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Vu de la place Victor-Hugo - Page 374

  • Le Déluge et la prière

    Le Déluge et la prière

    En écoutant égrener la liste interminable des villes et villages sinistrés de notre pays, en raison des intempéries, je me suis souvenu que le premier désastre dont l’humanité, dans son ensemble, eut à souffrir ne fut autre qu’un gigantesque dégât des eaux, le Déluge. On trouve ce mythe dans la littérature babylonienne ancienne d’où il s’est très probablement frayé un chemin dans la Bible hébraïque où il se métamorphosa en un passionnant récit, centré autour d’un personnage mythique, le fameux Noé, connu, en réalité, pour sa découverte du vin…

    Donc, la crainte de l’eau, l’horreur éprouvée devant la montée des eaux, remonte (sans jeu de mots) à des périodes très anciennes. L’homme, qu’il ait vécu sur le littoral ou à l’intérieur des terre,s a toujours eu peur d’être englouti dans les profondeurs marines. La rivière, traditionnellement calme, qui quitte son lit, le petit ruisseau qui se transforme en un torrent impétueux emportant tout sur son passage, hommes, arbres et maisons, ce déchaînement de l’élément marin est profondément enfoui dans la mémoire collective de l’humanité. Au fond, la Bible s’est contentée de s’en faire l’écho.

    Quand on voit qu’un pays aussi fort que la France, aussi évolué et aussi avancé dans tous les domaines, peine à juguler cette catastrophe, on se rend bien compte que la nature est la plus forte : comment agir sur la décrue pour l’accélérer ? Il faut laisser Dame nature s’autoréguler, elle prend son temps pour que le niveau des fleuves et des rivières baisse et pour que les rues de nos villes et de nos villages reprennent leur physionomie habituelle.

    Un détail contemporain : quand on habite un nouvel appartement, la première police d’assurance qu’on est tenu de contracter est celle qui prémunit contre le dégât des eaux.

    L’homme se révèle donc impuissant dans sa tentative de dicter sa loi à la Nature. C’est alors que je me sui souvenu d’une liturgie qui se récite au moment où l’on passe de l’été à l’hiver, et de l’hiver à l’été. Puisque, comme chacun sait, en Orient, deux grandes saisons dominent, l’hiver et l’été, le printemps et l’automne étant considérés comme des moments transitoires…

    Le premier jour de la fête de Pâque marque le passage de l’hiver à l’été. La formule liturgique change donc. Pour l’hiver, la prière demande que souffle le vent et que tombe la pluie ; tandis que pour l’été la formule devient : Dieu qui fait tomber la rosée afin que la nature retrouve son éclat, étale sa joie des couleurs et stimule l’agriculture pour les récoltes. Faute de quoi l’humanité serait menacée de famine.

    Mais il y a plus. Le jour du Nouvel An, la liturgie est nettement plus longue et plus fournie. Je ne vais pas la traduire ici mais simplement en résumer les grandes lignes : on prie pour que les pluies tombent au moment voulu, que leur volume soit approprié et constitue une bénédiction. La liturgie juive est probablement la seule qui accorde une telle attention à la pluviométrie. Il faut dire que les civilisations du Proche Orient, généralement éprouvées par de terribles sécheresses, considéraient ces dernières comme une véritable punition divine. Il suffit de jeter un rapide coup d’œil sur la littérature prophétique pour s’en convaincre…

    Mais les recettes d’il y a deux millénaires peuvent elles aujourd’hui encore avoir une efficace ? Pour les gens qui y croient, oui, certainement, même si je recommande de placer aussi son espoir dans de robustes moyens techniques et matériels fabriqués par les hommes.

    J’ai dit aussi mais pas exclusivement. Voici un hadith attribué au prophète de l’islam qui illustre bien notre propos : un jour, un chamelier lui a posé la question suivante= Envoyé du Seigneur, tu nous dis de toujours faire confiance à Dieu mais moi, la nuit, pour ne pas laisser ma chamelle s’enfuir durant mon sommeil, je l’attache à une borne… En agissant de le sorte, suis-je fidèle à tes enseignements ? Le prophète lui répondit : Oui, attache ta chamelle et prie Dieu pour que le lien tienne…

    Je retrouve la même dialectique, sous une forme différente, chez Franz Rosenzweig qui disait ceci : la Révélation apporte un bon éclairage mais ne donne pas de recettes

    Maurice-Ruben HAYOUN

  • il est injuste de prétendre publiquement que la France es raciste…

    il est injuste de prétendre publiquement que la France es raciste…

    Avant d’écrire la moindre ligne, il convient de rappeler que la présomption d’innocence vaut pour tous, même pour les mis en examen par des juges qui disposent forcément de charges, plus ou moins sérieuses, étayées, notamment, par des écoutes téléphoniques. Chacun comprend à quoi je fais allusion, sans citer de noms pour ne porter préjudice à personne. Mais je note, que, mis à part l’intervention de l’avocat du principal intéressé, les condamnations de cette accusation (une partie raciste de la France) est unanime, depuis le ministre des sports jusqu’aux commentateurs et aux hommes politiques.

    On ne peut reprocher à personne d’avoir des réactions motivées par l’amertume ou un simple sentiment d’injustice. Et tous, absolument tous, nous entrons dans cette catégorie. Imaginez un artiste, un sportif, un grand artisan, un grand homme d’affaires, contraint de ne pas prendre part à un grand événement dans sa discipline ou dans son secteur : comment voulez vous que cet homme ou cette femme vive cette mise à l’écart qui va lui apparaître comme une injustice, une éviction injustifiée ? C’est donc une réaction humaine qui se comprend mais si elle ne se justifie point car, comme l’a dit Bruno Le Maire ce matin chez JJ Bourdin, de quoi parle t on quand on dit une partie de la France raciste ? L’intéressé ajoute même que le FN a accédé au second tour des dernières élections dans notre pays. Et alors, est ce un scoop ? Les citoyens de ce pays sont libres de voter pour qui ils veulent, même si l’auteur de ces lignes a d’autres options.

    De tous côtés, on entend les cris d’alarme mais aussi de souffrance de gens qui n’en peuvent plus, qui se sentent rejetés dans leur propre pays, étrangers dans le pays qui les a vus naître, dont ils sont les nationaux, et… Et qui ne comprennent pas que des gens dont leur pays a accueilli les parents immigrés puissent traiter ainsi la France.

    Au fond, nous avons, Dieu soit loué, une liberté d’opinion, chacun s’exprime comme il l’entend, mais le respect et la reconnaissance font aussi partie des règles de l’humanité. L’affirmation de soi est légitime mais la gratitude envers le pays d’accueil l’est aussi. Il faut reconnaître que le pays s’est un peu radicalisé, qu’il a changé sous la pression d’événements tragiques et des réalités économiques peu propices à la tolérance et à la générosité.

    C’est la raison pour laquelle il faut faire très attention à ce qu’on dit et à ce qu’on fait. Par exemple, les mesures annoncées par l’actuelle ministre de l’éducation nationale concernant l’enseignement de langues communautaires devraient être proposées avec mesure, que dis je, avec une circonspection extrême. Nous avons déjà assez de débats et de conflits à gérer. Il ne sert à rien d’en rajouter.

    La France se prépare à accueillir l’Euro et doit gérer au mieux la grande menace terroriste. Des déclarations intempestives n’ont pas leur place ici. A moins que certains aient voulu casser la baraque pour se venger de ne pas en être.

    Ceux qui n’ont pas été élus à l’Académie Française n’en disent pas pis que pendre. Ils n’ont pas été élus, un point c’est tout.

    Ils feront mieux la prochaine fois. C’est tout ce qu’on leur souhaite.

  • La vie au quotidien sans Dieu: le défi français de la laïcité à l’islam…

    La vie au quotidien sans Dieu: le défi français de la laïcité à l’islam…

    Mon éditorial de ce matin part du constat suivant ; j’ai écouté une conversation en langue arabe entre deux musulmans dans l’espace public. La scène se passe dans un grand établissement place Victor Hugo à Paris. C’est à cet échange entre deux personnes que j’ai pensé en prenant connaissance de la réunion importante convoquée par le maire de Fréjus dans sa ville et dont les thèmes récurrents n’étaient autres que l’islam, le respect de la laïcité, le grand remplacement, l’immigration, la délinquance, etc… Tous ces débats avaient pour dénominateur commun, l’islam, sa place dans nos sociétés dites laïques. Il est dommage que la grande presse n’ait pas accordé à ce colloque géant (près de deux mille personnes de toutes obédiences politiques ou philosophiques). Cela aurait permis de lancer un vaste débat, sérieux, objectif et instructif.

    Or c’est là que le bât blesse : nous, partisans d’une France laïque, de la séparation entre les églises et l’Etat, n’avons jamais pu ni voulu examiner les présupposés culturels, éthiques ou simplement religieux des populations que nous voulons convertir non pas à la confession judéo-chrétienne, mais à nos mœurs, à nos valeurs et à notre mode de vie.

    Prenons quelques exemples tout simples : la permissivité, la liberté des mœurs, la révolution sexuelle, la place de la psychanalyse dans la vie sociale, le libre examen des Ecritures saintes, l’égalité homme / femme et, dernier mais non moindre, le bannissement presque complet de Dieu dans la vie de tous les jours. Car dans la conversation entre mes deux interlocuteurs, le nom de Dieu (Allah) a connu au moins quinze occurrences en quelques minutes. Je traduis les formules les fréquentes : plaçons notre espoir en Allah, si Allah le veut bien, il n’y de force ou de bravoure qu’en Allah, tout est entre les mains d’Allah… et je ne prétends pas à l’exhaustivité.

    Quelle conclusion pouvons nous en tirer ? Ou plutôt d’abord une remarque d’ordre philologique : ce terme d’Allah n’est que la vocalisation atabe de la racine sémitique ALH qui a donné en arabe Allah, et en hébreu Elo’ah ou Elohim ou simplement El… Mais cet argument philologique qui nécessité d’être un fin lettré spécialiste de philologies sémitiques comparées n’est pas le bien commun de tous les êtres concernés, vivant sur notre territoire.

    Alors qu’en penser ? Eh bien, une fois qu’on a bien compris la réalité, essayons de voir ce qu’on exige des adeptes de cette religion vivant sur notre sol : on leur demande pratiquement un auto-reniement, une autre Weltanschauung, une autre façon d’être, une autre sensibilité, toutes choses qui sont aux antipodes de leur culture originelle.

    Il faut expliquer à nos compatriotes musulmans qu’il y a des règles de base qui ne portent nullement atteinte à leur essence profonde, que toute religion doit, pour vivre avec les autres, être éclairée par une approche philosophique et que les hommes vertueux et de bonne volonté ne sont pas des antagonistes. Comme me l’avait dit un jour l’inoubliable Théodore Monnod, quand on monte, quand on part en quête de spiritualité, on finit toujours par se rejoindre. Plus loin de nous, Gottlob Ephraïm Lessing, l’ami de Moses Mendelssohn a placé dans la bouche de Dieu la phrase suivante, dans son Nathan le Sage : je n’ai jamais voulu que tous les arbres de la forêt aient la même écorce. Splendide image qui signifie deux choses : l’humanité est nécessairement diverse et variée, quant à sa culture mais au fond d’elle-même, en son essence profonde, elle est partout la même et obéit aux mêmes règles.

    Certes, on me dira que ceci est l’approche d’un philosophe ou d’un savant, et ne saurait être la mentalité d’un conseiller d’Etat qui vérifie la constitutionnalité des lois… Erreur ! Les lois sont faites par des hommes et pour des hommes. Il faut en tenir compte.

    Or, les aspirations à la spiritualité ne sauraient être mises en parenthèse ; en revanche, on doit veiller à ce que les manifestations de cette quête légitime de spiritualité ne portent pas atteinte aux autres. A ceux qui pensent, croient et prient autrement.

    Il faut faire très attention. Ne laissons pas se multiplier des rencontres comme celle de Fréjus. L’Europe a eu sa question juive au XIXe siècle, n’ayans pas une question musulmane au XXIe siècle.

    Les gens ont parfaitement le droit de se réunir et de débattre, mais sans propager les ferments de la discorde, comme le disait le général de Gaule.

    Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du 30 mai 2016