Personne ne l’aurait cru, même si on l’avait annoncé : François Hollande, chef de guerre, ordonnant sans hésiter un seul instant une opération des forces spéciales en Somalie et se lançant presque au même moment dans une guerre sans merci contre les terroristes islamistes. L’échec de la première opération ne l’a pas dissuadé d’en lancer une deuxième, de plus grande ampleur puisqu’il s’agit ici de plusieurs milliers d’hommes et de très nombreux avions de combat.
Tant de visiteurs entretenant des relations amicales ou politiques avec les différents chefs de l’Etat français ont presque tous noté cette mue : ce pouvoir suprême change l’homme qui se révèle alors dans toute sa vérité. Je n’aurai pas la cruauté de rappeler ce que certains hiérarques socialistes, aujourd’hui membres du gouvernement, disaient au sujet du Premier secrétaire du PS… Même au cours de la campagne présidentielle, personne n’aurait osé parler de cet autre François Hollande qui allait se révéler au moment de prendre des décisions graves.
Tout de même, je veux bien croire que la direction du PS fut une dure école, que les camarades vous réservent toujours des coups, plus pendables les uns que les autres, mais vraiment, le chef de l’Etat nous prend de court et nous étonne.
L’Histoire dira qu’il fut le premier chef d’Etat à avoir décider de changer d’attitude face au terrorisme et à l’islamisme en allant chercher chez eux, là où ils se terrent, les criminels qui commettent des enlèvements et des assassinats. François Hollande est allé les chercher chez eux, à l’autre bout du monde et, injure suprême, il est allé au plus près d’eux, durant cette mémorable journée de samedi où il a, en quelques heures, redoré le blason de la France et montré que la colonisation, nonobstant tous ses défauts, comporte aussi de la fraternité et de la générosité… Et nous savons tous que la corde de l’orgueil est bien tendue chez les Orientaux.
Les Africains ont été très sensibles à cette reconnaissance de dette morale que le président français est venu honorer : vous nous avez aidés lorsque la France fut battue et occupée par un terrible ennemi, à notre tour nous venons vous apporter aide et assistance. J’ai bien aimé cette sincérité de gens pauvres qui n’ont rien d’autre à offrir que de la candeur et de l’authenticité. Le président ne s’y pas trompé en disant que pour lui ce fut aussi un jour mémorable
Il y a aussi le message calme et redoutablement clair envoyé aux islamistes, sans que ce soit une posture : libérez les otages sinon vous le paierez de votre vie. Il a joint le geste à la parole puisque les frappes aériennes ont repris sur la zone en question avant même que le président ne revienne à Paris.
Oui, on a changé d’époque. Là où les ravisseurs se gaussaient de notre peur de la mort, si répandue dans l’Occident d’aujourd’hui (OK veut dire Zero killed : pas de morts), la décision de François Hollande a montré qu’il n’en était rien : désormais, on ira pourchasser les terroristes chez eux, il ne trouveront nulle part où aller se cacher…
La meilleure preuve en est l’arrestation hier d’un chef d’Ansar al-Din en fuite et l’hostilité des populations locales à l’égard des terroristes car ces populations voient en le drapeau tricolore l’étendard de la liberté.
Mais la France reste la France, un pays où le philosophe Alain a dit ceci, penser c’est dire non. Il ne faut donc pas s’étonner d’entendre des commentaires déplorant que la président n’ait de succès et de réussite qu’à l’étranger, et pas sur le champ de bataille de l’économie et du chômage. L’opposition va jusqu’à parler d’écran de fumée tissé de sujets sociétaux (mariage homosexuel, vote des étrangers, etc…) Mais c’est le jeu normal de la démocratie.
Que croire ? Il me revient en mémoire une phrase, ou plutôt une citation par laquelle le général de Gaulle avait jadis apostrophé une grande figure du journalisme français, le très regretté Hubert Beuve-Méry, lors d’une réception mondaine. Beuve-Méry qui signait Sirius critiquait toujours les décisions du Général qui lui lança cette phrase tirée du Faust de Goethe : je suis [vous êtes] l’esprit qui toujours nie (Ich bin der Geist, der stets verneint…)
Au fond, c’est l’éternel retour, Nietzsche avait bien raison. Mais tout de même, bravo au président…
Maurice-Ruben HAYOUN
In Tribune de Genève du 4 février 2013