L’Egypte révolutionnaire, l’an un…
En ce jour, l’Egypte de l’après Moubarak fête son premier anniversaire, un anniversaire de désillusion, de mécontentement et de frustration. Pire encore, un anniversaire, au cours duquel la béance entre le peuple et son armée, jadis considérée comme la haie protectrice de la nouvelle ère, se creuse dangereusement. L’armée qui a toujours piloté le pays depuis la chute du roi Farouk, parle même de complot contre l’Etat et assure qu’elle ne cédera ni devant les pressions ni devant les menaces. Cette mise en garde est grave et prépare à des lendemains douloureux. L’alliance entre le peuple et l’armée a vécu.
Les généraux, rompus à l’art de conserver le pouvoir, soit de manière brutale soit de façon insidieuse, ont déjà passé un accord secret avec l’aile modérée des frères musulmans, lesquels se séparent des slogans anti-armée et ont fait preuve d’une grande intelligence politique : ils ont pu, grâce à cette adroite politique, envahir le parlement de la manière la plus légale possible et se préparent probablement à investir l’un des leurs, le plus modéré possible, pour la présidence. Les termes de l’accord secret sont aisément reconnaissables : pas de remise en cause des accords internationaux de l’Egypte (accords de paix avec Israël, alliance avec les USA, lutte contre le terrorisme, etc), pas de contestation ni de près ni de loin, du rôle de l’armée, ni de sa prépondérance dans le secteurs économique, pas de contestation de son budget, etc , moyennant quoi, les prétoriens laisseront les islamistes diriger l’Etat. Sous leur contrôle vigilant.
Mais cela signifie qu’un parti, aidé par l’armée, aura frustré le peuple de sa victoire. Certes, vous savez bien que je ne pense pas de mal du président Hosni Moubarak qui a accordé à son pays plus de trois décennies de stabilité et de paix. Mais c’est sa politique économique ultra libérale et favorisant quelques oligarques, qui a provoqué sa chute : si tous ces désœuvrés avaient du travail et de quoi nourrir convenablement leurs familles, croyez vous qu’ils iraient manifester sur la place Tahrir de jour comme de nuit ?
Le problème avec les militaires est qu’ils n’ont pas su calmer la rue en redistribuant des aides sociales, en montrant que l’Egypte allait changer et que la masse du peuple devrait favoriser le calme et la stabilité, seules garantes du retour des investisseurs… Or il n ‘ y a rien de tout cela et même le tourisme est inexistant alors qu’il faisait vivre des centaines de milliers d’Egyptiens.
Certes, le vieux Raïs a laissé se développer dans son pays, et surtout dans son environnement immédiat, le népotisme et la corruption, dans un océan de misère. Ce qui provoqua sa chute. Mais je trouve que l’Histoire, un jour, lui rendra justice. Dans l’intervalle, l’Egypte n’est pas au mieux de sa forme et il n’est guère exclu que l’armée, seule ou avec les frères musulmans, conserve le pouvoir tout en se raidissant.
Une hirondelle ne fait pas le printemps…