La fête de soukkot, ce soir, dimanche 30 septembre à partir de 19h 30.
Tout comme la ronde des saisons, les fêtes juives de Tichri s’achèvent avec la joie de Soukkot, la fête d’une humanité réunie autour de la crainte et de l’amour de D-. Nous sommes passés de la solennité de Rosh ha-Shana à l’austérité de Yom Kippour, et nous en venons, enfin, à la joie de Soukkot qui symbolise le destin providentiel du peuple d’Israël : si les lois de l’histoire avaient fonctionné à plein, nous dit un passage talmudique, les juifs auraient dû être balayés par les vicissitudes de leur propre histoire. Mais D- en a décidé autrement : il compare le destin de ce peuple à la frêle constitution de cette cabane couverture de verdure d’où tout métal ferreux doit être absent, symbole de l’abandon confiant à Dieu. Qu’il pleuve ou qu’il vente, que le toit de la soukka soit soudain emporté par une rafale de vent, peu importe, la providence divine est censée être là pour assurer la protection de ceux qui s’abritent sous elle.
La soukka, c’est la Providence divine. Elle semble absente ou simplement lointaine, mais le plus souvent elle agit, même si, au cours de l’histoire juive récente, un homme comme Martin Mordekhaï Buber a pu parler de l’éclipse de Dieu.
Les sages du talmud ont développé tout un traité éponyme sur cette question de la soukka. Il y a ce fameux bouquet festif (tige de palmier, cédrat, branche de saule et de myrte) Si l’on veut dire la vérité, il faut bien reconnaître que la signification symbolique de ces quatre espèces demeure inconnue ou s’est probablement perdue. Alors, les talmudistes ont suppléé à ce manque par une interprétation éthico-pyschologique en mettant au centre du débat l’unité intrinsèque du peuple d’Israël.
En constituant un bouquet festif à partir de ces quatre espèces issues du monde végétal, on lie ensemble les différentes strates supposées du peuple juif ou simplement du genre humain. Le philosophe allemand Kant aurait parlé de la capacité liante du concept, ici on parle de la responsabilité collective où chaque membre du peuple d’Israël prête ce qu’il a à son frère moins bien doté que lui.
Ainsi le fruit, le cédrat a à la fois une odeur et une saveur, d’autres sont inodores et insipides, d’autres , enfin, ont soit l’un soit l’autre. Mais ensemble, ils constituent un tout acceptable. Quelle belle leçon de tolérance et qui brise cette arrogance intellectuelle dont nous nous rendons parfois coupables, sans nous en rendre vraiment compte.
Si je voulais en tirer une leçon d’anthropologie sociale, je dirais que nous tenons ici un bel exemple de solidarité humaine : celui qui dispose de tout doit céder un peu de ce qu’il a à ceux qui n’ont rien, ceux qui sont imparfaits doivent pouvoir compter sur ceux qui sont mieux lotis qu’eux. Et réciproquement.
Un dernier exemple : le talmud évoque l’étonnement des peuples idolâtres qui reprochent à D- d’avoir scandaleusement favorisé le peuple d’Israël en le guidant et ne le gardant de tant de dangers. Le talmud dit qu’en prenant connaissance de cette doléance, Dieu partit d’un grand éclate de rire, rappelant que la soukka a été construite en plein désert qui n’appartient à personne, et donc reste accessible à tout le monde. Ceux qui veulent s’y abriter sont les bienvenus, mais pour cela il faut la foi en D-. Le talmud souligne que jamais, au grand jamais, quelqu’un qui est en quête de D, n’est revenu bredouille. Pour la bonne raison qu’il siège au plus profond du cœur de chacun : reviens vers ton cœur et l’Eternel ton D reviendra vers toi…
La Révélation eut lieu, elle aussi, dans le désert. A la portée de tous.
Maurice-Ruben HAYOUN
In Tribune de Genève du 30 septembre 2012