Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Vu de la place Victor-Hugo - Page 1059

  • Définir le peuple d'Israël

    Comment définir le plus justement possible la notion de peuple d’Israël ?

    A chaque visite en Israël, on est intrigué par l’extrême diversité des visages, des attitudes et des accents d’une population qui regroupe un peu plus de 110 nationalités. Et pourtant, tout ce petit monde (car ce microcosme est vraiment un microcosme) parvient à vivre ensemble, alors que dans de nombreuses régions du monde, les êtres humains ne parviennent pas à s’entendre et encore moins à coexister.

    Quel est donc l’élément qui tient ensemble tous ces gens venus du monde entier ? Il faut bien reconnaître que cette question retient l’esprit de l’observateur sans qu’il réussisse à lui apporter une réponse qui résiste au temps, à la critique ou à un examen un peu approfondi. Je souris déjà en devinant les réactions intempestives et courroucées de ceux et de celles qui s’empresseront, comme dirait Maimonide, de décocher les flèches de leur ignorance, arguant que ce n’est pas la bonne question, que c’est une évidence, etc..

    Prenons donc le problème avec sérieux : comment tous ces individus disséminés sur la surface de la terre ont-ils pu, en dépit des vicissitudes de l’histoire juive, des persécutions, des déportations et des massacres, conserver une trace vivante de l’antique promesse, à savoir, qu’au moment de leur apparition sur la scène de l’histoire mondiale, un sort spécifique leur était réservé ? Et comment sont ils parvenus à s’y tenir en dépit de circonstances si peu favorables ?

    La monarchie davidique, qu’on la juge réelle ou fictive, remonte aux alentours de l’an 1000 avant l’ère chrétienne. Les deux destructions du temple de Jérusalem datent de – 586 et à 70 de notre ère. Après cette dernière catastrophe, c’est la période noire de l’exil et de la dispersion qui commence.

    Quels sont les éléments, les forces ou les idées qui ont permis à tous ces gens, rejetés et perdus sur la surface du globe, de conserver un lien, un véritable principe architectonique gisant au fondement même de leur existence ? Tant de peuples ont développés des mythologies, de grandes épopées héroïques, élevé des cippes, des monuments ou des temples comme le magnifique site nabatéen de Pétra : et ce ne fut pourtant pas la panacée contre la destruction et l’oubli.

    Quand vous écoutez les Israéliens d’aujourd’hui parler la langue hébraïque, l’idiome de leurs ancêtres, vous devinez immédiatement d’où ils viennent et eux aussi identifient votre provenance suivant votre accent. Dans toute conversation, quelle qu’elle soit, arrive un moment où fusent des phrase ou des mots en d’autres langues (arabe, français, allemand, russe, espagnol, etc..). Cette universalité de l’identité juive plongerait dans une perplexité abyssale les tenants des théories raciales du XIXe siècle, par exemple, qui se faisaient forts de reconnaître un juif au premier coup d’œil… Dans un même espace, une plage, un restaurant, dans le même grand magasin, vous trouverez aux caisses, dans les rayons, à la porte d’entrée, des russes, des yéménites, des éthiopiens, des séfarades, des ashkénazes etc.. Multiple identité juive, identité introuvable, indéfinissable.

    Est-ce la religion qui a aidé tous ces gens à se reconnaître dans l’antique promesse à laquelle ils vouent une fidélité à toute épreuve ? Il est indéniable que le fondement même de cette identité est de nature religieuse car les rabbins qui succédèrent aux docteurs des Ecritures furent les instituteurs d’Israël comme Homère et Hésiode le furent pour la Grèce antique. Comme eux, ils firent mémoire de tout ce qui était constitutif de cette identité. Un document de plusieurs milliers de pages a concentré en lui-même la vie et l’unité de ce peuple déracine. C’est le Talmud qui entendait tracer la voie à suivre et maintenir en vie cette conscience à la fois nationale et religieuse. Ce n’est pas sans raison que les destructions du Talmud par le feu jalonnent la vie des communautés juives du Moyen Age.

    Mais cette explication ne suffit plus à expliquer la survie du peuple d’Israël ni la fidélité à sa vocation. Car de multiples facettes sont apparues et la dimension religieuse de cette nation ou de ce peuple ne cesse de rétrécir au profit d’autres caractéristiques. Comment actualiser ce message d’un passé si lointain et, partant, comment définir cette identité juive ?

    Le sionisme est peut-être la dernière idéologie du XXe siècle à avoir survécu. Aucune autre idéologie n’a pu suivre le même parcours. Il n’est pas question uniquement du sionisme politique qui n’a fait que bâtir sur des fondements plus anciens, profondément ancrés dans l’âme juive, même si celle-ci a toujours été polymorphe. Tous les immigrants qui se rejoignent dans ce pays reconnaissent que le sionisme ou le post sionisme est fondateur d’identité et formateur d’opinion. Il se révèle aussi comme une doctrine d’un grand pragmatisme et d’un étonnant universalisme. Ni la couleur de la peau, ni les origines sociales ou ethniques ne sont venues en limiter la portée. Certes, ce ne fut pas toujours facile, mais les résultats sont probants.

    Quand on pense que ce pays n’est guère plus étendu que deux départements français de taille moyenne, qu’il était constitué d’étendues arides et désertiques, on se dit qu’il ressemble à l’identité juive elle-même. Etonnant et inclassable.

  • la tension aux frontièresz d'Israel

    La tension aux frontières d’Israël

    Depuis quelques jours, Israël est l’objet d’une tension croissante à ses frontières. Un Israélien me confiait tout récemment la pensée suivante : dans la même semaine, une menace iranienne de mettre le feu à Tel Aviv en cas d’attaque américaine sur les sites nucléaires, une mise en garde syrienne du même genre, des missiles tirés contre Eilat, des missiles contre Askelon et Sdérot et enfin un grave et sanglant incident frontalier avec le Liban. Du nord au sud et à l’ouest, des ennemis, me disait, en ajoutant : comment voulez vous que nous ayons des comportements normaux ?

    Un rapide coup d’œil sur la presse de ce matin suffit à me convaincre. Un vendeur au marché, celui là même qui m’a recommandé son caviar d’aubergines, s’étonnait que je ne sois pas au courant de tout cela et me dit : Tu vis où, toi, dans ce monde ci ou dans l’autre… Il a raison.

    Ce qui frappe dans ce Proche Orient, c’est son caractère inflammable, si je puis dire : voila que le Hezbollah se prépare à faire face à des accusations concernant son implication dans le meurtre du Premier Ministre Rafic Hariri, et aussitôt on redoute des heurts sanglants entre les sunnites proches de la victime et son bourreau présumé. Et pourquoi ne pas compliquer une situation qui ne l’est jamais assez aux yeux de certains ? Le président syrien affirme au Liban, face au fils de la victime, qu’il faut fermer le tribunal onusien sur les crimes commis au Liban. Il dit cela devant le roi saoudien Abdallah.. Lequel est un alli é inconditionnel des USA alors que l’homologue syrien est ami de l’Iran.

    Bientôt le casse tête proche oriental dépassera le casse tête chinois.

  • Le marché de Natanya

    Le marché couvert de Natanya

    Il s’agit d’une ville moyenne du littoral israélien, peuplée aujourd’hui d’environ deux cent cinquante mille habitants et qui s’étend chaque jour un peu plus, ce qui fait que ce qui était jadis le centre ressemble désormais à de la périphérie. Aujourd’hui, le front de mer est très prisé et c’est tout du long que se construisent délégants immeubles d’habitation. La municipalité déploie de gros efforts pour rénover le centre ville, érigé jadis à la hâte afin d’accueillir les nouveaux émigrants. Le marché de la ville est donc presque un lieu historique.

    Quand nous en parlons, les gens s’étonnent que nous y fassions nos emplettes car le lieu passe pour une survivance populaire des années difficiles. Alors, ai-je une certaine affection pour ce vieux marché où les gens sont plutôt d’allure modeste ? Parce que j’y sens un peu la pulsation ancienne du pays, j’y sens battre le cœur du vieil Israël, celui des nouveaux émigrants, des gens simples. Les venelles y sont sillonnées par des hommes vêtus de débardeurs, poussant des charriots d’un autre âge. Les vendeurs ne parlent pas mais hurlent car le tintamarre couvrirait leur voix. Au début, je ne pouvais pas y rester plus de dix minutes, depuis je m’y suis habitué et surtout je connais les vendeurs des échoppes qui admirent mon hébreu. Hier l’un d’entre eux m’a demandé comment et où j’avais appris un si bon hébreu. Je lui ai répondu que j’étais un universitaire. Comme tous les Israéliens qui ne s’en laissent pas conter, il a répliqué en demandant quelle était ma discipline, ma spécilaité ? J’ai répondu la philosophie médiévale et la philosophie judéo-allemande des XVIII-XIXe siècles. Il a continué à préparer les paquets que nous achetions et m’a dit textuellement ceci : tu vois, moi je ne suis pas un philosophe, mais j’ai à cour de te vendre de bons produits, notamment d’excellent caviar d’aubergine que ta femme et ta fille aiment tant. Intriguée par cet échange qdans une langue qu’elle n’entend pas, Danielle m’interroge et je lui traduit fidèlement. Elle éclate de rire et son rire devient contagieux : tout le monde rit.

    Mais les hommes dans ce marché ne sont pas tout. Il y a les odeurs et les saveurs. La propreté, les senteurs notamment de menthe fraîche, de cannelle, d’ambre et de toutes les épices d’Orient. Le poivron rouge en poudre donne aux sauces de notre enfance une saveur particulière. Ah, j’oubliais les étals de poissons, directement pêchés des rivages méditerranéens. On trouve une sorte de daurade unique en son genre. Les Israéliens la nomment dénis. D’où vient ce mot, je l’ignore, en tout état de cause, il n’est pas hébraïque. Les rougets aussi, les tout petits, qu’on ne trouve presque plus à Paris, sont disponibles ici, au marché.

    Mais l’animation la plus forte règne ici le jeudi après midi et le vendredi matin lorsque les gens viennent faire leurs emplettes pour le chabbat. Tout Israël est alors en mouvement, les soldats permissionnaires sont sur les routes, les enfants rejoignent leurs parents, les familles se reforment, bref, tout s’agite.

    Les Israéliens consomment en fait peu de viande fraîche. Ils optent pour du poulet, de la dinde et de la charcuterie. Mais ici, au moins, tout est cacher puisque seul l’abattage rituel est perms par la loi. Un jour, l’année dernière, je crois, j’ai commis l’imprudence de demander à notre vendeur habituel si sa charcuterie était cacher.. Il s’est tourné vers son père en s’exclamant : Eh, Abba, ce type nous prend pour des Russes…