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Vu de la place Victor-Hugo - Page 510

  • Un trait de génie: le passage à Moscou de François Hollande

     

    L’escale impromptue de François Hollande à Moscou : un trait de génie

     

     

     

    J’ignore qui a soufflé au président de la République ce petit détour (petit géographiquement mais grand diplomatiquement et politiquement) ; il marquera un tournant, non seulement dans les relations extérieures de la France mais aussi au plan intérieur : par cette initiative absolument inattendue, le Président montre enfin qu’il est encore en mesure d’agir et que la paralysie qu’on lui reproche quotidiennement et à longueur de colonnes n’est pas une fatalité.

     

     

     

    François Hollande a été pendant une bonne décennie le premier secrétaire du PS, ce qui signifie que chaque jour que Dieu faisait, il devait déjouer les complots, répondre aux critiques de ses adversaires et mettre en échec toutes les intrigues visant à l’écarter de son poste. Cette puissante dialectique, cette agilité intellectuelle, perceptible dans son art consommé de la synthèse, ont visiblement laissé des traces : le Président ne pouvait décemment pas retenir indéfiniment les fameux Mistral sur place sans exposer le pays à des mesures de rétorsion de la Russie, voire même à de lourdes pénalités imposée par la justice internationale. D’un autre côté, il ne pouvait pas les livrer comme si de rien n’était. Il a donc fait  d’une pierre deux, voire trois coups.

     

    En tendant la main à un Vladimir Poutine affaibli et considérablement isolé (le rouble est en chute libre et au plan international, la Russie est presque mise au ban des nations), François Hollande a su tirer le meilleur parti d’un interlocuteur coriace et inflexible mais qui a dû, au moins verbalement, faire quelques concessions.  Le Président a joué et il a gagné : au point où en est la Russie, son dirigeant ne pouvait pas décliner l’offre française et François Hollande le savait. Il a donc réussi à renouer le dialogue, à faire retomber la tension entre la Russie et l’Occident et fait de la France un interlocuteur incontournable.. Quel beau coup ! Certes, les alliés de la France font grise mine et grincent même des dents : l’Allemagne qui a pris une position en pointe (Vorreiterrolle) dans l’affaire ukrainienne (et on la comprend) n’a pas mâché ses mots : on ne modifie pas par la force les frontières héritées de la seconde guerre mondiale sans mettre en péril la sécurité de tout le continent…

     

     

     

    Cette visite-éclair a été pour Vladimir Poutine une chance inespérée ; le dirigeant russe a commencé à sentir que les sanctions qui affaiblissent l’économie de son pays risquaient de braquer les oligarques et mutadis mutandis provoquer sa chute par une révolution de palais. Cela constitue une menace directe pour sa personne.

     

     

     

    François Hollande l’a bien compris et a agi vite. La Russie pourra donc assouplir (un peu, ne rêvons pas) sa position en Ukraine sans vraiment changer de politique. Et surtout son dirigeant peut dire qu’il a sauvé la face. Cet homme ne croit qu’aux rapports de force ; sentant que les puissances occidentales, USA en tête, voulaient encercler son pays et réduire son poids sur la scène internationale, il a agi comme on sait, risquant à la fois la condamnation et l’isolement. Et c’est le président français qui l’a habilement aidé à sortir de cette mauvaise passe : il suffit de scruter les traits du visage de Vladimir Poutine lors de son entretien avec le président de la République pour s’en convaincre ; intérieurement, l’homme jubilait.

     

     

     

    Sans être un mauvais esprit, je dois bien rapprocher cette superbe initiative diplomatique d’un précédent connu : la visite presque imposée par l’ancien président Nicolas Sarkozy à Moscou lors de la crise géorgienne. L’actuel chef de l’UMP avait convaincu M. Medvedev de faire stopper ses chars qui menaçaient de déferler sur Tbilissi. On peut dire que François Hollande a fait aussi bien, sinon mieux ; et avec beaucoup moins de bruit.

     

     

     

    Pour finir, voyons l’impact de ce voyage sur la politique intérieure : ceux qui ont tendance à enterrer François Hollande pour l’échéance de 2017 ne devraient plus aller aussi vite en besogne : l’homme dispose de ressources insoupçonnées. Et si ses collaborateurs savent s’y prendre, il est probable que cette initiative, qui s’apparente à une démarche gaullienne (je ne dis pas gaulliste) lui fera gagner quelques points dans les sondages.

     

     

     

    Je note aussi que depuis quelques semaines, les critiques se sont calmées, plus personne ne spécule sur un départ précipité ni sur une interruption brutale du quinquennat.

     

     

     

    Le philosophe que je suis ne peut s’empêcher de se livrer à une petite réflexion sur les rapports entre l’initiative humaine et les circonstances créées par l’Histoire : on dit que le jeune Hegel, né en 1770, a traversé une grave crise spirituelle (en 1797, il n’avait pas encore vingt-sept ans) en réalisant qu’il ne parvenait pas à concilier la subjectivité de l’individu et l’objectivité immuable du monde. Un peu comme si on parlait du couple suivant : la nature et la liberté. Hegel disait même que seule la pierre est innocente tandis que toute conscience (l’homme) poursuit le meurtre d’une autre conscience… On comprend que son désespoir ait duré quelque temps !

     

     

     

    Je veux dire, comme dans le livre des Proverbes, que nous ignorons de quoi demain sera fait. Tant les futuribles ou futurs contingents sont nombreux et ne dépendent guère de nous.

     

     

     

    Pour François Hollande, les choses ne devraient plus être aussi sombres…

     

     

     

    Maurice-Ruben HAYOUN

     

    In Tribune de Genève (TDG) du 7 décembre 2014

     

  • Les restos du cœur

    Cela paraît assez  incroyable et pourtant c'est bien la réalité: les files d'attente devant les centres de distribution s'allonge,nt considérablement: de plus en plus de personnes viennent pour recevoir quelques denrées alimentaires de base qu'elles ne peuvent plus s'offrir normalement. Pourquoi? Le chômage, la précarité, la crise économique, et la dégringolade sociale. Quand ce n'est pas aussi le délitement familial: des couples un peu bancales qui se séparent lorsque cela ne va plus, des enfants qui n'ont plus d'estime pour leurs parents. Bref, quand ça va mal, tout va mal. Mais il y a aussi les tensions sociales avec les émigrés, devenus la cause de tous les maux. Il y a aussi la CMU qui explose ainsi que le respect du droit d'asile: la France ne pourra plus, sauf miracle, sauvegarder son modèle social, au mieux elle le réservera à ses proprs nationaux. Ce qui serait, au plus purement humaine, une révolution. Comment voulez vous renvoyer chez lui un étranger, gravement malade et n'ayant pas les moyens de se faire soigner? Il faut le prendre en charge. Mais tant d'autres arrivent avec les mêmes demandes, que faites vous? Les restos du cœur me rappellent un phrase du livre biblique du Deutéronome: car l'indigent ne cessera pas d'exister à l'intérieur de la terre. Oui, il ne cessera pas d'exister.i

  • Vive Noël, son sapin sa crèche, ses santons

    Vive Noël, vie son sapin et ses santons…

    Je commencerai cette note par une référence à mon regretté collègue Bruno Etienne, grand politologue de l’université d’Aix en Provence. Il disait, en parlant de la laïcité, que la France est un pays catho-laïque. Ni entièrement catholique ni entièrement laïque. Et il avait bien raison. Je suis très étonné de voir que certains se retranchent derrière le dogme d’une laïcité fermée et obtuse pour réclamer l’éloignement des sapins et des crèches des édifices publics en France. Noël fait partie de notre culture, quand les lumières et les étoiles et les sapins ornent nos rues et nos immeubles, ce n’est plus un symbole religieux mais un fait culturel. Il ne faut pas oublier que la religion a été la première éducatrice de l’humanité. Cela même Averroès et ses commentateurs médiévaux l’avaient admis. Carl Schmitt l’a bien expliqué dans sa Théologie politique, recueil de quatre conférences tenues au début du XXe siècle dans son pays. La religion a sécrété une culture dont les valeurs sacrées se sont graduellement transformées en principes humanistes. Noël ne fait de mal à personne. Le christianisme n’a pas apporté que des mauvaises, il a aussi transformé notre monde par son évangélisation. C’est lui, malgré toutes les fautes commises, qui a tiré les Barbares de leurs barbarie. Cette fête des lumières, si bien enracinée à Lyon a quelque chose à voir avec la fête juive de Hanoukka dont l’intérêt majeur, par-delà le fait religieux est de couper l’obscurité de l’hiver, de mettre dans nos cœurs cette lumière qui nous manque durant les mois de novembre et de décembre. Donc pourquoi ce faux procès qui va encore diviser la France dont les racines judéo-chrétiennes sont incontestables ? Les familles françaises se réunissent la veille du 25 décembre pour un dîner convivial mais qui sont ceux qui pensent à la nature religieuse de ces joyeuses agapes ? Ils sont très peu nombreux. Ce qui risque de se passer, c’est une nouvelle ligne de démarcation entre les Français : ceux qui y tiennent et ceux qui n’y tiennent pas. Et je peux vous dire que les premiers formeront l’écrasante majorité. Le drame est qu’on va les assimiler à des gens extrémistes, des xénophobes, des racistes et ainsi de suite. Mais laissez donc les gens vivre comme ils l’entendent. Quand je vais dans un restaurant étoilé, je ne demande pas que l’on écarte de la carte ou du menu les mets interdits par ma religion. Ceux que la vue de la crèche ou du sapin révulse n’ont qu’à fermer les yeux. C’est valable tant pour Noël que pour Hanoukka. La concierge de mon immeuble va bientôt installer un sapin dans le hall, c’est bien. Elle le fait chaque année. Et une bonne majorité des occupants des lieux ne sont pas chrétiens…