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Vu de la place Victor-Hugo - Page 716

  • Titre de la noteLE CARNAVAL DE VENISE, LA FETE DANS UN MONDE DESENCHANTE

    LE CARNAVAL DE VENISE, LA FETE DANS UN MONDE DESENCHANTE
    Je ne sais pas si vous croyez encore à la fête, au bonheur et au
    plaisir. Mais moi, en écoutant ce matin le début du célèbre carnaval
    de Venise, après ce qui se passe en Afrique, au Moyen Orient et en
    Afghanistan, j’ai eu l’impression que l’on parlait de deux mondes, de
    deux univers entièrement différents et hermétiquement séparés l’un de
    l’autre…

    Comment peut-on faire encore la fête aujourd’hui ? Un mot sur le
    carnaval dont la philosophie m’a toujours plu car elle remonte à des
    mœurs très anciennes où les élites dirigeantes des cités instituaient
    un ou plusieurs jours au cours desquels les règles, les lois et les
    obligations étaient comme mises entre parenthèses, comme si l’on
    reconnaissait, sans le dire vraiment, que la nature humain pouvait
    bien étouffer dans ce maquis d’interdits et de préceptes, positifs (tu
    feras) ou négatifs (tu ne feras pas).

    Ce qui me conduit à faire cette remarque n’est autre que la notion de
    bal costumé, de masque, et donc d’anonymat, comme si, pour s’amuser
    vraiment (aujourd’hui, on dirait : s’éclater), il fallait se cacher,
    dissimuler son visage… Cela remonte en fait à des tradition fort
    anciennes, notamment dans certaines iles grecques, où un jour
    déterminé de l’année, les femmes insulaires avaient le droit de
    s’accoupler avec des étrangers de passage sur leur île, avec des
    marins du port.

    Il y a au moins deux préoccupations qui gisent au fondement de cette
    pratique : tout d’abord la nécessité de renouveler le stock
    biologique, sanguin, par un apport frais de sang étranger, faute de
    quoi le milieu insulaire est condamné à se mêler intimement dans le
    même stock, ce qui engendre des malformations et des enfants atteints
    de maladies congénitales : un peu, comme si l’on épousait sa propre
    sœur ou son propre frère. C’est la différence entre l’endomaie et
    l’exogamie, épouser dans ou en dehors du clan…

    La seconde préoccupation est de nature plus psychologique et veut
    faire droit aux désirs les plus fous et les plus incontrôlables de
    l’être, qu’il soit homme ou femme ! On se cache derrière son masque,
    on ne joue plus le même rôle car on ne porte plus les mêmes habits, on
    n’est plus l’Homme socialement adapté, on laisse éclater ses
    phantasmes les plus fous : les femmes de la haute société, les hommes
    issus des classes dirigeantes, se mêlent à d’autres milieux, parfois
    intimement.

    Aucune église, aucune institution ou loi éthique n’a pu venir à bout
    de telles manifestations de joie et de recherche de rares plaisirs. Et
    ce n’est pas faute d’avoir essayé… La nature humaine est rétive à
    toute loi et à tout interdit. Freud n’avait peut-être pas tort de dire
    ce qu’il a dit et le continent qu’il a découvert a toujours existé
    bien que rares furent ceux qui l’aperçurent avant lui avec autant de
    netteté.
    Au fond, c’est peut-être bien dans cette partie obscure de notre âme
    qu’il faut rechercher cet attachement à la fête et à la joie, au
    plaisir, en dépit d’un environnement des plus désespérants.

  • Titre d L’EGYPTE DANS LA TOURMENTEe la note

      L’EGYPTE DANS LA TOURMENTE
    Les dernières nouvelles d’Egypte ne sont vraiment pas bonnes. Deux ans
    après le début de cette révolution (c’est le terme exact car le
    printemps arabe n’a pas eu lieu, c’est une invention de journalistes
    occidentaux) les troubles n’ont pas cessé, l’économie est en panne et
    la monnaie égyptienne s’est effondrée au point que l’actuel président,
    l’islamiste Mohammend Morsi est allé quémander l’aide de l’Arabie
    saoudite et des riches émirats. C’est un exerci un peu difficile pour
    la plus grande puissance musulmane du Proche Orient.

    Comment en est on arrivé là ? C’est simple, la révolution qui se
    voulait franchement démocratique et libertaire a été confisquée par un
    partic bien organisé, doté d’un programme clair quoique peu
    discutable, la confrérie des frères musulmans (al-Ikhwane al
    mouslimin). Dont est justement issu l’actuel président qui, cédant à
    sa nature propre, s’est arrogé tous les pouvoirs et n’a fait semblant
    de reculer sur quelques points mineurs que devant une lame de fond qui
    menaçait de l’emporter. Au lieu de régiger une constitution équilibrée
    garantissant les droits des minorités ethniques et religieuses, ainsi
    que ceux des femmes, les islamistes ont cédé à leurs penchants
    naturels, le panarabisme et le pan islamisme. Au lieu de s’occuper
    sérieusement de l’économie et de la prospérité de leur pays, ils sont
    cherché à le mettre sous coupe réglée.

    Le problème, c’est que la société égyptienne est dotée d’une fine
    couche d’intellectuels et de personnalités évoluées qui n’acceptent
    pas cette évolution rétrograde. Mais aujourd’hui, le mécontentement
    est ntetement plus large, l’ordre public est sans cesse menacé, et le
    problème du maintien au pouvoir de l’actuel président se pose.

    Ce scénario avait été anticipé par l’armée qui a toujours gouverné
    l’Egypte et connaît bien les rouages du pouvoir. C’est la seule force
    vraiment organisée et fiable de ce pays à la démographie gélopante.
    Sans ressources économiques correspondantes. L’explosion est donc
    garantie si on ne change pas de direction politique.

    L’armée mise t elle sur un pourrissement qui lui permettrait de
    revenir, auréolée d’un halo de sauveur de la patrie en danger ?
    L’affaire est à suivre : une révolution qui met tant de temps pour se
    stabiliser est en danger…

  • Titre de la noteBienvenue à la maison, chère Florence Cassez

    Bienvenue à la maison, chère Florence Cassez

    Enfin, vive la justice mexicaine ! Vive la Cour suprême du Mexique ! Quelle affaire ! Au fond, la justice est la chose la plus éminente qui soit, mais quand elle est viciée, c’est aussi le plus terrible de tous les cauchemars. Ce que vient de vivre une jeune Française quelque peu imprudente en se commettant dans un lointain pays d’Amérique du sud avec des gens qu’elle ne connaissait pas vraiment et qui, sans se prononcer sur leur innocence ou leur culpabilité, l’ont entraînée dans tous ces tourments. Florence est donc de retour et j’espère que son exemple servira de leçon à toutes ces jeunes femmes qui se lancent dans des aventures qui leur coûtent si cher. Dans la liturgie juive du matin, il y a une prière qui rend grâce au Seigneur car il libère les entravés (mattir assurim) et redresse ceux qui sont courbés (zokéf kefoufim), et qui ploient sous le fardeau de l’injustice. Sans vouloir faire d’exégèse symbolique d’une banale affaire d’erreur judicaire, je note que la détention a duré sept ans, un peu comme toutes ces malédictions ou ces peines dont parle la Bible. Sept ans, c’est un chiffre symbolique, le symbole septénaire, un peu comme une sorte de fatalité… L’homme est-il vraiment libre d’aller et de venir, comme bon lui semble ? Apparemment, non ! Ah, si Florence n’avait jamais les pieds au Mexique, sa vie eût été différente. Je pense aussi à l’amour infini de ses chers parents qui ont lutté et tenu pendant toutes ces années, se heurtant à un mur, celui de la parodie de justice, de l’offense au droit. Dans la vie, tout est question de patience et d’endurance. Il faut tenir et ce n’est pas toujours facile. Parfois, la nécessité de tenir prend plus de temps que toute une vie. Ici, nous connaissons une issue heureuse. Un grand hommage donc à la justice mexicaine ; elle a donné raison au célèbre adage latin : fiat justicia pereat mundus. Que la justice soit, le monde dût-il en périr Même si Hegel dans sa Philosophie du droit n’est pas d’accord, lui qui souligne la nécessaire union des deux, la justice et le monde, car tout est subordonné au bien. Et si le monde devait en périr, on aurait tout perdu. Ceci met la justice en état de subordination vis-à-vis du monde, du bien et donc de la politique. Je serais d’accord si on faisait aujourd’hui de la politique comme au temps de Platon ! Mais hélas, même au temps de Platon, la politique n’était pas si vertueuse, et à y regarder de plus près, on sent chez le disciple de Socrate un soupçon de désillusion : c’est Platon qui avait une idée platonique de la justice. Ah, les racines inexpugnables de l’idéalisme, plongeant au plus profond du cœur humain. Même Kant n’y échappe pas, qui écrivait en substance : la loi morale au fond de mon cœur et le ciel étoilé au-dessus de ma tête. Mais ne gâchons pas la joie de la France : Bienvenue à la maison, Florance ! Maurice-Ruben Hayoun In Tribune de Genève du 24 janvier 2013