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Vu de la place Victor-Hugo - Page 527

  • Eric Zemmour et son livre Le suicide français

     

     

     

    Eric Zemmour et son dernier livre, Le suicide français

     

     

     

    Je n’ai pas lu et ne pense pas le lire vraiment, car de toutes parts on en parle, sur les radios, dans les journaux et sur les télévisions. Je sais à peu près ce qu’il contient. Pendant cinq ans j’ai suivi presque chaque semaine ce cher Zemmour sur On n’est pas couché de Laurent Ruquier et connais bien ses idées qui n’ont pas changé depuis. Je ne les partage pas toutes, mais simplement quelques unes.. Alors, je n’ai pas lu le livre car j’ai d’autres choses à faire, je n’ai pas l’intention de le lire car j’ai mieux à faire et pourtant je m’arroge le droit d’en parler ainsi que de son auteur ! Ce n’est pas logique…

     

    Si, ça l’est. Car l’auteur est un personnage du monde politico-médiatique qui s’est forgé un renom et s’est taillé une place que bien des confrères lui envient, ce qui apparaît nettement dans leurs critiques si peu amènes, frôlant parfois des territoires aux contours un peu inquiétants. En fait, l’époque qui couronne périodiquement de tels personnages couronne les journalistes et les call girls ou simplement des vedettes du foot ball. Au moins, même s’il a échoué à maintes reprises au concours d’entrée à l’ENA et a raté une carrière de haut fonctionnaire dont il rêvait, Zemmour a au moins fait quelques études à la Fondation des sciences politiques, ce que ni Zidane ni Zlatane n’ont fait..

     

    Partant, je préfère Zemmour même si je ne vois en lui qu’un simple journaliste, un peu au-dessus de la moyenne, mais un simple journaliste qui tente de passer pour un philosophe ou un historien. On est loin des Raymond Cartier, des Raymond Aron etc…

     

     

     

    Alors comment s’explique ce succès que je ne lui envie guère et pour lequel j’aurai même tendance à le féliciter ? Ma réponse est : c’est l’époque qui favorise l’émergence de tels ouvrages et de tels personnages. Aujourd’hui, on veut tout faire simplement et vite, ce qui est impossible pour des esprits sérieux. On ne va pas au fond des choses, on sautille sur les problèmes. Mais voilà où sont les esprits sérieux, circonspects, attentifs aux détails, ayant scrupuleusement lu tous ceux qui ont écrit sur leur sujet avant eux ? Ils ont disparu ou s’ils existent encore ils sont devenus invisibles et inaudibles car les télévisions et les radios les ignorent. Et pourquoi ? Parce que l’audience de tels savants n’existe plus.

     

     

     

    Alors analysons les raisons du succès ou du tintamarre autour d’Eric Zemmour ? Dois je répéter que je l’en félicite puisque chaque époque a ses gourous et qu’au fond lui n’a fait qu’appliquer une certaine idée du métier qu’il pratique. Et le public aima cela car il confond souvent les nouvelles du monde avec l’information spectacle. Aujourd’hui, la moindre mise en examen, la moindre catastrophe ici ou ailleurs, le moindre enlèvement, le moindre braquage de bijouterie, etc fait la une des journaux qui ne donnent plus d’informations mais font la chasse aux scoops !

     

     

     

    Eric Zemmour l’a très bien compris. Avec l’esprit méthodique qui le caractérise, il a rapidement décelé les failles du système et a réponse à tout devant ses contradicteurs, lesquels, il faut le reconnaître, sont nettement malicieux et jaloux du succès d’un confrère qui les dépasse. Non pas par le talent mais par l’ingéniosité et le goût de la provocation. Il me semble même qu’ici, l’élément biographique peut servir de principe explicatif général : il y a la famille, la transplantation, l’adaptation à une société un peu nouvelle, et il y a aussi, ne le nions pas, un certain courage qui se confond avec ce goût du défi et de la provocation : en nageant à contre)courant, on se fait forcément remarquer.

     

     

     

    Même si la comparaison est imparfaite, cela me rappelle un vieux souvenir : en 1977, jeune doctorant que j’étais, je lisais à mes heures perdues Le testament de Dieu de BHL. Evidemment, je ne pouvais pas être d’accord avec un auteur qui parlait élégamment de choses qu’il ignorait parfaitement. Mais une campagne de presse inouïe a fait le reste . Je me souviens très bien des critiques fondées de vieux doctes, tombées en désuétude, car ces savants n’avaient pas vu qu’on changeait d’époque et que ce n’était plus un déshonneur  de lancer un tel ouvrage comme une marque de savonnette (Pierre Vidal-Naquet)… Qui, dans ce peuple de France qu’on dit en déclin, se souvient de ce militant anti-colonialiste, ce grand historien et helléniste de l’EHESS ? En revanche, nul n’ignore qui est BHL… Mais voilà, après une période de purgatoire, PVN resurgira parce qu’il a une œuvre et ne s’est pas contenté de diffuser des tracts…

     

     

     

    Un dernier exemple, plus noble cette fois, puisque tiré du Guide des égarés de Moïse Maïmonide (1138-124) qui déplorait l’avachissement intellectuel et l’ignorance crasse de son temps : Si, dit-il, tu tentais d’arracher à sa torpeur un homme (il s’agit évidemment de la léthargie engendrée par l’ignorance et l’inculture) et que tu lui posais la question suivante : veux tu  connaître les mystères de la création ? Veux tu connaître la vérité sur l’essence divine ? Aimerais tu aussi connaître le fin mot de la destination de l’homme, etc ? Cet homme, répond Maimonide, dirait : 0h, oui, je veux, je veux absolument. Et Maimonide de conclure ainsi : mais si vous lui dîtes ceci : auparavant, il faut que tu apprennes la grammaire, la logique, les mathématiques, les science propédeutiques, la physique, la métaphysique et enfin de compte l’éthique. Si tu persévères dans ces études qui te prendront des années et des années tu connaîtras tout. Le feras tu ?

     

     

     

    Vous devinez quelle fut la réponse… Si vous avez trouvé la bonne réponse vous comprendrez le phénomène Zemmour pour lequel, dois je le répéter, je ne nourris aucune animosité.

     

  • Le livre de Delphine BAteau, Hollande c'est fini (sic)

    Les attaques de Delphine Bateau contre le président Hollande

    Quand on voit la une du Parisien, on se demande pourquoi l’actuel président de la République n’a vraiment pas de chance avec les femmes, même au plan politique. On se souvient de l’émoi de l’éphémère ministre de l’écologie D. Bateau, en déclarant publiquement que le budget ne lui convenait pas : elle fut limogée sur le champ alors que Montebourg, abonné aux incartades, a pu rester au gouvernement jusqu’à la fin de l’été sans être inquiété. Mais lui aussi a fini par être renvoyé.

    Est ce que D. Bateau a voulu imiter V. Trierweiler ? A t elle jalousé le foudroyant succès de librairie de l’ancienne campagne de Fr Hollande ? Pense t elle parvenir au même résultat ? Peut-être ! Une chose est incontestable, c’est le titre qui en dit long : Hollande, c’est fini !

    J’ai l’impression qu’on aborde une nouvelle ère des relations au sein des gouvernements, notamment entre le chef de l’Etat et ses ministres. Jadis, il y avait plus de tenue, aujourd’hui, on porte les conflits personnels sur la place publique, l’opinion s’en repaît et les journaux en font leurs choux gras. Ce n’est pas de la transparence car chacun sait que gouverner implique se cacher, dissimuler des choses, bref évoluer dans une sorte de pénombre.…

    Il est vrai que la présidence actuelle repose sur une base qui diminue dangereusement ; le dernier déplacement de Fr Hollande le prouve. On vit une période très particulière d’où seul un coup d’éclat peut nous tirer. Nous avons un président silencieux, un premier ministre qui tente d’occuper le terrain en lançant chaque jour une idée nouvelle que son chef, le président, ne partage pas nécessairement. Il est donc inévitable que tous ceux qui pensent avoir quelque chose à dire s’expriment. Et ce n’est pas toujours à bon escient.

  • De l'austérité de Kippour à l'allégresse de Soukkot

    De l’austérité de Yom kippour à l’allégresse de Soukkot

    Une journée que le Talmud nomme LE JOUR, l’unique, celui qui compte le plus dans toute l’année liturgique, car de lui dépend notre avenir. Le talmud nomme le traité consacré à Kippour YOMA qui veut dire en araméen, le jour, comme s’il n’en existait pas d’autre. En réalité, c’est celui qu’il ne faut pas rater car en lui la spiritualité d’Israël atteint son point culminant. Aucune autre journée ne lui est comparable.

    Mais il y aune dialectique qui mérite d’être soulignée ici : il ne suffit pas que Dieu dans son infinie miséricorde, accorde son pardon des fautes commises à l’endroit de nos congénères ; le préalable au pardon divin est le pardon humain : il faut que mon prochain, mon frère, même ennemi, m’accorde son pardon pour que l’Eternel valide cet acte en accordant la rémission du péché. Yom kippour  se fait ici bas, hic et nunc. Celui des philosophes juifs modernes qui avait le mieux illustré ce relais se nomme Franz Rosenzweig, lui qui a symbolisé cette action par un triangle dont le sommet est occupé par Dieu et la base par l’homme et l’autre homme. Pour accéder à autrui, on passe par Dieu mais celui-ci n’accorde pas son quitus si l’autre, autrui, ne l’a pas fait au préalable.

    Un autre point doit être rappelé. Celui de l’exigence de sincérité : le talmud est clair à ce sujet : celui qui se dit : je commets un péché et à kippour le pardon me sera accordé ; pour lui, cette journée solennelle de jeûne et de contrition n’accomplira pas l’effet escompté car, à l’origine, son intention, sa kawwana, est viciée. Celui là qui a péché en connaissance de cause, n’obtiendra jamais le pardon.

    Enfin, il y a cette purification de l’homme qui s’obtient après cette longue journée de confrontation avec soi-même, ce véritable examen de conscience. Hermann Cohen, mort en 1918 à Berlin, soulignait la chance, voire le privilège du peuple d’Israël qui n’a pas besoin d’un intermédiaire pour obtenir le pardon de ses péchés, il n’a besoin de personne pour être justifié ou rédimé. La purification est directement effectuée par Dieu. C’était assurément une critique souterraine de la théologie chrétienne qui fait de Jésus un passage obligé..

    Pour conclure, disons que yom kippour anticipe le monde à venir, l’avènement messianique, la vie dans l’au-delà. Ces 27 heures  de jeûne ne se vivent pas à l’aune du temps habituel, profane, elles sont uniques en soi.Une sorte d’éternité avant la fin des temps

    Tout comme la ronde des saisons, les fêtes juives de Tichri s’achèvent avec la joie de Soukkot, la fête d’une humanité réunie autour de la crainte et de l’amour de D-. Nous sommes passés de la solennité de Rosh ha-Shana à l’austérité de Yom Kippour, et nous en venons, enfin, à la joie de Soukkot qui symbolise le destin providentiel du peuple d’Israël : si les lois de l’histoire avaient fonctionné à plein, nous dit un passage talmudique, les juifs auraient dû être balayés par les vicissitudes de leur propre histoire. Mais D- en a décidé autrement : il compare le destin de ce peuple à la frêle constitution de cette cabane couverture de verdure d’où tout métal ferreux doit être absent, symbole de l’abandon confiant à Dieu. Qu’il pleuve ou qu’il vente, que le toit de la soukka soit soudain emporté par une rafale de vent, peu importe, la providence divine est censée être là pour assurer la protection de ceux qui s’abritent sous elle.

    Heinrich Grätz, le père de l’historiographie juive moderne, a dit avec raison que l’histoire du peuple d’Israël n’était pas uniquement miraculeuse mais surtout providentielle : La soukka, c’est la Providence divine. Elle semble absente ou simplement lointaine, mais le plus souvent elle agit, même si, au cours de l’histoire juive récente, un homme comme Martin Mordekhaï Buber a pu parler de l’éclipse de Dieu.

    Les sages du talmud ont développé tout un traité éponyme sur cette question de la soukka. Il y a ce fameux bouquet festif  (tige de palmier, cédrat, branche de saule et de myrte) Si l’on veut dire la vérité, il faut bien reconnaître que la signification symbolique de ces quatre espèces demeure inconnue ou s’est probablement perdue. Alors, les talmudistes ont suppléé à ce manque par une interprétation éthico-pyschologique en mettant au centre du débat l’unité intrinsèque du peuple d’Israël.

    En constituant un bouquet festif à partir de ces quatre espèces issues du monde végétal, on lie ensemble les différentes strates supposées du peuple juif ou simplement du genre humain. Le philosophe allemand Kant aurait parlé de la capacité liante du concept, ici on parle de la responsabilité collective où chaque membre du peuple d’Israël prête ce qu’il a à son frère moins bien doté que lui.

    Ainsi le fruit, le cédrat a, à la fois une odeur et une saveur, d’autres sont inodores et insipides, d’autres , enfin, ont soit l’un soit l’autre. Mais ensemble, ils constituent un tout acceptable. Quelle belle leçon de tolérance et qui brise cette arrogance intellectuelle dont nous nous rendons parfois coupables, sans nous en être vraiment conscients.

    Si je voulais en tirer une leçon d’anthropologie sociale, je dirais que nous tenons ici un bel exemple de solidarité humaine : celui qui dispose de tout doit céder un peu de ce qu’il a à ceux qui n’ont rien, ceux qui sont imparfaits doivent pouvoir compter sur ceux qui sont mieux lotis qu’eux. Et réciproquement.

    Un dernier exemple : le talmud évoque l’étonnement des peuples idolâtres qui reprochent à D- d’avoir scandaleusement favorisé le peuple d’Israël en le guidant et ne le préservant de tant de dangers. Le talmud dit qu’en prenant connaissance de cette doléance, Dieu partit d’un grand éclate de rire, rappelant que la soukka a été construite en plein désert qui n’appartient à personne,  et donc reste accessible à tout le monde. Ceux qui veulent s’y abriter sont les bienvenus, mais pour cela il faut la foi en D-. Le talmud souligne que jamais, au grand jamais, quelqu’un qui est en quête de D, n’est revenu bredouille. Pour la bonne raison qu’il siège au plus profond du cœur de chacun : reviens vers ton cœur et l’Eternel ton D reviendra vers toi…

    La Révélation eut lieu, elle aussi, dans le désert. A la portée de tous. Aucune obligation n’a été stipulée pour y prendre part. On a l’impression que les talmudistes ont voulu répondre aux critiques qui jugeaient inacceptable cet accaparement de D-.

    Cette image de la cabane (soukka) hante l’inconscient du peuple d’Israël ; elle connaît de nombreuses occurrences dans la littérature prophétique, notamment chez Isaïe dans son premier chapitre qui compare la solitude de la fille de Sion à une cabane dans une vignoble, abandonnée par tous et oubliée de tous. Le prophète Amos, en con neuvième chapitre, parle de la cabane de David qui est chancelante (soukkat David ha-nofélét). Qui menace de s’effondrer sans jamais s’effondrer… On retrouve aussi cette image de la cabane ou du pavillon de paix dans la liturgie nocturne où D- étend au-dessus de nous sa main protectrice (ha-porésh sukkat chalom alénou).

    On peut dire que cette fête de soukkot, appelée fêtes tabernacles, est la plus riche en symboles. Pour redonner la parole à Rosenzweig : en s’y abritant, le peuple d’Israël sacralise le temps, il anticipe l’éternité. Celle des temps messianiques.

    Maurice-Ruben Hayoun