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Vu de la place Victor-Hugo - Page 719

  • Titre de la noteBienvenue à la maison, chère Florence Cassez

    Bienvenue à la maison, chère Florence Cassez

    Enfin, vive la justice mexicaine ! Vive la Cour suprême du Mexique ! Quelle affaire ! Au fond, la justice est la chose la plus éminente qui soit, mais quand elle est viciée, c’est aussi le plus terrible de tous les cauchemars. Ce que vient de vivre une jeune Française quelque peu imprudente en se commettant dans un lointain pays d’Amérique du sud avec des gens qu’elle ne connaissait pas vraiment et qui, sans se prononcer sur leur innocence ou leur culpabilité, l’ont entraînée dans tous ces tourments. Florence est donc de retour et j’espère que son exemple servira de leçon à toutes ces jeunes femmes qui se lancent dans des aventures qui leur coûtent si cher. Dans la liturgie juive du matin, il y a une prière qui rend grâce au Seigneur car il libère les entravés (mattir assurim) et redresse ceux qui sont courbés (zokéf kefoufim), et qui ploient sous le fardeau de l’injustice. Sans vouloir faire d’exégèse symbolique d’une banale affaire d’erreur judicaire, je note que la détention a duré sept ans, un peu comme toutes ces malédictions ou ces peines dont parle la Bible. Sept ans, c’est un chiffre symbolique, le symbole septénaire, un peu comme une sorte de fatalité… L’homme est-il vraiment libre d’aller et de venir, comme bon lui semble ? Apparemment, non ! Ah, si Florence n’avait jamais les pieds au Mexique, sa vie eût été différente. Je pense aussi à l’amour infini de ses chers parents qui ont lutté et tenu pendant toutes ces années, se heurtant à un mur, celui de la parodie de justice, de l’offense au droit. Dans la vie, tout est question de patience et d’endurance. Il faut tenir et ce n’est pas toujours facile. Parfois, la nécessité de tenir prend plus de temps que toute une vie. Ici, nous connaissons une issue heureuse. Un grand hommage donc à la justice mexicaine ; elle a donné raison au célèbre adage latin : fiat justicia pereat mundus. Que la justice soit, le monde dût-il en périr Même si Hegel dans sa Philosophie du droit n’est pas d’accord, lui qui souligne la nécessaire union des deux, la justice et le monde, car tout est subordonné au bien. Et si le monde devait en périr, on aurait tout perdu. Ceci met la justice en état de subordination vis-à-vis du monde, du bien et donc de la politique. Je serais d’accord si on faisait aujourd’hui de la politique comme au temps de Platon ! Mais hélas, même au temps de Platon, la politique n’était pas si vertueuse, et à y regarder de plus près, on sent chez le disciple de Socrate un soupçon de désillusion : c’est Platon qui avait une idée platonique de la justice. Ah, les racines inexpugnables de l’idéalisme, plongeant au plus profond du cœur humain. Même Kant n’y échappe pas, qui écrivait en substance : la loi morale au fond de mon cœur et le ciel étoilé au-dessus de ma tête. Mais ne gâchons pas la joie de la France : Bienvenue à la maison, Florance ! Maurice-Ruben Hayoun In Tribune de Genève du 24 janvier 2013

  • Titre de la noteL’armée française reprend pied en Afrique

    L’armée française reprend pied en Afrique

    Nul n’aurait pu le prévoir il y a tout juste un petit mois : que la France enverrait un véritable petit corps expéditionnaire au cœur de l’Afrique noire, là où elle avait tant de colonies… Cette affaire nous permet de souligner un certain nombre de points auxquels il faut être très attentifs. Le premier point est l’état d’impréparation et de sous développement chronique qui n’ont pas eu suffisamment de temps, même en un demi siècle- pour avancer résolument sur la voie du progrès et de la démocratie. La mal gouvernance, la corruption et le népotisme sont rois dans ces pays. Le second point découle en droite ligne de la mondialisation : il existe une interpénétration encore plus forte de la sécurité des différents pays : rappelez vous quand les Occidentaux sont intervenus en Afghanistan sous mandat de l’ONU, le mot d’ordre était : le combat pour la liberté et la démocratie commence à Kaboul… Le rapport au mali saute aux yeux= si on laissait tout un pays (certes, en ruines) entre les mains des terroristes islamistes, ce serait un Afghanistan au cœur de l’Afrique noire, là où les intérêts du monde libre seraient immanquablement menacés. Et quand on dit intérêts, on pense d’abord à la sécurité. Le troisième point touche aux grandes mouvements des populations du sud vers le nord. Il faut absolument que cela cesse, mais notre devoir éthique est d’alléger le fardeau de l’existence (sans nourriture, ni soins médicaux ni même vie sociale) de millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui ne peuvent plus vivre chez eux. Venir en Europe grossir les rangs des réprouvés et des vagabonds n’est pas une option valable. En outre, le dialogue des cultures appartient au passé, plus personne n’en parle… C’est triste mais cela est une réalité. En conclusion : ce que fait l’armée française au Mali est un test : la compagne militaire sera un succès, incontestablement. Mais c’est la suite qui importe le plus. Il faudra reconstruire le Mali, reformer son armée, son administration, sa vie sociale, son système scolaire. Personne ne quitte son pays natal pour un soi disant eldorado européen s’il n’y est contraint et forcé. Il faudra faire en sorte que les mouvements migratoires se stabilisent car l’Europe ne peut plus absorber autant de monde. Voyez l’exemple de la Suisse : y entrer est difficile, s’y installer relève de la quadrature du cercle quand on n’a pas de grands moyens. C’est une politique qui se justifie. L’ancien président français avait eu raison de dire jadis que l’on ne peut s’installer dans pays d’Europe avec sa famille nombreuse si l’on n’a pas les moyens de subvenir à ses besoins… L’armée française pourra donc, après sa victorieuse campagne, effectuer sur place une mission de paix : nourrir, soigner et éduquer.

  • Titre de la noteL'enjeu des élections législatives en Israë

    L'enjeu des élections législatives en Israël

     

    Il est presque certain que l’actuel Premier Ministre Benjamin Netanyahu sortira vainqueur, voire même renforcé de ces élections au motif que le parti travailliste est un véritable champ de ruines et que Me Tsippy Livni a perdu toute crédibilité électorale.

     

    Les thèmes qui dominent la campagne sont la sécurité du pays et ses véritables frontières, c’est-à-dire la politique d’implantations. Les Israéliens, de gauche comme de droit, rejettent l’idée même de colonisation, arguant qu’on ne peut pas être accusé d’être étranger chez soi, c’est-à-dire en terre d’Israël. Qu’on soit ou non d’accord avec cette présentation des choses, il faut aussi tenir compte de la situation démographique du pays (un Etat qui se veut juif, c’est-à-dire où l’appartenance religieuse est un fait incontournable) et la crainte de la suffocation territoriale : en clair, un Etat palestinien dont la population connaîtrait une croissance exponentielle constituerait, à terme, un danger mortel pour l’Etat d’Israël. C’est ce constat dont on a peu parlé qui a motivé la décision d’Ariel Sharon d’évacuer unilatéralement Gaza. Il était devenu impossible de comprendre dans les frontières élargies d’Israël une telle population.

     

    A côté de la politique des implantations (hitnahalut) il y a le problème arabe, c’est-à-dire des Palestiniens ayant la nationalité israélienne. On en parle peu en Europe mais il faut bien reconnaître qu’en Israël la question obsède les citoyens. Et Benjamin Netanyahou a bien pris conscience de ce problème au plan électoral puisqu’il a laissé se développer sur sa droite un parti nouveau dirigé par son ancien chef de cabinet Naftali Bennett qui prospère justement sur de tels thèmes.

     

    Benjamin Netanyahou aura donc à la Knesset une majorité confortable. Certes, il s’agira, comme toujours en Israël, d’une coalition mais qui sera dominée par le likoud et les partis religieux qui serviront d’appoint. Mais la paix ne sera toujours pas visible à l’horizon. Le Premier Ministre israélien n’en est pas le seul responsable. Il tient compte de certaines configurations et de certaines mentalités dont on ignore tout à l’extérieur des frontières d’Israël : quand on remonte de la Mer Morte en direction de Jérusalem et qu’on aperçoit à moins d’un jet de pierre (sans jeu de mots ni allusion péjorative) les immeubles de Ramallah ou d’autre villages palestiniens, on est saisi par l’effrayante proximité, voire l’intime enchevêtrement  des lieux.

     

    Que la vie serait belle dans cette région du monde où Dieu a fait sa révélation, donné sa Tora et fait connaître à l’humanité tout entière son message, message que les hommes, dans leur folie, se sont empressés de diviser avant de se diviser eux-mêmes de manière irrémédiable.

     

    Mon regretté maître et ami, le professeur Roger Arnaldez, avait jadis écrit un très beau livre au titre évocateur : Trois messagers pour un seul  Dieu… (Albin Michel, 1983). Un jour, alors que nous prenions un verre ensemble près de la bibliothèque du Saulchoir (des Pères Dominicains) où il aimait travailler, je m’étais trompé en disant du même Dieu au lieu d’un seul Dieu… Il m’avait alors, avec la bonté et l’amour du prochain qui le caractérisaient, expliqué la différence : Dieu n’est comparable à nul être, il est, sans être, tout en étant, on parle donc d’unicité (seul dans son espèce, un peu comme le soleil) et non de «mêmeté »

     

    Mais c’est un abîme qui sépare  la spiritualité du monde la politique. Il est tout de même déplorable de voir que les Juifs et les Arabes que tout devrait rapprocher sont devenus des ennemis irréconciliables. Chaque soir, lorsque j’écoute les chaînes satellitaires arabes, je m’amuse à traduire instantanément en hébreu ce que j’entends en arabe : les deux langues,  celle d’Israël et celle d’Ismaël, appartenant au même groupe linguistique nord sémitique, sont si proches… Je remonte alors vers les racines communes en passant par l’araméen (la langue de Jésus) pour aboutir à une langue proto-sémitique.

     

    Comment des gens qui parlent presque la même langue, peuvent ils se détester à ce point ? Cette philologie est passionnante, mais elle aussi se situe à des années lumières de la réalité politique ou territoriale, lorsqu’il s’agit de s’installer un village ou un kibbouts dans une portion de la terre d’Israël. Les philologues n’ont encore jamais dirigé la moindre entité politique…

     

    J’ai entendu un jour, il n’y a pas si longtemps, un dirigeant israélien dire que la guerre d’indépendance (milhémét ha-shihrour) n’était pas encore achevée. Je comprends mieux aujourd’hui la portée de cette déclaration.

     

    Que faut-il espérer ? La paix, bien sûr, mais aussi que le cœur des hommes soit touché par la Grâce.  L’apport d’Israël peut être une chance, une bénédiction pour la région. Une amitié judéo-arabe peut naître, elle est inscrite dans les faits. Même si elle tarde à venir.

     

    Maurice-Ruben Hayoun

    In Tribune de Genève du 22 janvier 2013