Stéphane Taponier, Hervé Ghesquière et Gilad Schalit : même combat
Toute la presse en parle, la France, le monde s’émeut de cet abject commerce des otages que des gens, toujours les mêmes, pratiquent de manière éhontée.
D’un côté, un jeune soldat israélien détenu depuis plus de 48 mois, sans aucune visite de la Croix Rouge, sans courrier, sans lien avec qui que ce soit, si ce n’est avec ses geôliers qui menacent de le tuer à chaque instant.
De l’autre, deux journalistes français partis en reportage dans la vallée de Caprissa, l’une des plus dangereuses d’Afghanistan, et qui furent capturés par les talibans qui veulent les échanger contre d’importantes sommes d’argent et obtenir la satisfaction de leurs revendications politiques : libération de terroristes, évacuation des troupes d’Afghanistan opérant sous mandat de l’ONU, etc… On comprend que les puissances concernées hésitent avant de s’engager car si on donnait son accord, on serait confronté chaque jour que D- fait à ce type de chantage.
C’est un dilemme moral insoutenable, un débat quasi cornélien ! Que faire ? Je ne sais, si ce n’est qu’il faut déployer des trésors d’ingéniosité diplomatique pour tirer ces pauvres captifs de leur lieu de rétention. Mais au plan philosophique, comment juger les preneurs d’otages ?
Leur combat, leur cause, si sacrées soit-elle à leurs yeux, ne saurait justifier un tel acte, à la fois abject et barbare. On connaît le principe de la philosophie morale occidentale (mais que d’autres méconnaissent gravement) : la fin ne justifie pas les moyens. On connaît aussi le principe de la philosophie morale kantienne selon lequel on ne peut pas utiliser un être humain comme un moyen car il est une fin en soi. Il n’existe pas une seule doctrine morale qui permette de briser une volonté humaine pour la soumettre à la sienne propre.
Inféoder une volonté humaine, intrinsèquement autonome, à des choix hétéronomiques vous place eo ipso à l’extérieur de l’humanité civilisée. La question qui se pose alors est la suivante : faut-il négocier avec les ravisseurs ? Ma réponse va en choquer quelques uns : non ! Car les criminels qui bafouent les règles les plus élémentaires de la morale récidiveront à l’infini. Il faudrait plutôt tenter un jour prochain un vaste coup de main pour détruire les ravisseurs ou enlever l’un de leurs chefs. Ceci contredit peut-être ce que j’écrivais un peu plus haut, mais là bas il s’agissait d’une attitude théorique, ici d’une attitude pratique, hic et nunc.
D’aucuns diront que l’on se met au même niveau, que ce serait une victoire pour les barbares, etc… Certes, mais les principes philosophiques guident parfois nos actions. Ils ne sauraient s’y substituer.