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  • LES SUITES DE L’OBAMANIA EN FRANCE

     

    LES SUITES DE L’OBAMANIA EN FRANCE : INTEGRATION ET ASSIMILATION
        On ne parle plus de l’obamania, de la diversité et d’intégration, sans oublier la discrimination positive en France, depuis l’élection à la Maison Blanche du sénateur de l’Illinois. Beaucoup de gens, soit issus de l’immigration maghrébine, soit des départements et territoire d’Outre-mer, se sont pris à rêver. Et pourquoi pas ? Nul ne peut nous empêcher de rêver. Certains se sont même demandés si cela pouvait se produire en France. Pourquoi pas ? Une association de ce type a même été reçue à l’Elysée afin de sensibiliser le président français à ouvrir la liste des élections européennes à la diversité. Pourquoi pas ?
        Mais tout de même, je trouve ces termes diversité  et   minorité visible, pas très heureux. Je comprends très bien l’intention qui est louable, mais la terminologie eût pu être plus heureuse.
        Dans ce contexte, on apprend que le gouvernement français a nommé préfet un homme originaire du Cameroun. Pourquoi pas ?  Et ce matin, le président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale a souhaité qu’on aille plus loin dans cette voie. Et, dernier en date, M. Jean Sarkozy a lancé l’idée de permettre aux immigrés non européens de voter aux élection locales.  L’idée n’est pas mauvaise, loin de là, mais est-ce que les populations sont assez mûres pour accepter une telle innovation ? Il faut voir de plus près la question.
        La question de l’immigration et de l’intégration ne porte uniquement sur la couleur de la peau ni sur les convictions religieuses. Elles touchent à la culture et à sa place dans l’âme des individus.
        Si l’Europe a réussi dès l’époque de la Renaissance, si elle a victorieusement secoué le joug de traditions religieuses étouffantes, c’est parce que sa culture a su transcender toutes les autres réalités, notamment le dogme religieux. Pensez à Richard Simon, à Locke, à Spinoza, Lessing, Mendelssohn, Kant et Hegel, qui ont triomphé de Bossuet, l’évêque de Meaux, celui-là même qui fit détruire presque tous les exemplaires de l’œuvre de l’oratorien Richard  Simon, Histoire critique du vieux Testament,  par le lieutenant de police Monsieur de La Reynie… Et pourtant, on sauva un exemplaire qui servit à la réédition effectuée à Rotterdam. Et cette œuvre féconda la haute critique en Hollande, en Allemagne et ne parvint en France qu’un siècle et demi plus tard.
        On a donc infligé un retard mais pas une éradication de l’esprit scientifique de la culture.
        C’est cette mentalité qu’il faut inculquer aux immigrés et aux minorités. Les en convaincre pour qu’ils aillent l’implanter chez eux, en Afrique et en Orient. Ainsi, l’intégration sera réussie puisque tous les continents commenceront à avancer d’un même pas sur la voie du progrès et de l’humaniste. Ce n’est pas, même si c’est mieux que rien, par des promotions individuelles hyper médiatisées.
        Si M. Obama a réussi, c’est tout simplement parce qu’il est allé au bout de lui-même. ET qu’il a su incarner des valeurs qui lui ont permis de réussir.
     

  • MAÎTRE ECKHART (1260-1328), MAITRE MAGNIFIQUE DE LA MYSTIQUE MEDIEVALE.

     

     

    MAÎTRE ECKHART (1260-1328), MAITRE MAGNIFIQUE DE LA MYSTIQUE MEDIEVALE.
        Quittons enfin l’actualité politique, économique ou sociale qui nous renvoie au visage notre propre vacuité, inutilité et superficialité pour nous tourner un peu vers la vraie richesse, celle qui creuse notre être, nous enrichit d’une savoir vécu et nous fait contempler un petit reflet de la vraie vie, celle de l’intellect et de la mystique.
        Maître Eckhart, maître dominicain de Paris, fut de ceux là. Et pourtant, sa sainte mère, l’Eglise, instruisit contre lui une procès aux mains de l’Inquisition et il ne dut son salut qu’à une mort prématurée… Ainsi en est-il des hommes qui cherchent à se montrer comme le dit Dieu lui-même dans le livre du Lévitique,  le me montrerai grand et saint : we-nitgadalti we-nitkadachti.
        Je sais gré à mon collègue de Bruxelles d’avoir publié cette petite anthologie et de m’en avoir fait l’aubaine : Maître Eckhart : être Dieu en Dieu. Textes choisis et présentés par Benoît Beyer de Ryke (Editions Points, Sagesses, 2008). Et puisque j’en suis à m’acquitter de mes dettes intellectuelles et spirituelles, je remercie très sincèrement ce beau journal qu’est La Tribune de Genève et mon ami Monsieur Jean-François Mabut qui me permettent de partager ces choses élevées avec vous, mes amis, en m’accueillant si généreusement sur cette plateforme.
       
    Je pense que c’est un autre mystique allemand de renom, Jakob Boehme qui a dit cette phrase d’un autre temps, d’un autre monde : être en Dieu comme un verre d’eau dans l’océan…  Qu’est ce qui sépare l’eau contenue dans le verre de l’eau de l’océan, le simple éclat, la transparence du verre, appelé un jour à se briser, libérant les quelques gouttes d’eau qui iront à rejoindre l’océan infini. L’homme, ou plutôt sa partie appelée à être immortelle, fusionnera ou conjoindra avec sa nature immortelle, Dieu. L’eau c’est l’âme qui rejoint les autres âmes, le verre, c’est le corps qui se brise et se décompose.
        L’éditeur-introducteur rappelle cette phrase du Moyen Age par laquelle on introduisait le grand et immortel maître rhénan dont certaines déclarations dans ses sermons rappellent les développements de certaines grands kabbalistes contemporains : voici maître Eckhart à qui Dieu n’a jamais rien caché…  Presque le niveau des prophètes de la Bible dont il est dit que Dieu ne fait jamais rien qu’il n’ait préalablement confié à ses serviteurs les prophètes. Un être quasi-divin. Et j’utilise sciemment ce petit mot quasi, comme, dont Maître Eckhart rappelait qu’il était enseigné aux enfants à l’école comme adverbe… Et d’ajouter dans un parfait esprit d’à propos qu’il fallait être le compagnon de Dieu, l’adverbe du Verbe divin.
        On ne peut reprocher à un théologien catholique de baigner dans sa tradition, celle de la divinité trine. C’est à des mamelles chrétiennes qu’il a tété la foi en Dieu, l’abandon confiant à Dieu (la fameuse Hingabe allemande), ce grand maître qui plaça le détachement (Abgeschiedenheit), la déprise de soi au sommet de toutes les vertus. En sortant de soi-même, par cette sorte d’extase mystique, l’homme transcende sa condition d’être créé, coupant toute dépendance avec les créatures, pour rejoindre, de son mieux, quoique jamais parfaitement, la source de l’être qui dépasse l’être. Le maître rhénan prononce même une phrase qui put lui coûter cher et qui fait penser à un autre mystique plus ancien, musulman, celui-là, Al-Halladj… cet homme, possédé ou épris de Dieu, circulait tout nu dans les rues de Baghdad en hurlant ana Allah, je suis Dieu. Ce qui suffit  pour le condamner à la peine capitale…
    Maître Eckhart  prie Dieu d’être dépris de Dieu…  Les ânes, comme il nomme lui-même ceux qui ne comprennent pas le fond de sa pensée, subodorerons l’hérésie dans une phrase aussi ciselée que celle-ci, mais en réalité le maître allemand signifiaiat par là son vœu de s’en retourner à l’état précédant la création, au temps préexistant au temps, quand il n’était encore qu’une idée en Dieu lui-même, dans l’intellect divin, in-formé, in-existant, in-créé.
    Enfin, Dieu étant l’intellect insurpassé, inimité, se donne comme l’archétype intelligible des êtres qui peuplent son univers et qui existaient sous un mode parfait et des plus éminents dans le penser divin. Ce qui fait que Dieu se trouve en toute chose, ce qui frôle le panthéisme, avant la lettre. Sa nostalgie de cet état primordial pousse Maître Eckhart à s’exprimer de la sorte, ce qui lui a, avec d’autres expressions d’une telle hardiesse, valut de tomber sous la coupe de l’Inquisition… Mais est-ce étonnant ? Les théologiens obtus pouvaient-ils comprendre un homme, près à accepter de se fondre dans le néant, pourvu que ce soit un néant divin ? Ils auraient compris que la maître prenait Dieu pour un néant et qu’il en niait l’existence, eo ipso qu’il était un infâme athée… En réalité, comparée à notre misérable existence terrestre, la superesse, l’infinie plénitude de l’essence divine, nous apparaît comme un néant, tout comme celui qui fixe le soleil en face finit par croire qu’il est noir…
    Maître Eckhart avait, disaient ses adversaires, voulu en savoir plus qu’in ne convenait ; et en outre, il prononçait ses sermons en allemand devant des auditoires de béguins et de béguines, pas toujours aptes à comprendre correctement la profondeur des ses idées.  En réponse à ses détracteurs, le maître répondait que l’erreur est affaire d’intelligence alors que l’hérésie dépend de la volonté. Or, le maître n’a jamais cherché à être un hérétique.
    Le maître dominicain opère une distinction bien connue des mystiques, juifs et chrétiens, entre la déité d’une part, in cognoscible et coupée de tout, et le Dieu des créatures auquel on peut accéder, en quelque sorte. La même distinction existait aussi chez les kabbalistes de son temps, ceux qui parlaient de l’En-Sof, l’Infini, semblable au Dieu de Plotin, reclus dans son propre abîme éternel, coupé du monde. Cet En-Sof est une sorte de Deus absconditus.  Lorsque Maître Eckhart parle de Dieu comme d’un néant divin, il agit exactement comme ses collègues juifs de la même époque.  Mais quand j’ai dit que Dieu n’était pas un être, je ne lui ai pas par là contesté l’être, au contraire, je lui ai attribué un être plus élevé.  C’est la sempiternelle pensée paradoxale des mystiques : l’entité, d’où l’être existant tire sa raison d’être et d’existence, est radicalement coupé de l’être existant.
    Le maître entend dépasser le face à face de Dieu et des créatures pour prôner l’entrée dans le vide de la divinité. Ainsi, l’homme deviendra par grâce ce que Dieu est par nature : par cette très belle formule, on veut signifier que le détachement laisse dans l’âme humaine une place vide, réservée à Dieu. Les vertus de ce détachement sont telles que l’auteur le place au-dessus de l’amour. L’amour, dit-il, me conduit à aimer mais le détachement conduit Dieu à jeter sur moi son dévolu. Et sache le : être vide de toutes les créatures, c’est être rempli de Dieu, et être rempli de toutes les créatures, c’est être vide de Dieu.
    Pour expliquer que tous les êtres ne sont pas dans une égale mesure exposés à la grâce et à l’action divines, le maître donne l’exemple de plusieurs types de pâtes qu’on enfourne ; froment, orge, avoine et fine farine. La chaleur du four est la même pour toutes les pâtes et pourtant elles ne sont pas identiques au goût car leurs matières sont différentes à l’origine.
    Pour faire ses sermons, le mystique rhénan partait d’un verset des Evangiles ou de l’Ancien Testament et accrochait ses propres idées. C’est exactement ce qu’il fait en commentant le passage de l’Evangile de Lc qui parle du petit château fort dans l’âme. Il relie cela à l’idée même de virginité dont il donne une explication qui peut surprendre : je serai vierge si je ne suis entravé par aucune image ! Toujours cette idée centrale du détachement de tout pour adhérer à Dieu.
    A peu près à la même époque et dans les mêmes contrées, les communautés hassidiques rhénanes développaient des thèmes mystiques ou mysticisant similaires. Il suffit de jeter un coup d’œil dans leur magnus opus, le Sefer hassidim, pour s’en convaincre. Cette empathie qui transcende les frontières identitaires et religieuses me fait penser à l’adage allemand suivant qui insiste sur la porosité, voire la capillarité qui unit des gens séparés par des croyances mais proches par la géographie : wie es sich christelt, so judelt es sich.
    Le détachement, la pureté du détachement serait le meilleur moyen de parvenir à l’immortalité pour l’homme. Maître Eckhart dit bien  si l’esprit était  en tout temps uni à Dieu dans cette puissance, l’homme ne pourrait pas vieillir. Les hassidim appelleront cela Ce qui permet à l’auteur de définir le rapport de Dieu à l’éternité, c’est-à-dire l’achèvement du cycle temporel ou la fin de l’Histoire : car l’instant où Dieu créa le premier homme, l’instant où le dernier homme finira et l’instant où je parle sont égaux en Dieu.  Cette impassibilité, cette immutabilité font penser à l’idée bien connue de la neutralisation des contraires (coincidentia oppositorum).
    Et ce cri du cœur d’une rare beauté :  ce que je vous dis là est vrai ; je vous en donne la vérité comme témoin et mon âme comme gage.
    L’un des sermons les plus forts de Maître Eckhart est celui où il interprète un passage des Béatitudes : heureux les pauvres en esprit… Ceci le conduit à définir les différents types de pauvreté, de revenir sur la définition proposée par Albert le grand ; il y a la pauvreté extérieure,c elle que Jésus a pratiqué mais il y a la pauvreté intérieure, celle de l’homme qui n’a rien, ne veut rien et ne sait rien.  Ce sermon est si compliqué, si subtil et si travaillé que Maître Eckhart console ceux qui ne l’auront pas compris ; toutefois, certaines de ses affirmations, arrachées à leur précieux contexte, pouvaient largement accréditer (à tort, certes) l’accusation d’hérésie. Surtout lorsqu’il dit que Dieu ne serait pas Dieu sans moi, sans les créatures…  En fait, il faudrait être pauvre en volonté ou en volonté. C’est le summum de la négation de soi-même. Cette notion trouve elle aussi son équivalent dans un autre type de mystique, le bittul ha-ani, l’annihilation du moi.
    On est bien loin d’Obama, de la crise financière. Mais son se souvient encore, plus de sept siècles après sa disparition physique de Maître Eckhart. Mais qui parlera encore d’Obama et de la crise financière dans moins de dix ans ?
     

  • UN MAIRE PLUTÔT LAÏC À JÉRUSALEM

     

     

    UN MAIRE PLUTÔT LAÏC À JÉRUSALEM
        Le verdict des urnes est désormais connu. Jérusalem aura un maire de tendance plutôt laïque puisque c’est l’industriel qui l’a emporté sur le rabbin orthodoxe. Les enjeux de cette ville, dite trois fois sainte, sont complexes. On a entendu les différents programmes électoraux, mais, en réalité, la bataille se livrait entre une liste ouverte et une liste arc boutée sur les devoirs et la vocation religieuse de la cité du roi David…
        J’ai entendu avec intérêt les craintes d’une certaine jeunesse qui redoutait que les religieux, s’ils avaient la majorité, ne ferment les boîtes de nuit le vendredi soir, n’imposent au gros de la population leurs propres règles ou mode de vie, bref ne déploient une sorte de coercition religieuse qui marque la vraie frontière au sein même du peuple d’Israël : entre les religieux et les non-religieux.
        Cette lutte intestine parcourt comme un fil rouge toute l’histoire d’Israël depuis la plus haute antiquité jusqu’à nos jours. On se souvient des imprécations des prophètes du VIIIe siècle avant l’ère chrétienne contre les rois de Judée et d’Israël ; et on n’oublie pas, aujourd’hui encore, les controverses fiévreuses lorsque le parti religieux relève la moindre profanation du repos sacro-saint du chabbat. On n’a pas oublié la demande des religieux exigeant la démission du Premier Ministre Rabin lorsque des chasseurs bombardiers commandés aux USA avaient atterri en Israël après l’entrée du chabbat… Or, les religieux savent bien que les impératifs de défense nationale transcendent le respect des lois juives, c’est même un devoir de même nature que de sauver sa vie et de la défendre…
        On a parfois l’impression de revivre ce que Bismarck avait appelé le Kulturkampf (combat pour la culture) dans son opposition à une certaine église : défendre les valeurs d’une civilisation contre l’empiétement d’une idéologie religieuse.
        Cette ambiguïté congénitale de la nature même de l’Etat d’Israël, improprement appelé l’Etat juif, nous renvoie au document fondateur signé par Théodore Herzl,  Der Judenstaat, en français l’Etat des Juifs et non l’Etat juif. Alors que la première traduction induit l’idée que les Juifs ne sont pas tous également impliqués dans la pratique religieuse, la seconde laisserait entendre que cet Etat est par la règle religieuse. Ce qui n’est que partiellement vrai.
        En fait, l’identité juive est à redéfinir. Depuis la chute du second Temple en 70 de notre ère, le corps d’Etat à avoir su organiser sa survie fut le groupe des Docteurs des Ecritures, lesquels ont tout misé sur une définition intégralement religieuse du peuple juif. Alors qu’il y a plusieurs manières d’être juif.
        La religion juive ne doit pas étouffer la culture juive. Il y va de son universalité. Ce qui n’est pas rien. Mais il faut être équitable et rendre hommage à l’action quasi bi-millénaire des rabbins : sans leurs strictes règles, les juifs auraient disparu comme tous les autres peuples du Proche Orient ancien.
        Encore un paradoxe de l’énigme juive…