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Vu de la place Victor-Hugo - Page 379

  • Turquie: le sultan Erdogan se débarrasse sans ménagement de son vizir…

    Turquie: le sultan Erdogan se débarrasse sans ménagement de son vizir…

    Certains avaient jugé mes précédents éditoriaux un peu secs, voire cassants. Je n’ai nullement exagéré et la suite des événements m’a donné raison : Monsieur Erdogan ne supporte pas la contradiction, il veut régner tout seul et entend finir par présidentialiser son régime, quoiqu’on puisse lui objecter. Par ailleurs, les inquiétudes qu’il suscite sont relayées à un très haut puisque Madame Merkel, qui dirige notamment l’Europe, espère que le départ du Premier Ministre n’entraînera pas l’annulation de l’action de l’UE avec la Turquie concernant les migrants.

    Cette déconvenue de Madame Merkel qui a tout misé sur un allié fantasque va montrer encore plus l’inanité de cet accord avec la Turquie. Cela revient à mettre son cou dans un nœud coulant que Erdogan peut serrer ou relâcher à sa guise : c’est une arme thermonucléaire placée entre les mains d’un homme imprévisible. Le monde entier a vu qu’il jouait double jeu avec l’Etat Islamique. Et les journalistes qui l’ont dénoncé ont été condamnés à de le prison. Hier il y a même eu un attentat qui a heureusement été déjoué. La Turquie a mieux à faire qu’à instaurer un régime autoritaire. Elle devrait s’intéresser à son environnement régional naturel et ne pas se bercer d’illusions concernant une hypothétique adhésion à l’UE…

    L’UE doit changer de politique à l’égard des migrants, la commission de Bruxelles va faire éclater l’Union en cherchant à imposer l’accueil de migrants. Ce qu’il faut, c’est rétablir la loi et l’ordre en Irak et en Syrie, sauver les migrants de la noyade, les soigner et les nourrir, et les renvoyer enfin d’où ils viennent, lorsque leurs pays d’origine seront stabilisés. On ne peut ouvrir les vannes ainsi. Rien qu’en une semaine, la marine italienne affirme avoir sauvé près de 1800 migrants de la mort. C’est très bien.. Et quand on réalise que depuis de début de ces migrations, près de 5000 personnes, hommes, femmes et enfants, ont disparu en Méditerranée, devenue un véritable cimetière pour des morts sans sépulture, on est envahi par un puissant sentiment de honte. Et pourtant, l’Europe n’est plus en mesure d’accueillir et encore moins d’intégrer toutes ces populations si différentes.

    Le pape est dans son rôle quand il dit qu’il faut faire preuve d’altruisme et de générosité mais ce n’est pas lui ni son administration qui doivent séparer le grain de l’ivraie, les vrais réfugiés politiques, d’une part, et les terroristes infiltrés, d’autre part.

    Mais il semble que l’Europe s’éloigne de ses racines, de son humus culturel. L’élection d’un maire anglo-pakistanais à Londres, où la population d’origine étrangère dépasse les 40%, montre que l’on prend une tout autre direction que celle d’une fierté, d’un destin national ou d’une histoire commune enfin totalement assumée.

    Mais, au fond, ce n’est pas si mal, car quatre années passeront vite et on pourra constater si les promesses faites auront été tenues. Je ne parviens pas à comprendre comment a pu être battu un excellent produit du corps traditionnel britannique.

    Londres est elle encore Londres ?

  • François Hollande, quatre ans déjà

    François Hollande, quatre ans déjà

    C’est presque l’heure du bilan, certains diraient plutôt l’heure de sonner l’hallali. J’ai même entendu ce matin sur une chaîne de télévision un éditorialiste fait un jeu de mots assez désagréable entre bilan et dépôt de bilan. Le même commentateur, généralement mieux inspiré, a même ajouté que l’unique façon pour François Hollande de rentrer dans l’Histoire serait tout bonnement de raccrocher les crampons, de dire publiquement : je n’y vais pas, j’ai échoué sur tous les fronts, je ne me représenterai plus. Et le même d’ajouter que cela lui garantirait une reconversion dorée en conférencier international, invité partout dans le monde, etc… De profundis

    Heureusement qu’il n’est pas allé plus loin, en recommandant par exemple à «l’actuel locataire de l’Elysée» de rendre son tablier sur le champ et de provoquer une crise institutionnelle, avec élections présidentielles anticipées, élections législatives, bref le bouleversement.

    Non, il faut savoir raison garder. La situation est délicate et même les thuriféraires du président de la République ne peuvent pas le nier, sous peine de n’être pas suivi ni pris au sérieux par personne.

    Il faut reconnaître que quelque chose n’a pas fonctionné dans ce quinquennat, c’est la communication, trouver l’oreille des Français ; on a l’impression que les communiquants de l’Elysée n’ont pratiquement jamais appuyé sur le bon bouton. Aucun prédécesseur de François Hollande, pas même Nicolas Sarkozy accusé maintes fois d’être clivant n’a été aussi bas dans les sondages. N’étant pas superstitieux mais philosophe rationaliste, je ne crois pas à une malédiction quelconque. Mais force est de constater que mis à part la réponse, digne et courageuse du président aux attentats, on n’a pas trouvé le ton juste. Et en ces moments tragiques, le pays tout entier était uni derrière son président. Et il y eut cet intermédère désolant autour de la déchéance de nationalité. Pourquoi ?

    Et ceux qui ont encouragé le président à cette prestation télévisée qui, de l’avis de tous, même des caciques du PS, fut une exécution capitale, l’ont envoyé au casse-pipe, sans casque lourd. Et je ne parle même pas de la petite phrase : ça va mieux ! Même le complément, tardif alors qu’il se voulait simplement correctif, n’a rien arrangé ! Oui, cela va mieux mais pas pour tout le monde.

    Mais alors pourquoi l’avoir dit selon la première version, la seule qui s’est incrustée dans l’esprit des concitoyens ? Autant de détails cruciaux qui relèvent de la compétence des spin doctors, les communiquants… Mais qui conseille le président ?

    Et comment en sommes nous arrivés là ? Pourquoi donc toutes les réformes, dont certaines sont bonnes et utiles au pays, sont-elles torpillées avant même que d’être portées sur les fonts baptismaux ? Regardez les projets de lois Macron et présentement el-Khomri ? La ministre du travail est sympathique et touchante mais était-elle de taille à porter une telle loi qui a fini par porter son nom ? Il eût fallu confier cette tâche à un authentique poids lourd du gouvernement, et cela dit, sans misogynie ni réserve d’aucune sorte sur la personne !

    Alors comment s’explique cette situation que nous vivons où sondage après sondage, le président ne remonte pas ? Pourtant, il travaille, il voyage, il laboure le pays, il est intelligent, ce n’est pas un homme politique de seconde catégorie, tout au contraire il a passé une décennie à la tête du PS, inventant sans discontinuer des synthèses, même les plus improbables et les plus inattendues, éventant tous les complots dont cette formation a toujours été friande…

    Aujourd’hui encore, alors que le président jouit d’un alignement extrêmement favorable de toutes les planètes (l’Euro favorable aux échanges,, le pétrole moins cher, la baisse du chômage, la baisse de la dette, etc…), rien n’y fait : il ne remonte toujours pas dans les sondages.

    Certains expliquent même qu’il n’est plus audible quoiqu’il fasse car les Français qui l’ont élu ne lui pardonnent pas d’avoir changé de politique, tournant le dos à ses promesses d’il y a quatre ans. Mais cet argument est irrecevable au motif que tous les hommes politiques l’ont fait avant lui ! N’oubliez pas qu’on vit dans le pays d’un certain Jacques Chirac, immortalisé par cette phrase d’un cynisme politique insurpassable : les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent.

    On a pardonné cela à Chirac et à tous ses prédécesseurs. Pour François Hollande, cela ne passe pas. Pourquoi ?

    Il faut aussi signaler la carence d’un grand absent, le PS devenu une véritable coque vide. Je trouve que l’actuel Premier Secrétaire représente un indéniable progrès par rapport à son prédécesseur, mais cela ne se concrétise pas dans des propositions, des projets de loi, etc… Au plan humain, Jean-Christophe Cambadélis est un homme bien, pondéré, mesuré, mais on le sent mal à l’aise, un peu gêné aux entournures. Quand on fait de la politique, il ne faut pas avoir un cœur pantelant : il faut être froid et déterminé.

    Comment sortir de la nasse ? Un acte d’autorité, comme remercier certains ministres, ne serait-il pas la solution. Mais François Hollande que tous trouvent subtil n’est pas assez méchant. En politique cela peut devenir fatal.

    Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du 6 mai 2016

  • Les policiers sont des citoyens comme les autres. Ne les rejetez pas

    Les policiers sont des citoyens comme les autres. Ne les rejetez pas

    Depuis le début du quinquennat de François Hollande, les citoyens de ce pays se sont retrouvés confrontés à un état presque pré-insurrectionnel. Loin de moi l’idée de dire que le président actuel de la République en est la cause, mais il en est responsable car les changements, notamment sociétaux impulsés, ont suscité des oppositions massives et durables au sein du corps social traditionnel. Je pense surtout au mariage pour tous. Certains commentateurs ont émis l’opinion d’une sorte de diversion programmée par le pouvoir, car pendant que les gens se battaient contre telle réforme ou telle autre, on oubliait les vrais problèmes : en somme, le social aurait fait oublier l’économique, à savoir le chômage, l’emploi, le pouvoir d’achat, les impôts et tout ce qui touche à la vie quotidienne des Français…

    Est ce vrai ? Je laisse à d’authentiques spécialistes le soin de répondre. Mais une chose est indubitable : la société française est devenue plus crispée, plus intolérante, plus contestataire et s’oppose , presque les armes (non létales, Dieu merci) à la main, aux forces de l’ordre, dont les membres se sentent injustement détestés, voire même haïs par des casseurs qui s’acharnent sur eux. On recense plusieurs centaines de blessés parmi les forces de l’ordre, du jamais vu, et dans de très rares cas, Dieu merci, les blessures sont d’une extrême gravité.

    Que se passe t-il donc ? A l’évidence, la vie est plus dure. Décrocher un emploi même en CDD, est devenu très ardu. Pour les jeunes, l’entrée sur le marché du travail est devenue un véritable parcours du combattant. Pour les parents, voir leurs enfants décrocher un emploi, même précaire, même aléatoire, relève parfois du miracle et cela touche tous les milieux. Je me suis même rendu compte que certains jeunes ont du mal à manger à leur faim. Dans des quartiers du XVI arrondissement de Paris, certains jeunes qui y travaillent, font la queue devant des boulangeries pour acheter des sandwichs à l’aide de tickets-restaurants. Il y a une trentaine d’années, les petits restaurants de quartier offraient des menus accessibles aux petites bourses et les gens mangeaient assis, tranquilles et contents. Aujourd’hui, on ne compte plus les gens qui dévorent leurs sandwichs en marchant ou en s’asseyant sur des bancs publics La conclusion est sans appel : il y de plus en plus de travailleurs pauvres : qui travaillent mais dont le salaire ne leur permet plus ni de se loger ni même de manger correctement.

    Je me suis moi-même rendu compte de la nouvelle situation : pour conserver le même pouvoir d’achat d’il y a une décennie, il faut travailler deux fois plus : les journaux, les maisons d’édition et les invitations pour des conférences se raréfient ou baissent de niveaux ou encore mettent un temps fou à vous payer. Quand ces rentrées sont un plus, pas de problème mais quand les gens en ont besoin pour joindre les deux bouts, cela devient intenable.

    Et nous en venons à la loi travail qui semble soulever une grande tempête. Il est difficile, même si on est pour réformer la France en profondeur, d’ignorer les préoccupations des gens. Ils ont peur de sombrer dans la précarité et ensuite dans la misère. Ils ont l’impression que les employeurs et le patronat en général pourront utiliser les licenciements comme des variables d’ajustement : le carnet de commandes est plein, on maintient les effectifs, il tarde à se remplir, on dégraisse.

    Quand les gens manifestent leur crainte, voire leur mécontentement, les policiers sont appelés à la rescousse pour neutraliser les casseurs qui se mêlent aux défilés alors qu’ils n’ont rien à y faire. Comment en venir à bout, tout en respectant l’état de droit et en recourant à un usage modéré de la force ?

    Les policiers m’ont donné l’impression de se plaindre un peu du pouvoir politique qui tarde à leur donner des instructions, ne met pas à leur disposition des canons à eau, d’autres véhicules anti-émeutes, etc… C’est le syndrome Malek Oussékin… Et on peut le comprendre.

    Alors que faire ? Il faut considérer les policiers comme les autres citoyens. Certes, il ne faut pas oublier qu’une jeune étudiant de 21 ans a perdu l’usage d’un œil à la suite d’un tir d’un flash-ball. C’est extrêmement grave et ce n’est pas la première fois. Mais accuser toute la police de tels manquements serait injuste.

    La situation est délicate, on se demande s’il ne faut pas, au préalable, une évolution politique. Mais que vaudrait un changement politique sans une nette amélioration économique du plus grand nombre ?