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Vu de la place Victor-Hugo - Page 481

  • En ce jour, Israël rend hommage à ceux qui sont morts pour la patrie. Yom Ha zikkaron

     

    Yom ha-Zikkaron en Israël : l’hommage rendu aux soldats tombés pour la patrie

    Israël est le pays du souvenir, le judaïsme est la religion de la mémoire. L’histoire de ce peuple n’est comparable à celle d’aucun autre peuple. Par moments, elle fait figure de martyrologie. On n’y peut rien, c’est l’histoire du peuple juif, depuis les origines. Je rappelle une fois encore cette phrase du grand spécialiste allemand de la Rome antique, Théodore Mommsen, qui disait ceci : Israël n’est pas apparu tout seul sur la scène de l’histoire mondiale. Il était accompagné d’un frère jumeau, l’antisémitisme ! Cela se passe de commentaire…

    Israël va dans moins d’une heure se recueillir pour rendre hommage aux victimes des différentes guerres qu’il dut mener et gagner contre d’implacables voisins, qui se sont juré de mettre fin à son existence. Dans moins d’une heure, les sirènes vont retentir dans tout le pays, tous les restaurants seront fermés, tous les magasins baisseront leurs rideaux de fer. L’activité cessera dans tout le pays, un pays qui n’oublie jamais ceux qui ont donné leur vie pour lui, pour qu’il vive, que le peuple d’Israël ne soit pas effacé de la surface du globe. Dans la Bible hébraïque déjà, on utilise cette expression hébraïque très littéraire : shé lo ikkahéd shem Israël mi-goy : pour que le nom d’Israël  ne soit pas rayé de la liste des nations..

    Comme pour la veille du yom ha_Shoah, les sirènes vont retentir et le pays va communier dans la bravoure et le recueillement avec l’âme des morts au combat. Tous les combats d’Israël. Les radios vont adapter leurs programmes aux circonstances et les télévisions diffuseront des images d’archives et des interviews des soldats rendant hommage à leurs officiers et compagnons d’armes tombés au champ d’honneur. Il y a trois jours, j’ai entendu à la radio une annonce destinée à d’anciens soldats qui ont servi dans une brigade commandée par un gradé mort au champ d’honneur. On leur demandait de se manifester pour organiser en commun une cérémonie du souvenir.

    Le peuple juif a une vocation naturelle qui le mène au recueillement, à la méditation et au culte des disparus. Cette journée qui s’annonce puisque les Juifs débutent toujours leurs commémorations la veille au soir va inciter les  citoyens juifs de ce pays à s’interroger sur leur avenir et sur le sens de leur vie. J’ai été, au début, un peu surpris, du caractère légal de ces fermetures de magasins et de restaurants, chose qui n’est pas applicable pour les fêtes religieuses. Dans ces deux cas, la Shoah et le Zikkaron, c’est normal.

    En temps normal, le calendrier liturgique nomme le Nouvel An, Rosh ha-Shana, le jour du souvenir, Yom ha-Zikkaron. Comment avoir repris ce terme si important pour cette commémoration ? C’est qu’au Nouvel An, l’Eternel est censé se souvenir de nous et de nous inscrire dans le livre des vivants. Or, voila qu’on nomme ce jour selon les morts.. La contradiction n’est qu’apparente : ceux qui sont morts pour la défense de la patrie vivront éternellement dans le cœur de ceux qui les ont aimés.

    Après tout, c’est la définition que donnait Ernest Renan de la résurrection : continuer de vivre éternellement dans le cœur de ceux qui les ont aimés.

    Et l’Etat d’Israël aime ses soldats. Il a passé un contrat moral avec ses citoyens, les parents de ces soldats : dans toute la mesure du possible, leur rendre leurs enfants après leur service militaire, en vie.

    Malheureusement, il y a des guerres et des morts.

    Le caractère paradoxal de l’histoire moderne d’Israël apparaît dans la proximité de ce recueillement et de l’allégresse qui va s’emparer du peuple tout entier demain vers 17 heures, car la fête de l’indépendance, yom ha-Amtsma’out, battra son plein.  Déjà tout le monde pavoise. Toutes les voitures ont accroché à leurs portières de petits drapeaux frappés de l’étoile de David qui flottent au vent. Ce peuple ne laisse jamais le deuil, la tristesse, l’abattement le gagner ou s’installer durablement.

    Le jour de la Shoah et aussi appelé jour de la bravoure. Et aujourd’hui le yom ha-Zikkaron est immédiatement suivi de la fête de l’indépendance : mi-yagon le simha u mé évél le yom tov : du deuil à l’allégresse, du deuil, à un jour de fête…

    En hébreu, on a trouvé un bel exemple qui symbolise ce changement du tout, grâce à une simple métathèse : mé-éfér la-péér : on passe des cendres à la gloire.

    Il faut prier pour que ce peuple qui a tant souffert puisse enfin goûter la douceur d’une paisible existence. J’aime bien cette chanson que tout le monde chante ici et dont j’extrais deux phrases :

    Mi shé maamin lo méfahéd et ha émouna le’abbéd… Am Israël, lo yewatter : Celui qui a la foi chevillée au corps ne craint pas de la perdre… Le peuple d’Israël jamais ne renoncera.

    Longue vie à Israël 

  • Les commentaires de l'intervention télévisée du président de la république française

     

    L’intervention du président François Hollande, vue par les commentateurs

    Je n’ai pas pu voir l’interview du président français car je n’ai pu avoir la chaîne Canal+ à l’étranger où je me trouve. Mais dès hier soir, j’ai voir la totalité des chaînes françaises avec les commentaires. C’est assez unanime : les journalistes trouvent que le président n’a pas convaincu son auditoire, que les gens qui votaient pour le PS lui ont tourné le dos, qu’ils l’accablent de reproches, etc…

    Mais ce qui m’a frappé, c’est la virulence des commentaires, et pas forcément provenant de journalistes opposés au gouvernement actuel. En gros, que disent ces commentateurs ? Ils disent que François Hollande est venu expliquer qu’il ne pouvait rien faire. Il constate, il indique, mais, ajoutent ils, il n’agit pas car sa marge de manœuvre est limitée pour ne pas dire, nulle.
    Est-ce de sa faute ? Non point. Il souligne que les choses vont de mal en pis depuis une bonne dizaine d’années. Et qu’il n’a pas pu redresser la barre, à ce jour. Alors, les commentateurs répliquent : mais pourquoi donc est il venu parler à la télévision puisqu’il n’avait rien à annoncer, sinon qu’il ne pouvait rien faire…

    C’est là toute la question. Le président de la république donne l’impression (avec tout le respect) d’attendre, d’espérer, de se dire que les choses finiront par s’arranger, que la croissance repartira de nouveau, que le chômage baissera, etc… Le problème, c’est personne n’y croit.

    Or, le président a bien dit qu’il ne se représenterait pas s’il ne parvenait pas à faire baisser ou à stabiliser le chômage… Et visiblement, le compte n’y est pas.

    Il existe aussi un autre sujet d’inquiétude pour le président, un sujet qui le touche personnellement : le vote des primaires au PS afin de désigner un candidat aux élections présidentielles. Il est évident, à l’heure actuelle, que ce sera très compliqué pour François Hollande. Va-t-on se déjà au PS où l’actuel Premier secrétaire a dit clairement qu’il y aurait des primaires ?

    C’est un imbroglio. La solution serait un gouvernement d’union nationale qui durerait une bonne année et qui se retirerait fin 2016..

    La sagesse finira t elle par l’emporter ? L’avenir nous le dira.

  • Le sens de l'indépendance d'Israël

     

    Yom ha-‘atsmaout : renaissance politique d’Israël ou rédemption messianique du peuple juif ?

     

    C’est le sempiternel débat qui agite les différentes composantes du mouvement sioniste depuis les origines, dans la seconde moitié  du XIXe siècle : doit-on agir et réaliser avec d’humaines mains ce qui doit l’être, ou bien attendre que la divine Providence veuille bien s’en charger ? Le débat est presque politico-religieux : agir, prendre son destin en main, se prendre en charge ou attendre que la divinité veuille bien, au moment par elle seule choisie, agir et tout faire en lieu et place des hommes ? Il y a une lecture théologique de l’histoire dont le moteur n’est autre que la volonté divine, et une approche plus réaliste, donc plus politique.

     

    On peut déjà deviner la réponse, même si l’évolution historique a pu nous réserver quelques surprises. Il y eut  des rabbins qui excommunièrent les sionistes politiques, c’est-à-dire des hommes qui avaient compris le fameux conseil d’Hercule : aide toi et le ciel t’aidera. A leurs yeux, ces sionistes politiques étaient des incroyants qui désiraient se substituer à Dieu et porter une main sacrilège sur le plan préétabli depuis les origines. En outre, la nature de cette libération du peuple juif faisait débat : s’agissait il d’une libération purement politique, donc limitée et de faible portée ou d’une authentique rédemption, celle qui était censée accompagner l’harmonie universelle, réconcilier toutes les nations de la terre avec Israël et les faire affluer vers le Mont de Sion d’où émanerait la Tora de Dieu..

     

    Dès mercredi soir, ce 22 avril, les citoyens d’Israël et les Juifs du monde entier fêteront cet événement unique dans l’Histoire universelle : la renaissance de l’Etat juif auquel les Romains avaient porté le coup de grâce en l’an 70. Cette date marque le début du funeste destin d’Israël. Dispersés sur toute la surface de la terre, chassés de leur patrie ancestrale, en butte aux sanglantes persécutions infligées, directement ou indirectement par l’église chrétienne, les Juifs semblaient condamnés à la damnation éternelle, celle que les Evangiles avaient proclamée sans appel et qui sonnait ainsi : Juif, tu seras maudit, Juif tu erreras de par le monde.

     

    On ne pouvait plus parler de peuple mais de débris épars d’exilés cherchant, la gorge sèche, un lieu où poser enfin leur tête et se soustraire à cette sempiternelle malédiction. Un homme comme le poète Heinrich Heine avait, au cœur même de cette Europe chrétienne et antisémit,e dit à sa manière, ce que représentait le judaïsme aux yeux des gens : ce n’est pas une religion, c’est une maladie (Das Judentum ist keine Religion, es ist eine Krankheit). C’est dire combien les Juifs étaient devenus un objet haïssable aux yeux de leurs congénères. A l’époque même où le mouvement sioniste entamait une marche qui allait s’avérer victorieuse, moins d’un demi siècle plus tard, en 1948 précisément.

     

    Au terme d’un parcours chaotique de près de deux millénaires, les Juifs étaient sortis de l’Histoire. Non pas comme le souhaitera plus tard Franz Rosenzweig, volontairement sortis de cette histoire faite de guerres, de conflits et de soubresauts pour anticiper la rédemption et l’éternité, mais exclus, expulsés pour n’être plus qu’un fossile, témoin de la grandeur et de l’hégémonie universelles d’une Eglise triomphante. Les historiens chrétiens refusaient d’aller plus loin que l’an 70. Cette date marquait à leurs yeux la fin de l’histoire juive proprement dite et c’est là que commençait l’histoire du nouvel Israël, celui incarné par l’église chrétienne. C’est ce que fit Ernest Renan par exemple qui suivit avec le brio qu’on lui connaît ses modèles germaniques : L’histoire d’Israël s’arrêtait avec la chute du temple de Jérusalem. Les débris qui végétaient et continuaient de s’appeler Israël n’étaient rien du tout. C’est d’ailleurs le discours que Eugène Rosenstock-Huessy tiendra à Rosenzweig au cours de leur correspondance de l’année 1916 : pourquoi se réclamer du judaïsme, pourquoi rester juif alors que cette religion ne représente plus rien dans notre monde ? On connaît la réponse de Rosenzweig : je n’ai pas besoin d’un médiateur pour être auprès du Père. Je suis déjà dans la maison du Père, c’est lui qui m’a a choisi pour être de son peuple.

     

    Et pourtant, alors que tout espoir semblait avoir déserté le camp d’Israël, une poignée de Juifs, la foi chevillée au corps, bravant tous les dangers, se réinstalla sur la terre ancestrale depuis le dernier tiers du XIXe siècle. Cette réinstallation ne doit pas faire oublier les petits établissements juifs autour de villes comme Safed, la cite des kabbalistes, confirmant une présence juive ininterrompue sur cette terre d’Israël. On ne doit pas oublier non plus que la langue hébraïque n’est jamais devenue une langue morte : au moins trois fois par jour, les Juifs pieux récitaient leurs prières dans cette langue, réputée être la langue sacrée et les maîtres de chaque génération continuaient d’échanger des Responsa dans cette même langue.

     

    Mais cette même langue fut aussi un foyer de débats plus ou moins passionnés, et notamment entre Franz Rosenzweig et Gershom Scholem : le premier tenait tant au caractère sacré de la langue liturgique, le second en était lui aussi conscient mais optait, en 1927, pour une rénovation et un rajeunissement de cette même langue hébraïque. Partisans et adversaires continuaient de s’opposer à coup d’arguments plus ou moins tranchants.

     

    Aujourd’hui, au soixante-septième anniversaire de cet état juif, c’est une infime minorité qui conteste le caractère étatique de cet état et le recours à la langue hébraïque comme médium linguistique de tous les jours.

     

    Est-ce la thèse laïque ou simplement sociopolitique qui a prévalu ? Est-ce que l’autre thèse, de nature plus méta-politique, religieuse te sacrée, a été définitivement reléguée à l’arrière-plan ? Ce n’est pas sûr : La rédemption cosmique telle que la concevaient aussi bien les Sages du Talmud que les maîtres de la kabbale, tant juive que chrétienne, est tout autre chose. Elle cherche à instaurer le royaume du ciel sur terre, à figer l’Histoire en une éternité immuable, en une phrase, la fin de l’Histoire. C’est ce que le prophète Isaïe appelle dans ses premiers chapitres, aharit ha-yamim, la fin des jours, ce qui n’est pas la fin du monde, mais le basculement de l’humanité dans le règne de l’éternité. Plus de conflits, de guerres, de contestations, en un mot, plus d’histoire.

     

    Nous en sommes encore loin ; il suffit de voir ce qui se passe autour de cet état d’Israël pour s’en rendre compte. Lorsque la nature humaine aura un peu changé, lorsque se réalisera la prédiction de ce même grand prophète du VIIIe siècle avant notre ère, alors les peuples ne brandiront plus l’épée les uns contre les autres, ils feront de leurs armes des socles de charrue et ils délaisseront l’art de la guerre.

     

    Au chapitre XXXI de son livre, le prophète Jérémie dresse un tableau poignant de la situation : c’est notre matriarche Rachel dont on entend distinctement les pleurs, elle se lamente amèrement, ses larmes coulent sur ses joues et elle refuse de se laisser consoler. Et que fait le prophète, il lui intime l’ordre de cesser de pleurnicher car, lui dit-il, il existe un espoir pour ta postérité. Et tes fils reviendront dans leur patrie (yesh tikwa le-aharitékh… wé schavou banim liguevoulam) Le prophète a pronocné ces paroles au milieu du Vie siècle…

     

    Mais ce peuple qui attend la rédemption (guéoulla) depuis si longtemps, sait attendre. Il  attendra encore un peu, le temps que ses voisins se calment enfin.

     

    Cet état d’Israël avec ses administrations et sa puissante armée, c’’est ce que les rabbins qui prirent le train en marche nomment les prémices de notre rédemption (réshit tsemihat guéoullaténou). Mais le train est en marche.