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Vu de la place Victor-Hugo - Page 374

  • Les attentats en Israël : le glaive ne sera t il donc jamais repu?

    Les attentats en Israël

    Le sentiment qui prédomine en Israël après les horribles attentats d’hier est le suivant : le peuple juif se retrouve toujours seul pour enterrer ses morts. Le Premier Ministre Benjamin Netanyahou s’indigne de voir que le monde entier contemple ce qui se passe, ces atrocités, sans rien dire. Sans s’associer à la peine des familles, à la peur des citoyens qui veulent faire cohabiter sécurité et état de droit. Et les verdicts de la Cours suprême sont là pour le prouver.

    Je sais bien que rien ne changera, que rien ne fera avancer d’un pouce le traitement d’un tel dossier qui est une guerre aux racines religieuses. Qu’est ce qui peut pousser des êtres humains à poignarder aveuglément des gens, des inconnus, dans les rues ? Qu’est ce qui peut inciter un adolescent à poignarder sauvagement une fillette dans son sommeil ? Que gagnent les terroristes en agissant de la sorte ? Rien, tout au contraire.

    La réponse sera certainement à la hauteur du défi : pour rassurer la population et montrer que l’Etat juif ne cédera pas, on assistera bientôt à la destruction de la maison du terroriste (tant celui de Natanya que celui de Qiryat arba’) et à l’autorisation de construire des centaines de logements en Cisjordanie.

    Il faut trouver autre chose. Il faut emprunter enfin la voie d’une paix durable, mais sans se bercer d’illusions. Cela prendra du temps, le seul élément apte à cicatriser les blessures et à établir une distance, une temporalité en sursis, avec des faits brûlants. Les rêves, les espoirs d’un nouvel état, aux côtés de l’Etat d’Israël, s’éloigne toujours un peu plus, chaque fois qu’un tel acte de sauvagerie est commis. Si l’on additionne tous les attentats commis depuis près de cinquante ans, on se rend compte que cela n’a servi à rien et que plus d’un demi million de citoyens israéliens vivent en dehors des anciennes frontières de 1967.

    En somme, aucune cause, si élevée soit-elle, ne peut recourir sans se causer du tort à elle-même, à de tels actes de sauvagerie. Quand on réalise que l’annonce de la mort de la fillette de Kiryat Arba a été saluée par des concerts d’avertisseurs sonores dans le village d’où venait le meurtrier, on s’interroge sur le siècle où vivent ces gens : le Moyen Age, l’âge de pierre ?

    Il convient de se ressaisir. Israël est la seule démocratie de la région. Aucun Etat arabe ne prend plus au sérieux la cause palestinienne car ces gouvernements ont d’autres priorités. Reste une seule voie praticable : des négociations directes entre les deux parties.

    Est ce que le départ prochain de Mahmoud Abbas et son remplacement par le colonel Ahmed Dahlane va changer les choses ? C’est possible. L’homme parle l’hébreu, appris durant des années de captivité en Israël. On le dit pragmatique et hostile au Hamas qui l’avait chassé de Gaza…

    Un verset biblique me revient en mémoire, ce verset qui a servi de titre aux Mémoires du légendaire général Moshé Dayane ; ce verset est emprunté au livre de Samuel et fut prononcé lors d’une négociation entre le chef de l’armée de David et le chef de l’armée de Saül : ha-la-nétsah tokhal haharéb, Le glaive ne sera t il donc jamais repu ? Le glaive dévorera t il pour l’éternité ?

    Mais qui peut se risquer à des pronostics sur cette région du monde où Dieu a pourtant fait ses premiers pas mais d’où il semble avoir disparu depuis si longtemps.

    Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du 1er juillet 2016

  • Solidarité avec le peuple turc, victime du double jeu et de la duplicité de son président, R. T. Erdogan

    Solidarité avec le peuple turc, victime du double jeu et de la duplicité de son président, R. T. Erdogan

    Le terrible attentat qui a frappé il y a presque deux jours le grand aéroport international d’İstanbul est parfaitement abject et a été le fait incontestable de l’Etat islamique, furieux de voir que l’Etat turc, après l’avoir considéré comme un allié objectif contre les rebelles kurdes, retournait ses armes contre lui, bombardait ses positions en Syrie et faisait arrêter ses agents dans les frontières mêmes du pays. Cela n’enlève rien au caractère barbare de cet acte et cela nous conduit le plus sincèrement du monde à partager la douleur du peuple qui a, une nouvelle fois, payé un lourd tribut à la lutte contre le terrorisme. Mais il faut aller plus loin dans l’analyse, si l’on veut que de tels désastres ne se reproduisent plus et si l’on veut que les Turcs retrouvent enfin la paix au sein de leurs frontières.

    Qui a créé cette situation prés insurrectionnelle ? Qui a monté les uns contre les autres au sein même de la nation turque, au lieu de bien intégrer les Kurdes et de créer une grande nation réconciliée ? Qui a mené une politique tant interne qu’externe, en dépit du bon sens et de l’intérêt bien compris d’un pays, censé faciliter les échanges et occuper une position médiane entre l’Occident et l’Orient ? La réponse est nette et claire : c’est la politique menée sous l’impulsion du plus haut sommet de l’Etat.

    Lors d’un précédent papier nous avions énuméré les contours sinueux d’une politique étrangère erratique, inspirée par un homme que les plus grands chefs d’Etats de la planète jugent imprévisible. L’entourage de la chancelière allemande jugeait que l’homme est absolument unberechenbar, imprévisible. Comment négocier avec un responsable impétueux, qui croit qu’il a toujours raison, qui veut faire changer le monde au lieu de changer sa propre opinion sur le monde…

    Une coïncidence que personne n’a relevé, tant elle était incroyable : mardi dernier, la chaîne Arte publiait un THEMA sur la Turquie et dénonçait justement la duplicité du Grand Turc… Et au même moment on apprenait le désastre survenu à Istanbul qui se solde, nous les savons désormais, par 41 morts. Un massacre ! Et je renouvelle mon soutien et mes condoléances au peuple turc qui mérite d’être mieux gouverné.

    Un exemple de l’imprévisibilité de M. Erdogan : alors qu’il disait pis que pendre de l’Etat d’Israël durant six années de brouille violente, alors qu’il menaçait la Russie des pires sanctions, le voilà qui conclut hâtivement un accord avec l’Etat juif, hâte l’échange d’ambassadeurs, et par rapport à Poutine, exprime ses regrets, veut dédommager els Russes de la perte du bombardier abattu, etc… Alors qu’il y a peu, il réitérait ses menaces contre le Kremlin…

    Que s’est il passé ? L’homme a enfin eu un éclair de lucidité et a compris, enfin, que l’isolement volontaire de son pays ne présageait rien de bon.. Les projets d’Erdogan ont partout failli : vers l’Europe, vers les pays arabes, vers la Syrie, vers l’Arabie saoudite, vers l’Iran, vers Israël ! Aucun succès enregistré depuis toutes ces années et toujours ces rodomontades contre la terre entière.

    On constate désormais les résultats.

    Vis-à-vis de Daesh le constat est encore plus dur : il ne faut jamais oublier que les Turcs, et au premier chef Erdogan, sont obsédés par les Kurdes du PKK. Tout le drame vécu a Kobané s’explique par cela. Ils se sont dit ; nous et Daesh avons le même ennemi, les Kurdes, renforçons donc Daesh. On voit la suite. Elle est dramatique.

    Erdogan a laissé prospérer sur son sol une quantité inimaginable de cellules dormantes qui ont fini par passer à l’action il y a quelques jours. Le nombre élevé d’attentats depuis le début de l’année aurait dû lui mettre la puce à l’oreille.

    Erdogan n’a rien voulu entendre jusqu’au jour, récent, où sa politique étrangère est devenue intenable. On aimerait bien connaître les sentiments profonds de l’armée turque devant une telle déconfiture. Même sur ce plan là, l’homme fort du pays a mal agi, en faisant condamner à de lourdes peines de prison des officiers supérieurs, accusés de fomenter des attentats pour déstabiliser le régime. Aucune armée au monde n’aime ni ne supporte que l’on traîne devant les tribunaux ses anciens chefs, surtout lorsque la preuve de leur culpabilité n’a pas été apportée.

    Mais il n’est pas trop tard. Une vieille tradition, un vieux apologue soutient qu’on doit aider celui qui veut se purifier… Ha-ba léhittahér messaye’im lo.

    Mais Erdogan le veut-il vraiment ? Ne va t il pas, à la première occasion, retomber dans ses errements d’antan ? A moins que…

    Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du 30 juin 2016

  • Bernard-Henri Lévy: la dernière perlme noire lâchée par l’huitre du nazisme…

    Bernard-Henri Lévy: la dernière perlme noire lâchée par l’huitre du nazisme…

    Ce matin, à partir de huit heures trente, grâce à l’amitié de Guillaume Turin, directeur de la communication du groupe comprenant Paris Première, j’ai pu prendre part à un petit-déjeuner avec Bernard-Henri Lévy, dans le club choisi et distingué que cette chaîne de télévision vient de créer. Le premier invité de ce club fut Jacques Attali.

    L’échange a duré quatre-vingt-dix minutes et je ne pourrais, dans le cadre de cet article, revenir que sur ce qui m’a le plus intéressé. A commencer par cette métaphore un peu laborieuse mais très suggestive que l’auteur a appliqué à l’islamisme, autrement dit à l’islamisme radical. Bhl était en forme et avait bien préparé cette rencontre. Comme on se trouvait dans un cercle restreint, composé de personnes a priori bien prédisposées, le philosophe s’est livré sans crainte et de manière assez naturelle.

    Je voudrais réagir à une remarque très bienvenue de l’un des responsables, David Abiker, le débat étant animé par mon vieil ami Alexis Lacroix. Abiker a relevé que BHL était l’un des rares interlocuteurs ou commentateurs connus à dire encore sans hésiter : J’espère, j’ai l’espoir. Abiker a ajouté que cette voix dissonante était d’autant plus remarquable dans un univers où la désespérance, le déclinisme régentent les esprits et ont envahi les rédactions. BHL qui a maintes fois dit et répété lors de cette rencontre qu’il est juif a exprimé son accord, en disant que cela provenait peut-être de sa judéité. Ensuite, Alexis a parlé de réparation, et comme il sait un peu l’hébreu, je suis sûr qu’il pensait au Tikkoun des kabbalistes de la Renaissance qui organisaient leur spéculation mystique autour de trois concepts fondamentaux : le tsimtsoum (contraction de l’essence divine pour dégager un espace primordial occupé par la création), le bris des vases (shevirat ha-kélim) (des vases terrestres qui éclatent sous l’effet gigantesque du flux divin) et enfin pour réparer ce drame à l’échelle de tout le cosmos, le Tikkoun, à savoir la restauration de l’harmonie cosmique, telle qu’elle existait au premier matin de la création du monde.

    Je laisse de côté l’inconséquence théologique que représente le Déluge où une divinité créatrice -qui jugeait son monde très bien (tov méod)- n’a pas trouvé de meilleur moyen de régénérer son univers qu’en le noyant sous des masses d’eau… En le détruisant pour permettre l’émergence d’un autre ! C’est une autre problématique qui s’explique surtout par la reprise d’un mythe issu d’une culture polythéiste mais que la Bible hébraïque, chef d’œuvre du monothéisme éthique, a intégré sans trop de discernement.

    Mais revenons à cette propension juive à réparer, à espérer, à se dire que tout n’est pas perdu, qu’il faut encore et toujours espérer, envers et contre tout. Mais l’espoir n’est pas une dimension exclusivement juive ni biblique. Cet attachement viscéral à la vie, au bien, à la culture et au progrès constituent l’humus d’un messianisme ancestral. Même au VIIIe siècle avant notre ère, le prophète Isaïe annonçait que les choses iraient en s’arrangeant malgré les coups de boutoir de l’armée assyrienne contre la petite Judée. Même Jérémie, quelques siècles plus tard, redonnera, dans son magnifique chapitre XXXI, espoir à la matriarche Rachel en prophétisant le retour de ses fils partis en captivité. Et plus proches de nous, le hymne national israélien s’appelle Ha-Tikwa, l’Espoir.

    D’ailleurs, au lendemain de la seconde guerre mondiale, alors que le poids de la Shoah aurait dû éliminer pour toujours l’espoir de toute la surface de la terre, Edmond Fleg, l’auteur d’une belle Anthologie juive, publiait un nouvel ouvrage au titre évocateur, Nous de l’espérance…

    Et on trouve aussi bien des notes d’espérance chez Franz Rosenzweig et Emmanuel Levinas, deux auteurs que BHL cite tant dans son dernier ouvrage…

    Par ailleurs, un livre consacré à la personnalité et à l’œuvre de Simon Nora, le haut fonctionnaire, frère de l’historien Pierre Nora, vient de paraître. Interrogé, Pierre Nora a divisé en trois parties la dynamique de son défunt frère : le messianisme juif, le sens de l’Etat, la volonté de servir.…

    Mais j’ai aussi retenu, dans cette très instructive rencontre, une analyse assez fine de cette obsession de la pureté qui fascine, de nos jours, les intégristes religieux qui jettent un regard désespéré mais aussi dévastateur sur le monde qui les entoure.

    Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève de ce 29 juin 2016.