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Vu de la place Victor-Hugo - Page 569

  • Maimonide enseigné à Beyrouth?

    Le Guide des égarés de Maimonide, enseigné à l’Université américaine de Beyrouth

    Comment l’ai je appris, et pour quelle raison ? J’ai décidé de partager avec vous cette évolution assez extraordinaire bien qu’elle ne soit pas la fin du conflit, car une hirondelle ne fait pas le printemps. Cette histoire de Maimonide enseigné à Beyrouth a une préhistoire qui eut lieu en France, très exactement à l’Université d’Aix en Provence.

    Il y a un peu plus de deux ans, un collègue arabisant m’a prié de participer à un jury de thèse de doctorat dont le sujet est le suivant : La prophétologie dans le Guide des égarés de Maimonide. J’ai évidemment accepté, étant le spécialiste de Maimonide, ce que n’étaient pas mes collègues du jury. Et le collègue d’Aix m’a expliqué qu’il s’agissait d’un jeune Palestinien, né à Amman où son père, enfant, avait émigré en quittant le village arabe de sa naissance, au moment même de la création de l’Etat d’Israël.

    J’ai évidemment maintenu mon accord et reçus quelques jours plus tard par DHL, depuis Amman, un volumineux paquet de plusieurs centaines pages, en français, sur le sujet. Au même moment je reçus par mel une demande très respectueuse du candidat.

    J’ai évidemment rédigé un rapport très favorable, étonné que j’étais de voir un jeune Arabe, de surcroît palestinien par ses parents, choisir dans une université française un sujet de thèse «juif».

    Je rappelle pour ceux qui ne le savent pas que Maimonide (1138-1204) , de son nom d’état civil Moussa ben Maimoun ibn Abdallah al kortoubi al israeli, était un écrivain judéo-arabe car dans le Moyen Age juif de son temps, la langue philosophique était l’arabe qui avait récupéré tout les legs intellectuel et spirituel de l’hellénisme tardif. Ce qui veut dire que pour Maimonide et la totalité de ses devanciers, tout le corpus aristotélicien avait été traduit, présenté et commenté par des auteurs comme al-Farabi, Avicenne et Averroès, sans oublier ibn Badja et ibn Tufayl. Et Maimonide, né dans la sphère culturelle, linguistique et philosophique de cette civilisation arabo-musulmane, en fut imprégné. Quand il quitta sa ville natale sous la pression et la menace de la secte fanatique des Almohades il se réfugia avec sa famille à Fès où il suivit les cours d’un disciple d’Ibn Badja, l’un des plus remarquables philosophes musulmans du XIIe siècle. Cette imprégnation de Maimonide par la culture arabo-musulmane a même mis en circulation un mythe, celui de sa prétendue conversion momentanée à l’islam, conversion qui n’eut évidemment jamais lieu. Un élément absolument incontestable plaide pour cela : chacun sait que les juifs ne se font pas de cadeaux entre eux, et si tel avait été le cas, les adversaires de Maimonide lors des controverses suscitées par son enseignement, n’auraient pas hésité une seconde à le compromettre à tout jamais… Rendez vous compte : l’auteur du Mishné Tora,, un apsotat, même repenti !! Une telle accusation n’a trouvé place que dans les cercles des historiens de la médecine arabe, jaloux de voir la place occupée par leur collègue juif très envié à la cour de Saladin. Maimonide était aussi le médecin traitant de la mère du roi, dite la sultane validée (al-soulatana al walida)… Cela pouvait aider !

    Maimonide fait allusion à cette grave accusation calomnieuse qui a failli le coûter la vie. Il put bénéficier de l’intelligente clémence du roi qui débouta les accusateurs en disant qu’il ne devait pas y avoir d e coercition en matière de croyance religieuse..

    Au cours de la soutenance à Aix, je demandai au thésard comment il avait pu accéder au texte de Maimonide, il me répondit ce que je viens d’expliquer : le Guide des égarés fut écrit en langue arabe avec des caractères hébraïques, lesquelles sont au nombre de vingt-deux : il lui a suffi d’apprendre ces caractères en un après midi, le reste coulait de source.

    Et je dois dire que le jeune candidat connaissait son affaire et qu’il fut reçu docteur avec la mention très honorable. Cet nouveau docteur se nomme Abdul al-Hamid al-Kayyali. C’est lui qui vient de m’envoyer d’Amman cette nouvelle : on donne des conférences à Beyrouth sur le Guide des égarés de Maimonide. La nouvelle n’a pas manqué de me surprendre.

    La conférencière qui s’en occupe note qu’alors que des avions de combat d’Israël survolent Beyrouth à intervalles réguliers, cela n’empêche pas els étudiants sunnites, chiites, ou druzes de suivre avec intérêt un penseur juif qui, il y a plus de 820 ans, rédigeait dans leur langue, l’arabe, langue du Coran, son œuvre philosophique majeure, l’œuvre la plus importante du Moyen Age juif. L’enseignante ne cache pas sa surprise de constater que dans ce cas particulier, les étudiants acceptent volontiers de dissocier la philosophie juive de leur puissant et encombrant voisin, tant il est vrai que la sagesse, l’intelligence et l’ingéniosité peuvent parfois (pas toujours) venir à bout de la haine et de la culture de mort.

    Cet événement, car c’en est un, nous donne l’occasion de dire un mot de la fraternité linguistique entre ces deux langues, l’arabe et l’hébreu. L’hébreu compte un peu plus de 1500 racines, l’arabe plus de 3500… C’est Louis Massignon lui-même qui nous le dit.

    Maimonide et ses devanciers (Ibn Gabirol, Juda Ha-Lévi) ont écrit leurs œuvres philosophiques ou spirituelles majeures en langue arabe : l’original arabe du Meqor Hayyim de Gabirol est perdu et le Cusari de Ha-Lévi fut lui aussi rédigé en langue arabe avant d’être traduit en hébreu par Juda ibn Tibbon, ancêtre d’une lignée de traducteurs.

    Quant à Saadia Gaon, qui marque les débuts du rationalisme juif, son ouvrage Sefer Emounot vé déot donnait ceci en arabe originellement : Kitab al-amanat wal i’tiqadat

    Si vous regardez la traduction française du Guide par Salomon Munk, vous verrez dans les notes que l’œuvre n’aurait pas existé sans les sources arabes. C’est encore plus évident si vous utilisez la traduction anglaise de Shlomo Pinès et les sources sont magistralement exposées dans l’étude de Léo Strauss, How to begin the study of the Guide ?

    Je me demande ce qui peut bien se passer dans l’esprit de ces jeunes étudiants de Beyrouth, découvrant que leur puissant voisin en lequel ils voient le diable et la quintessence du mal a pour philosophe majeur, un homme qui parlait et écrivait leur langue, l’arabe, avant que ses successeurs ne procèdent à une ré-hébraïsation de la philosophie juive. Ce qui est logique et normal.

    Plus proche de nous, un écrivain franco-libanais, nouveau membre de l’Académie Française, Amin Maalouf, a évoqué ce sujet dans on livre, Les désorientés. Il dit avec sagesse qu’il ne faut surtout pas rappeler aux Libanais chrétiens ou musulmans que Moïse Maimonide avait écrit son Guide des égarés en arabe avec le titre suivant : Dalalat al-Hayyirin, le Doctor perplexorum.  Soit ils n’admettront jamais ce  fait en leur croyance, soit ils en minoreront l’importance .

    Le jour où l’esprit retrouvera tous ses droits, où la culture n’aura plus la portion congrue, ce jour là se réalisera la prophétie du vieux prophète hébraïque Isaïe qui parle d’une connaissance de l’Eternel qui occupera alors la première place comme l’eau couvre la surfaces des océans. Or, comme le dit le psalmiste, le principe de tes propos O Seigneur, c’est la vérité (Rosh devarékha émét)

    Mais il a dit cela il y a un peu plus de 2700 ans. Et on attend toujours… Mais Maimonide, dans l’intervalle, s’est élargi à ceux qui furent aussi les siens, il y a tant de siècles, lui qui mourut en Egypte en 1204. Mais son œuvre lui survit.

  • La France en panne?

    La France en panne ?

    Paradoxalement, la crise morale et financière  de l’UMP ne profite guère au PS, parti au pouvoir mais qui traverse lui aussi une crise non moins préoccupante que celle de son concurrent. Les analystes politiques jugent que même si le PS s’effondrait, suite à une scission ou à une dissolution, ou en cas de départ prématuré et volontaire de l’actuel président, l’UMP n’est pas en situation de diriger le pays. Ce qui reviendrait à dire que le pays est en passe……

    Le problème de la gestion sociale et financière des partis politiques en France ne date pas d’hier. Et l’on feint de s’étonner de l’action de M. Christian JACOB vis à vis de son parti. Au fond, rien d’illégal n’a été commis, mais les parlementaires dont c’était l’argent, n’ont pas été prévenus.

    Mais le plus grave, c’est la crise morale : un groupe de petits ambitieux, désireux de faire parler d’eu et sachant pourtant qu’ils n’ont aucune chance de passer à la présidence se mobilisent pour profiter d’une médiatisation leur permettant de quitter l’obscurité où ils se trouvent. M. Jean-Pierre Raffarin a eu raison de dénoncer cette folie qui rend l’UMP incapable de régler ses affaires internes.

    Comment voulez vous que la France normalement lorsque les deux partis principaux, au pouvoir et dans l’opposition sont incapables d’agir, certes pour des raisons différentes mais tout aussi nocives ?

    Le groupe socialiste à l’Assemblée est de plus en plus opposé à la politique du gouvernement. Les députés frondeurs sont au courant des sondages et scrutent avec inquiétude la stagnation de la popularité du chef de l’Etat : que faire ? A leurs yeux, il faut changer de politique. Mais la France doit tenir sa parole vis à vis de Bruxelles, ce qui se révèle impossible, sans faire des économies. Parallèlement, on trouve que 50 milliards, ce n’est rien par rapport aux 2OOO 000 000 000 de la dette nationale.

    On comprend alors que le chef de l’Etat, comme le signale le Monde, se complaise dans les commémorations et les inaugurations.

    Sans même parler de la coupe du monde de football…

  • La victoire de l'Algérie au Brésil et les dessous d'une allégresse dans les rues de PAris

    La victoire de l’Algérie au Brésil : les dessous d’une allégresse populaire dans les rues de Paris.

    Ceux qui eurent la malchance de se retrouver hier dans le périphérique de Paris ou place Maillot ont été pris dans des embouteillages monstrueux où des Maghrébins ou des Français issus de l’immigration ont défilé bruyamment avec des drapeaux de l’Algérie, leur pays d’origine. En soi, cela n’a rien de dérangeant mais quand on réfléchit à tête reposée sur les réponses des manifestants aux journalistes qui les ont interviewés, on se rend compte que la nature de cette allégresse est tout autre que celle, généralement ressentie par des amateurs de sport ou de bon football…

    Il y a là une contradiction et aussi une source de malaise : d’un côté, les intéressés se plaignent de ne pas être intégrés dans la société française qui a accueilli leurs parents, voire leurs grands parents, d’un autre côté, dès que leur patrie d’origine réalise quelque chose, ils se reconnaissent et s’identifient à elle sans réserve. Que se serait il passé si c’était la France qui avait été en compétition avec son ancienne colonie ? On se souvient d’un certain match de football au grand stade de France où le Premier Ministre de l’époque, Lionel Jospin, avait été un peu secoué par des supporters déchaînés…

    En soi, cela n’a rien de choquant et personnellement cela ne me dérange guère, mais quand j’entends ce qu’en disent ces bons Français moyens, éberlués de voir cette floraison de drapeaux étrangers dans les rues parisiennes, on peut se poser quelques questions.

    Mais le philosophe voudrait plutôt méditer sur certaines déclarations recueillies en arabe à Alger : les gens ont dit que c’était une victoire pour les musulmans du monde entier !! Mais le sport ne connaît pas d’appartenance confessionnelle ni de dénomination religieuse. Lorsque l’équipe de France (qui n’est pas une équipe française) remporte une victoire dans les stades, nul ne se réclame de sa religion ni de son ethnie..

    Cette victoire, chez le supporteur moyen, avait des goûts de revanche : mais contre qui et sur qui, sur quoi ?

    Dans mon esprit, j’ai rapproché cela des pages intelligentes que Amin Maalouf développe dans son livre, Les désorientés. Les uns trouveront que l’auteur est réaliste, d’autres qu’il est pessimiste. Etant lui-même un libanais chrétien, c’est-à-dire un arabo-chrétien, il sait très bien de quoi il parle. Et à présent, je comprends mieux ce qu’il veut dire, lorsqu’il évoque les humiliations, les échecs et le ressentiment accumulés par tous ces peuples au cours de leur histoire. Cela a créé une déchirure qu’il est très difficile de guérir.

    Selon moi, le sport doit rapprocher les hommes et leur permettre de se dépasser tout en respectant des règles de loyauté et d’estime mutuelle. Quand on gagne ou quand on perd dans un sport quelconque, on n’a pas à s’estimer grandi dans un cas ou humilié dans un autre. Cette discrépance entre Orient et Occident ne date pas d’hier. Certes, la colonisation est passée par là. Certes, les humiliations subies, consciemment ou inconsciemment par les grands pères, sont jugées injustifiables ou insupportables par les petits enfants. Tout le problème est là ; mais on peut tout faire avec du ressentiment, sauf un mode de vie ou une politique.

    Il ne suffit pas d’habiter dans un pays, il faut aussi y vivre, s’identifier à son histoire et lier son propre destin au sien. Cela peut être difficile lorsqu’on a un contentieux avec lui ; mais dans le meilleur des cas, il faut dépasser ce différend en bâtissant un avenir.

    Les sportifs ne sont pas des revanchards aigris mais des bâtisseurs qui construisent un monde à la foi nouveau et meilleur.