Albert Camus et le devoir éthique des journalistes
Eloignons nous un instant de la mêlée des nouvelles et du fracas de l’actualité où une information en chasse une autre sans jamais nous laisser le temps de nous arrêter un instant sur les choses qui défilent sous nos yeux à une allure incroyable, cette velocitas que Goethe dénonçait déjà de son temps…
Je vous recommande de lire l’article d’Albert Camus, publié dans le Monde des livres de la semaine dernière, un article qui n’avait jamais paru auparavant et que Albert Camus avait écrit pour une petite feuille de chou en novembre 1939, article censuré par la censure militaire à Alger mais qu’une journaliste particulièrement scrupuleuse a retrouvé dans les archives à Aix en Provence et soigneusement commenté dans les colonnes du bien connu journal du soir.
Albert Camus, ce fils hyper doué d’une femme de ménage illettrée, voire pratiquement analphabète, doit à un excellent instituteur, et à d’autres bons professeurs des lycées d’avoir aimé la littérature et d’en avoir fait son métier, si je puis dire, puisqu’il reçut le prix Nobel !
En voilà au moins un qui, bien que né en Algérie dans un milieu défavorisé, n’a jamais posé la moindre bombe (si ce n’est philosophique ou littéraire) mais a, au contraire, durablement marqué la pensée humaniste du XXe siècle…
Lorsqu’il écrit ce bel article, Camus a tout juste 27 ans et travaille dans l’ombre d’un autre journaliste Pascal Pia qui sera, en quelque sorte, sa divinité tutélaire puisqu’il le fera rentrer dans la rédaction de Combat… C’est aussi l’époque où il rédige une magnifique nouvelle intitulée Noces à Tipaza, que j’ai achetée un dimanche matin chez un bouquiniste du marché de Deauville.
On est frappé par la fermeté de la plume du jeune auteur et par sa détermination à dénoncer la folie de l’Europe qui se déchire avec la seconde guerre mondiale, déclarée en septembre.
Camus porte à quatre les devoirs du bon journaliste : le refus, l’obstination, la lucidité et l’honnêteté. Dans l’un de ses livres, Camus parlera même de «l’obstination du témoignage», une expression dont le Président Jean Kahn fera la titre de son livre.
Camus explique que le bon journaliste n’est pas celui qui informe vite mais celui qui informe bien. C’est toute la différence et nous l’avons vécue d’une manière plutôt vive ces derniers jours.
Camus incarne un très haut exemple dont nous devons tous nous inspirer car il stigmatise l’iniquité et met la liberté au premier plan de nos valeurs. Certains critiqueront son idéalisme mais aucun homme, aucune société ne peut vivre sans idéal. Même l’idée messianique, épine dorsale du judéo-christianisme, berceau de notre culture et de notre civilisation, n’est jamais qu’un rêve éveillé… qui dure depuis plus de deux mille ans.
MRH in
TDG de ce 27 mars 2012