l’article, quand on entame une entreprise de désacralisation on en suscite obligatoirement une de… re-sacralisation. C’est tout le secret de la pensée dialectique.

     

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  • La Turquie à Davos

     

        Nos collègues zurichois ont récemment consacré une longue chronique au discours du ministre turc des affaires étrangères, devant le forum mondial de Davos. La NZZ relevait avec raison que la Turquie avait changé de langage ou de tactique. Ce ne sont plus les cris effarouchés d'une susceptibilité nationale maladive, mais des arguments datés et chiffrés semblant montrer une attitude plus mûre face à l'adhésion ou la non adhésion de ce pays à l'Union Européenne.

        On se souvient des grandes réserves exprimées par les partis politiques et par l'opinion publique en France au sujet de cette adhésion. L'ancien président de la république était presque le seul à envisager, sur le très long terme, une telle adhésion. En Allemagne, des personnalités aussi distinguées que l'ancien Chancelier Helmut Schmidt (sans même parler de la chancelière actuelle) marquaient nettement leur opposition, en offrant à la Sublime Porte le statut de partenaire privilégié .

       La Turquie est une grande nation, le Turcs ont beaucoup apporté à l'histoire, mais de tels états de service ne suffisent pas, surtout lorsque l'on constate tous les autres points qui ne sont pas vraiment positifis.

       Certes, les partisans de cette adhésion ne manquent pas de souligbner les dangers inhérents à un rejet: la masse turque dériverait alors  vers un paysage menaçant, constitué de pays tout juste indépendants et surtout situés dans une zone vitale pour les approvisionnements égergétiques de l'Europe.  En une phrase, l'admission de la Turquie serait alors un gage de stabilité politique et énergétique de notre Europe de l'ouest.

        Cet argumentaire porterait si, par exemple, la question chrypriote était réglée, si les chrétiens n'étaient plus menacés en Turquie, si les minorités étaient mieux traitées et si l'islamisme était maîtrisé… Il faut attendre: laissons du temps au temps.