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  • Boualem SANSAL, Le village de l'Allemand ou le journal des frères Schiller (Gallimard)

     

      Boualem Sansal, Le village de l’Allemand ou le journal des frères Schiller. Paris, Gallimard, 2008.

    Ce roman fera date car il marque une sorte de reconnaissance de la Shoah par une partie arabe ou arabo-musulmane. L’histoire est compliquée au point de paraître invraisemblable : deux frères, issus d’un mariage entre un Allemand converti à l’islam et une algérienne, se retrouvent dans une cité de la banlieu parisienne, chez leur oncle, un ancien combattant de l’Indépendance, un moudjahid. L’aîné réussit très bien, décroche un diplôme d’ingénieur dans la ville de Nantes et se fait embaucher par une société multinationale. Intégré socialement, il épouse la femme des rêves et s’installe dans un charmant pavillon de banlieue. Le frère cadet, le narrateur principal, est tout le contraire : échecs scolaires, petits boulots, ballotté de cités en tribunal et de tribunal en commissariat de police, il découvre un jour son frère, mort dans son garage. L’homme s’est suicidé au terme d’une longue agonie en découvrant la vérité sur leur père qui, de Hans Schiller était devenu Si Mourad…
    Leur père n’était qu’un ancien officier SS, criminel de guerre, recherché par les Alliés, et qui s’était caché dans un bourg perdu d’Algérie, où il sera victime, avec trente-six autres habitants du lieu, d’une bande d’assassins islamistes. C’est en ouvrant une valise de son père que le fils découvre le livret militaire du père, ses décorations, ses citations pour faits d’armes et aussi des photographies où il apparaît sanglé dans l’uniforme noir des SS…
    Avant de se suicider, le fils aîné se lance sur les traces de son père, depuis son village natal en Allemagne jusqu’aux pays occupés par le IIIe Reich et où son père avait servi Hitler. Les camps de concentration et d’extermination, aussi. Chemin faisant, pour se soulager la conscience, il tient un journal intime que son jeune frère se verra remettre après son suicide : l’ingénieur ne peut supporter l’idée que son père n’était qu’un criminel, recherché pour crimes contre l’humanité.
    Toute la trame du livre fait penser à une reconnaissance de la Shoah par des hommes, à moitié arabes et à moitié allemands, qui ne peuvent pas supporter que les imams fanatisés de certaines cités continuent d’attiser la haine contre la France, l’Occident, les Juifs et tout ce qui n’est pas de l’islamisme ou de l’intégrisme. Voici quelques passages frappés du sceau de l’authenticité, provenant d’hommes encore jeunes, écrasés par un fardeau avec lequel ils ne peuvent vivre : Je me suis levé et les bras en l’air, j’ai hurlé : je suis Malrich, fils de Hans Schiller le SS, coupable d’extermination, je porte en moi le plus grand drame du monde, j’en suis le dépositaire et j’ai honte.  Et j’ai peur, et je veux mourir ! J’implore votre aide, on ne m’a rien dit, tout est retombé sur ma tête et je ne sais pas pourquoi. Mon frère s’est suicidé, mes parents et nos voisins ont été assassinés et je ne sais pourquoi ni par qui, je suis seul, seul comme personne au monde.  ( p 187)
    Ou encore, ce cri du cœur qui montre bien que l’humanité est une bien que ses manifestations sont diverses et variées : p 99 : je me suis dit ; si un seul crime demeure impuni sur terre et que le silence l’emporte sur la colère, alors les hommes ne méritent pas de vivre.
    Et cette reconnaissance, enfin, de la Shoah, accompagnée d’un repentir à la fois profond et sincère :
    p 195 : Il n’a pas été à Jérusalem, au Yad Vashem. Si un jour, les moyens le permettent, j’irai pour lui. Et pour moi. Et je lirai tous les noms à haute voix, et à chacun, je demanderai pardon au nom de mon père.
        Un livre vraiment émouvant qui nous renseigne sur ce qui se passe dans nos banlieues, leur idéologie, leur fanatisme mais aussi elur appel et leur espoir. A lire absolument.

                           


     

  • Le premier tour des élections municipales en France

     

        Ce premier tour a une nouvelle fois montré l'imprécision des sondages. La vague rose n'a pas eu lieu, mais la gauche effectue une petite percée qui s'explique plus par l'impopularité de la droite que par une adhésion aux idées socialistes…

        Certaines villes comme Toulouse, traditionnellement à droite, pourraient basculer à gauche. Strasbour aussi dont la maire paie une certaine manière de gérer et d'adminsitrer.

        Il faut aussi relever que 14 ministres sur 23 sont élus ou réélus, ce qui montre que nous n'avons pas affaire à un vote rejet ou sanction, mais simplement, comme le veut une bonne vieille mentalité française, à un avertissement sans conséquence.

        Dominique de Villepin le rappelle sur un mode poétique dans son livre Hôtel de l'insomnie (Plon, 2007): la Révolution française n'est pas encore achevée, les Français désavouent généralement ceux pour lesquels ils ont voté 1 ou 2 ans plus tôt… Ils ne comprennent pas que gouverner, diriger le pays, que ce soit à droite ou à gauche, implique l'impopularité. C'est la fameuse loi des deux ans.

        En revanche, les résultats à Paris sont loin d'être ambigus: la candidate UMP n'a pas pu rassembler autour d'elle et le maire sortant est pratqiuement sûr de l'emporter au second tour.

        Il y a fort à parier que la droite va se mobiliser pour limiter les dégâts, tandis que la gauche va aussi probablement contracter des alliances (jadis réputées contre-nature) pour tenter de redorer un blason qui en a bien besoin… 

  • Nathan Weinstock, Une si longue présence: comment le monde arabe a perdu ses juifs (1947-1967)

     

     

       Nathan Weinstock, Une si longue présence. Comment le monde arabe a perdu ses juifs (1947-1967). Paris, Plon, 2007

        Après  cette lecture, on se demande comment cela a pu être possible, oui, comment le monde arabo-musulman a bien pu se vider de ses juifs qui, parfois, vivaient dans ces territoires avant l’arrivée de l’islam… En sept chapitres bien documentés, précédés d’une énergique introduction et  suivis d’annexes très fournies, l’auteur nous fait voyager d’un pays à un autre du Maghreb au Machrek, où le scénario est toujours le même, depuis que ces pays, plus de vingt, ont été islamisés ou arabisés : persécutions, pogroms, conversions forcées, massacres plus ou moins spontanés et enfin, expulsions presque parfaites. Ceci aboutit à ce que de vastes territoires où la présence juive, remontant à des siècles précédant l’ère chrétienne, finissent par être  judenrein.
        L’ouvrage est bien documenté et son auteur fait montre d’une érudition sans failles, même s’il n’est pas un spécialiste de première main de ces questions. A l’instar d’historiens comme Bernard Lewis ou Michel Abitbol. Le monde musulman non originellement arabe n’est pas oublié puisque figurent en tête de l’enquête des pays comme l’Iran, la Turque et l’Afghanistan. La tentation est grande –et hélas passablement justifiée- de donner à tous ces pays, si différents les uns des autres, un dénominateur commun : la haine du juif et une volonté jamais démentie de le bouter hors des limites géographiques de l’oumma al-arabiya…
        L’attitude négative des arabo-musulmans à l’égard des juifs et du judaïsme remonte à ce que l’on nomme le pacte d’Omar (al-ha’d al-omari), un document dont on possède plusieurs versions sensiblement proches et qui placent le juif dans la position peu enviable de dhimmi, c’est-à-dire de citoyen non point de seconde mais de trente-sixième zone : ne pas se montrer meilleur que les musulmans, ne pas se vêtir comme eux, ne pas regarder de trop près une femme musulmane, ne pas employer des serviteurs de cette religion, ne pas monter une monture à l’aide d’une selle, ne jamais porter d’arme, ne pas en voir chez soi, ne pas prier à haute voix ni manifester  bruyamment sa confession religieuse, accepter de recevoir tout voyageur musulman de passage pendant trois jours, etc…
        A intervalles réguliers, les rigueurs de l’intolérance religieuse s’abattent alors sur les habitants juifs  qui ne doivent leur survie qu’à cette sauvegarde, cet aman, que ce fameux pacte inique consent à leur accorder, et encore…  Il serait impossible de faire l’inventaire des vexations, des  mesures discriminatoires et des massacres survenus dans tous ces pays arabo-musulmans. Les racines d’une si tenace haine ne peuvent être que de nature religieuse. On évoque généralement des sources sacrées pour donner un semblant d’existence à de la tolérance, là où il ne s’agit que de l’acceptation de l’autre du bout des lèvres.
        Qu’un soulèvement se profile à l’horizon, qu’un chef de guerre subisse une défaite, que des recrues marocaines se révoltent contre leurs officiers instructeurs français et c’est tout naturellement qu’on va laver l’affront en se jetant sur le Mellah, le ghetto des juifs. Lesquels n’étaient pour rien dans l’affaire… Mais voilà, ce sont des juifs et  personne ne viendra demander des comptes si on les maltraite.
        Avant le renaissance de l’Etat d’Israël, ces Etats arabes avaient près d’un million d’habitants juifs. Aujourd’hui, ils ne sont plus que quelques centaines, sauf, peut-être, au Maroc et en Tunisie, où ils sont respectivement 2500 ou un peu moins de 1500. Dans des pays comme la Libye ou l’Algérie, on n’en compte plus un seul , à part, peût-etre, quelques vieillards esseulés et manquant de tout… Evidemment, le principe d’explication qui vient à l’esprit est le conflit israélo-arabe et la question palestinienne. C’est juste mais cela na suffit pas à tout expliquer.
        M. Weinstock n’omet pas de parler des heurts en Palestine mandataire entre le yishuv et les habitants arabes. Il ne passe pas sous silence les exactions des groupes sionistes extrémistes mais rappelle aussi les massacres commis par les Arabes : e.g. les 70 médecins et infirmières assassinés de sang froid alors qu’ils se rendaient en convois d’ambulance vers l’hôpital Hadassa sur le Mont Scopus… le meurtre de 39 ouvriers juifs de la raffinerie de Haïfa par leurs collègues arabes. Et la liste n’est pas finie…
        Emettons, pour finir, un vœu : que cette paix que nous appelons tous de nos vœx arrive enfin et que toutes ces horreurs ne soient plus que de mauvais souvenirs.