Israël est il sorti victorieux de sa confrontation avec le Hamas ?
C’est la question que tout Israël se pose, à commencer par les hommes politiques, voire même les ministres les plus influents, ceux qui font partie du cabinet de sécurité. Certes, un homme politique aussi affuté et aussi expérimenté que Benjamin Netanyahou n’a pas avancé à la légère et doit avoir pris les précautions qui s’imposent. Mais ce qui frappe l’observateur extérieur, c’est la défiance des habitants du sud qui se sentent abandonnés, floués et trompés. J’ai été très surpris de les entendre s’exprimer dans ce sens à la télévision. L’un d’entre eux est allé jusqu’à critiquer vertement le générale commandant la zone sud ; il est vrai que cet officier supérieur avait dit que les habitants pouvaient rentrer chez eux, que tout danger était écarté et le Hamas définitivement neutralisé. Or, c’était faux : les terroristes ont continué de frapper Israël et hier encore, veille du cessez le feu, deux civils israéliens ont trouvé la mort, touchés par des obus de mortier..
Mais ce n’est pas tout, certains vont jusqu’à contester l’efficacité de l’aviation et de ses frappes. Certes, des quartiers de la bande côtière, d’où partaient les missiles, ressemblent à des champs de ruines, certes les terroristes ont été décimés, leurs chefs, pour partie, neutralisés, et pourtant Tsahal n’a pas réussi à briser toute résistance de la part de ses ennemis. A cela, les critiques de B. Netanyahou répondent que le premier ministre a hésité à lancer une grande offensive terrestre car il ne savait toujours pas s’il devait éradiquer le Hamas ou simplement l’affaiblir pour le réduire à la portion congrue. D’autres observateurs, tout aussi peu amènes, relèvent avec colère que ni le désarmement du Hamas ni la démilitarisation de Gaza ne figurent dans le document signé au Caire. Or, cela représente un point capital.
Par ailleurs, l’opinion publique israélienne déplore que le Hamas, en bon Oriental, crie victoire au milieu des ruines et en dépit des centaines de morts dans ses rangs. Cela fait penser à une phrase de Nathan le Sage de G. E. Lessing, selon laquelle, il n y a pas que les enfants qui se nourrissent de contes de fées.. Dire qu’on a gagné alors qu’on subi tant de pertes, matérielles et humaines, relève de la sinistre plaisenterie. En fait, le Hamas est tout étonné d’être encore en vie.
Tout ou presque a été dit sur ce conflit asymétrique où une armée a dû affronter dans un milieu urbain densément peuplé une bande de terroristes qui tirent leurs missiles depuis des écoles, des hôpitaux ou des bâtiments civils. Les valeurs éthique de l’armée et de la société israéliennes lui interdisent de tirer sans distinction tant sur des cibles militaires que civiles.. Et le Hamas en a tiré profit.
Mais l’essentiel reste à faire. Dans l’application concrète des clauses du cessez le feu, Israël dispose d’une marge de manœuvre que ses ennemis n’ont plus. Ce sont les hommes de Abbas qui surveilleront les points de passage qui seront rouverts. Et c’est l’armée égyptienne, alliée objective d’Israël dans cette affaire, qui aura la haute main sur Rafiah. Enfin, la reconstruction ne se fera pas sous l’égide du Hamas mais sous celle de l’Autorité Palestinienne de Ramallah. On peut même dire que le vrai vainqueur, enfin celui qui tire les marrons du feu, c’est Abbas qui rentrera à Gaza sous peu. Comment y sera-t-il accueilli ? Sûrement pas avec des fleurs, mais c’est lui qui apparaît comme l’unique représentant légitime des Palestiniens, vu que le Hamas est un groupe terroriste qui y a pris le pouvoir par la force, anéantissant les hommes du Fatah dont certains furent même défénestrés… Enfin, entre hier et avant-hier, les terroristes du Hamas ont arrêté près de 200 membres du Fatah qu’ils suspectaient de comploter dans leur dos.
Au plan intérieur israélien, je doute que B. Netanyahou reste encore longtemps au pouvoir. Sa côte de popularité a fondu comme neige au soleil. Même dans les rangs de l’armée, des généraux lui reprochent d’avoir craint d’exposer ses soldats. Or, si l’on redoute des pertes avant que de s’être engagés dans les combats, tout pouvoir de dissuasion de Tsahal est perdu. Le Hamas le sait.
Tsahal ne réagit plus comme il le faisait il y a quarante ans. Il n’a pas tenté de coup audacieux à la Entebbe en allant déloger la direction politico-militaire dans les souterrains de l’hôpital Al-Shifa : beaucop d’Israéliens le lui reprochent.
Il semble que l’Etat d’Israël soit à la croisée des chemins. Ses ennemis qui l’entourent de toutes parts le scrutent avec détermination. Certes, le Hezbollah qui est englué en Syrie où il perd beaucoup d’hommes n’osera pas bouger en contemplant l’image de Gaza aujourd’hui.. Mais cela durera t il ?
On est saisi d’angoisse quand on se demande ce qui se serait passé s’il n y avait pas eu le dôme de fer. Les morts se seraient comptés par centaines. Malheureusement le monde civilisé ne s’en rend pas compte ou ne veut pas le savoir. Que les juifs se défendent contre leurs ennemis est très mal vu. Et quand le Hamas fusille publiquement 35 opposants en les accusant d’intelligence avec l’ennemi, personne ne parle de crime de guerre ni de crime contre l’humanité.
Mais ne soyons pas pessimistes. Une nouvelle opportunité diplomatique se présente dans la région et l’Etat islamique y contribue par ses actes barbares et ses insupportables exactions. Enfin, l’Egypte du président Al-Sissi a su développer un outil diplomatique de premier ordre