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Vu de la place Victor-Hugo - Page 566

  • Au centre de notre vie; le ballon rond ou la prière?

    Que trouve-t-on au centre de notre vie, le ballon rond ou la prière ?

    L’approche de l’été, la commémoration du Débarquement, l’imminence de la coupe du monde du football et la belle prière des trois grands monothéismes au Vatican nous permettent de nous interroger sur la marche de notre monde et le sens qu’il entend donner à notre vie : où allons nous ? Que faisons nous ? Qui contrôle ce qui se passe, ou devrais-je dire, ce que nous faisons, si cela a encore du sens…

    Au cours des trois derniers jours, on a l’impression d’avoir vécu une parenthèse savamment orchestrée et subtilement mise en scène : une noble dame, plus très jeunes, avançant à petits pas dans les rues de Paris ou prononçant un savoureux discours dans la langue de Molière alors qu’elle avait dit ses tout premiers mots dans la langue de Shakespeare, des vétérans de la dernière guerre évoquant leurs souvenirs d’une voix chevrotante, et dès demain le brusque retour à la retour, sans amortisseur ni remède anti-choc : ai je besoin d’en donner la liste détaillée ? Non point.

    Ce qui m’a incité à partager avec vous ses sombres considérations, n’est autre que le constat suivant : la grande disparité de traitement, à la télévision et à la radio, entre l’absence de deux joueurs français à la coupe du monde de football, et la grande prière qui aura lieu au Vatican ce soir ! On a certes parlé de cette rencontre au grand caractère spirituel mais les minutes qui lui sont consacrées sont sans commune mesure avec les heures cumulées des reportages portant sur des hommes dont l’unique mérite est de marquer des buts sur un terrain de foot et que le vide sidéral de notre vie morale et culturelle a propulsé vers les sommets : quels sont les idoles des jeunes, de nos enfants, aujourd’hui ? Ce ne sont ni Spinoza, ni Levinas, ni Sartre, ni Heidegger ni Socrate, ni même Platon, mais des gens qu’une ancienne ministre de la jeunesse et des sports avait jadis justement qualifiés de «caïds immatures des cités…» Il n’est pas exagéré de parler d’une véritable déchéance morale .

    Comment expliquer cette désaffection de la jeunesse pour les vraies valeurs ? Comment en parler sans ennuyer, sans passer pour un ringard, un pisse-vinaigre (pardon pour cet égard de langage, faute d’équivalent à la charge évocatrice comparable), un décalé, un paumé ? On ne peut pas rejeter la faute exclusivement sur la presse même si sa responsabilité dans cette affaire est très lourde. En fait, c’est une crise civilisationnelle contre laquelle les armes de la religion, de la philosophie et de la littérature s’avèrent impuissantes.  Quelle est la personne aujourd’hui que vous pourriez citer en exemple à vos enfants et qui ne soit ni un acteur, ni un sportif, ni une danseuse ? Regardez comment ces gens qui gagnent des millions et souvent s’expatrient afin de ne pas payer d’impôts, s’expriment à la télévision ? Et pourtant ce sont eux qui toujours font recette…

    Je comprends fort bien que les gens aient besoin de s’amuser et de se détendre. On ne peut pas s’abîmer constamment dans le travail, la recherche et la méditation. Mais il faut un équilibre que nous avons perdu depuis longtemps. Cela ne sert à rien de stigmatiser cette course désordonnée vers le bonheur économique et matériel alors que les chômeurs se comptent par millions et que des ministres, français notamment, parlent de réduire ou de supprimer certaines aides et minima sociaux… La crise économique a dégénéré en crise morale. C’est la une chose bien plus grave. Plus personne ne croit en la politique ni aux politiques, pourtant dans la vie d’aujourd’hui, ce sont eux qui déterminent tout. C’est-à-dire notre vie quotidienne.

    J’ignore la bonne solution, je crois, cependant, que l’ancien moule s’est brisé, qu’il faut réfléchir autrement et songer à des solutions absolument nouvelles. De plus en plus de gens vont passer du régime actif à celui de la retraite, tout en étant en bonne santé et en regorgeant d’énergie. Que faire pour assurer à ces futurs dizaines de millions d’inactifs une vie normale et décente, alors qu’ils peuvent encore travailler, quand ils le souhaitent, encore au moins une bonne quinzaine d’années ?

    Je ne crois pas à la pertinence de la fameuse phrase attribuée à André Malraux et répétée en tout lieu ad nauseam : la religion et la spiritualité ne réussiront pas à s’imposer d’elles-mêmes. Y croire, c’est s’imaginer qu’on reviendra un jour sur la libéralisation des mœurs et la permissivité. C’est trop tard, les robes longues ne sortent aujourd’hui des penderies que pour les grandes soirées de gala…

    Comment voulez vous que les gens s’intéressent à une prière collective des monothéistes ce soir alors qu’au même moment, ou peu après, se déroulera ce match de football que des millions de gens attendent avec impatience ? On signale qu’il ne reste plus aucune place dans le stade Pierre Mauroy de Lille…

    Cela se passe de commentaire.

  • La France entre le déni et le rêve

    La France entre le déni et le rêve………

    Les peuples ont une psychologie bien à eux. Ils ne veulent pas connaître la vérité, surtout lorsqu’elle est plutôt désespérante. C’est le cas de la France d’aujourd’hui dans l’espoir que celle de demain saura se sortir d ‘affaire et réaliser de vraies performances économiques.

    Prenons quelques exemples pour caractériser ce désarroi que même un été chaud et ensoleillé ne saura dissiper, hélas : la défection d’un joueur au football, certes remarquable au plan professionnel, même s’il n’a pas toujours irréprochable sur le reste, occupe la plume de tous les commentateurs ! Rendez vous compte alors que des problèmes graves se présentent, voilà de quoi on parle ! A cause d’une lombalgie d’un joueur qui a mal supporté son éviction d’un prix mondial de football (on lui souhaite du fond du cœur un prompt rétablissement) la France risque de faire une mauvaise performance au Brésil ! Et j’en passe : la plupart des manchettes des journaux titrent là-dessus. Que faire ? Rien car c’est ainsi.

    Mais ce qui est encore plus frappant, c’est la façon dont on détourne l’attention des gens des vrais problèmes. On met en avant la percée diplomatique et les quelques mots échangés entre le président US et son homologue russe. Mais en réalité, la France ne sera nullement associée à quelque règlement que ce soit, et, de plus, on ne voit pas comment les choses pourraient s’arranger, puisque Poutine a annexé la Crimée et Obama parle de nouvelles sanctions encore plus dures contre la Russie.

    Que reste –t-il à la France ? La reine Elizabeth II qui n’a pas vraiment l’intention de céder sa place à son fils le prince Charles et qui effectue une interminable visite à Paris. C’est très bien mais dans l’intervalle, les décisions à prendre peinent à venir. Les problèmes de la première banque française avec la justice US, la situation à l’UMP et au PS, la crise du chômage, le fronde des députés de la majorité, etc…

    Je comprends que l’on parle de la finale de la coupe de tennis à Roland Garros, de la coupe du monde du football au Brésil, du 14 juillet et du tour de France.

    Mais la France et les Français, on en parle quand ?

  • Les cérémonies du soixante dizième anniversaire du Débarquement en Normandie et leur instrumentalisation politique et médiatique

    Que l’on me comprenne bien, et je souhaite d’emblée couper court à un éventuel malentendu : je m’incline respectueusement et avec gratitude devant le sacrifice suprême consenti par des milliers et des milliers de soldats alliés, qui sont venus de tous les pays du monde pour libérer la France de la botte nazie. Je salue aussi avec une émotion  non feinte l’hommage enfin rendu, après 70 ans d’attente, aux victimes civiles (plus de trois mille dès le premier jour, le 6 juin) dues aux bombardements massifs de la flotte et de l’aviation alliées sur la Normandie.

    Mais il faut savoir faire preuve de pudeur et de retenue : les seuls à devoir être mis en avant et à être l’objet de tous les égards sont les vétérans et non les hommes politiques, d’ici ou d’ailleurs, qui tentent d’instrumentaliser ces cérémonies pour se remettre en selle ou faire oublier leurs échecs. Certes, il faut accueillir les invités de marque, mais tout de même, quand on voit l’insistance mise à décrire l’aspect vestimentaire d’une grande dame, Sa Majesté la reine Elisabeth II, on se demande s’il s’agit d’un défilé de mode ou d’un hommage rendu à ceux et à celles qui y laissèrent leur vie ce jour là, il y a 70 ans ! Et je ne parle même pas de ce double dîner qui a fait les choux gras de la presse tant continentale qu’insulaire, voire transatlantique…

    Et ce matin, dès la première heure, tous les écrans de télévision sont occupés par ces commémorations et par rien d’autre. Une nouvelle fois, la presse mondiale fait le procès d’un travers bien français : la commémoration, les défilés pompeux, les exhibitions organisées, même dans d’autres milieux. En France, ce n’est pas que le président du moment qui affectionne de descendre les Champs Elysées en grand pompe, il y a aussi les footballeurs ou les rugbymen, et pire encore, même lorsqu’ils n’ont pas gagné mais sont parvenus en finale : ce sont les Français qui ont inventé la notion de vice champion du monde. Incroyable ! Ou on gagne ou on perd… Mais voilà, on vit sur le passé, sur la grandeur qui n’existe plus, voire même on l’entretient copieusement.

    Au fond, comme le faisait remarquer un historien avisé ce matin sur BFM télé, cette page n’est pas vraiment à la gloire de la France puisqu’elle fut battue et occupée et qu’il fallut un vaste coalition mondiale de libérateurs pour la remettre sur pied. La Résistance elle-même, malgré son dévouement remarquable et l’héroïsme de ses membres, n’y serait jamais parvenue toute seule..

    Ces remarques désabusées ne sont pas celles d’un rabat joie. C’est bien de rappeler à un peuple que sa liberté et son indépendance peuvent être en danger du jour au lendemain, c’est bien de former la jeunesse aux valeurs du patriotisme et de la bravoure qui sont aux antipodes du chauvinisme et du nationalisme.

    Je le répète, ce sont les survivants et les familles des victimes qui doivent faire les discours et relataient l’enfer qu’ils vécurent ces journées là. J’ai revu hier soir, pour la énième fois ce film remarquable Le jour le plus long : on y voit, grâce à cette superproduction US, le dévouement et l’esprit de sacrifice de ces soldats, jusqu’à ce bref mais poignant dialogue entre deux officiers alliés. L’un demande si l’on doit rappeler les bateaux afin de procéder à une évacuation générale des troupes, l’autre le reprend sèchement et dit qu’on ira jusqu’au bout, c’est-à-dire la victoire….

    Voilà une belle leçon de résistance et de courage, d’hommes qui se battent au péril de leur vie, et ne jouent pas à conserver le pouvoir ou à se refaire une popularité sur le dos des autres.

    La presse étrangère, surtout celle des pays dont les dirigeants sont présents ce jour à Ouistreham, ne se prive pas de se moquer de la France et de fustiger son goût immodéré pour cette gloriole qui accompagne toutes ces exhibitions. Et elle fait un rapprochement désagréable avec la vraie situation économique et sociale du pays. Certains ont même la malice de parler du score du FN aux dernières élections. Il y a donc un hiatus entre ce que nous vivons ce jour et la crise morale profonde que traverse le pays.

    Il faut rendre hommage à ceux qui ont donné leur vie pour que la France et l’Europe soient enfin débarrassées de la peste brune. Quand je pense que dès le lendemain du Débarquement les Nazis ont fusillé près de 100 résistants à la prison de Caen. Quand je pense que cette ville a été rasée au deux tiers et que les Britanniques ont mis six semaines à la libérer tant la résistance des occupants fut forte.

    Cette commémoration, mieux ajustée, doit aussi nous aider à comprendre la nécessité vitale d’une entente parfaite entre la France et l’Allemagne. Hélas, la parité entre ces deux pays n’existe plus et des termes comme le moteur ou le couple franco-allemand appartiennent à un passé révolu.

    La France doit se livrer à un examen de conscience, elle doit faire un retour sur soi. La philosophie allemande appelle cela eine Selbstbesinnung, une sorte de héshbone ha-néfésh.

    Enfin, de tels événements doivent être le fruit d’une collaboration étroite entre les forces vives de la Nation et les pouvoirs publiques. Tous les régimes, tous les gouvernements doivent en tenir compte.