LA France perd-elle les pédales ?
Ce matin, les nouvelles à la radio et à la télévision avaient quelque chose d’irréel. Même l’observateur objectif et impartial ne pouvait se défendre contre cette impression de paradoxe et d’étrangeté : d’un côté, au fin fond de l’Amérique du sud, au Chili, pays de bien moindre importance que le nôtre, tout un peuple uni, galvanisé et solidaire qui arrache aux entrailles de la terre un groupe de trente-trois mineurs bloqués dans une mine à plus de six cent vingt mètres, et de l’autre, chez nous, une France déchirée, divisée, qui conteste avec persistance une réforme salutaire des retraites, à la fois juste et nécessaire ! Quelle paradoxe, quel contraste !
Loin de moi l’idée de manifester le moindre irrespect ou une quelconque absence de considération pour les salariés de mon pays, cher à mon cœur, mais tout de même, comment regarder sans réagir, cette irresponsable initiative qui consiste, pour des syndicats et un parti d’opposition à la dérive, à instrumentaliser la jeunesse et à l’embrigader dans un combat d’arrière-garde qui n’est pas le sien. J’ai entendu hier soir mon ami, le professeur Bernard Debré, qui est aussi le député de mon arrondissement, dire, en qualité de médecin, qu’il ne comprenait pas que des enfants aillent manifester pour leur retraite alors que dans cinquante ans (leur âge de départ prévu) l’homme vivrait… cent ans ! Par ailleurs, tous les pays d’Europe font comme la France car l’alternative est implacable : ou on allonge la durée de cotisation ou on diminue les prestations.
Pourquoi donc les Français ne réussissent-ils pas à dépasser le stade de la confrontation et en viennent-ils immédiatement à la grève ? N’y a-t-tl pas d’autres voies, d’autres moyens ? La nature turbulente d’un pays, jadis révolutionnaire et qui s’en prit à son propre monarque, jadis considéré comme de droit divin, c’est-à-dire comme le représentant de D- sur terre, remonterait-elle à la surface ? On se le demande en constatant la violence incroyable du moindre conflit social. Quand donc aurons nous des comportements sociaux apaisés ?
Je me souviens d’une phrase du défunt président Georges Pompidou, entendue durant mes années d’études . Il disait, en substance, que cette opposition au sein de la société française perdurerait jusqu’à ce que vienne, un jour, «un homme casqué et botté qui trancherait ce nœud gordien.» Incroyable ! Il disait cela avant 1974, aujourd’hui, cela n’a pas vraiment changé. Près de quatre décennies après cette triste prédiction. Signe des temps : des salariés bloquent des raffineries et tout le monde trouve cela normal ! Un petit groupe cherche à paralyser l’ensemble de ce pays et personne ne réagit. La SNCF se met en grève alors qu’elle demeurera intouchée jusqu’en 2017 !! Mais pourquoi donc ?
Ce n’est pas à moi de le dire, mais le président de la République, le Premier Ministre et le gouvernement ont raison de rester fermes : il ne faut pas céder. Toutefois, il y a tout de même un déficit d’information de leur côté : comment se fait-il que le gouvernement soit en passe de perdre la bataille de l’opinion alors que son dossier est en granit ? L’équation est simple : la crise, la baisse des ressources et presque plus d’argent pour financer les retraites. Il faut soit baisser les pensions soit travailler plus.
Mais en France, la tradition historique (ou plutôt la paresse, l’indigence intellectuelles) veut que l’on suive une autre logique : faire payer les riches ! On oublie que d’un simple clic les sociétés, les entreprises déplaceraient sans sourciller leurs sièges sociaux, privant ainsi le trésor public d’appréciables revenus…
Et quand on entend les déclarations de certains salariés à la télévision, si jeunes et apparemment sensés, on s’interroge: la France est-elle en train de perdre les pédales ?