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Vu de la place Victor-Hugo - Page 1041

  • ’office de Kippour au Palais des congrès à PAris avec la communauté de Copernic

    L’office de Kippour au Palais des congrès à PAris avec la communauté de Copernic

     

    Quelle ferveur religieuse ! Quelle dignité dans la prière ! Quelle foule rassemblée sous les châles de prières, près de 4000 personnes. Tout était parfait à l’exception de certains discours (pas celui du rabbin William) mais bien le dernier de l’actuel président du crijf qui a tenu une sorte de chronique de faits divers.. Franchement, cette journée solennelle que ce discours banal et fourre-tout a failli compromettre. Mais revenons à l’essentiel.

    C’est la première fois que celui qui fut l’administrateur de la grande synagogue La Victoire durant vingt ans et numéro 2 du Consistoire de Paris pendant 16 ans ( 4 mandats successifs) sautait le pas et allait avec sa famille à un office religieux situé à moins de dix minutes à pied de chez lui.

    Et franchement, nous ne fumes pas déçus. Quelle joie de prier aux côtés de sa fille et de sa femme, de pouvoir les bénir à la fin de l’office, de voir que même ignorantes de l’hébreu, elles suivent les prières en langues française.. Depuis l’époque du talmud on prévoyait que certaines prières pouvaient être récitées autrement qu’en hébreu, dans la michna qui commence par éllu ha-néémarim.. Le français complète la langue liturgique hébraïque, il ne la remplace pas.

    Que les femmes prient auprès des hommes ne nuit pas à la bonne cause, au contraire, cela resserre les liens au sein du foyer, et les femmes peuvent suivre grâce à la version française de certaines prières, notamment des selihot (compositions pénitentielles) qui sont généralement incompréhensibles pour 99 % des gens. Surtout les selihot ashkénazes qui sont très dures à saisir. Les deux dames qui ont lu les chapitres du livre de Jonas se sont très bien acquittées de leur tâche et ensuite c’est un homme qui a donné lecture de la version française. Donc, tout le monde sait de quoi il s’agit. Et suit au lieu de parler. J’ai été impressionné par la lecture de certaines prières récitées au micro par des personnalité du barreau, de la bqnque et de la grande industrie. D’anciens ministres étaient présents, même le Directeur général du FMI et son épouse…

    La longueur des offices est respectée, les prières ne sont pas escamotées, notamment le service du grand prêtre dans le Saint des Saints : à quatre reprises, nous nous prosternons, face contre terre, pour marquer les fois où le grand pontife murmure le Nom ineffable de D-

    Je crois qu’en France se produit le même phénomène qu’en Allemagne à la fin du XIXe siècle : les juifs basculent vers le libéralisme qui en a profité pour s’ancrer d’avantage dans la tradition : on n’assiste plus à la braderie religieuse qui avait cours il trois ou quatre décennies dans l’unique synagogue libérale : irons nous vers une unité où l’on prendrait ce qu’il y a de mieux dans chaque camp ? Oui, si les orthodoxes font preuve d’intelligence et de savoir faire.

    Laissez moi vous dire combien les prières de kippour sont émouvantes, combien le peuple d’Israël est touchant quand, tout à l’unisson comme un seul homme, il implore la grâce et le pardon divins.

    Un eul bémol peut-être : tout repose sur les prières chantées et pré enregistrées. Un chœur eût mieux fait l’affaire… Comme à la Victoire.

    Pour l’année prochaine, si D- nous inscrit dans le livre des vivants, on reprend tout sauf le discours émaillé de faits divers prononcé par le personnage mentionné plus haut.

    Mais en dépit de cette intervention intempestive, Kippour nous a lavés de nos péchés et purifiés devant l’Eternel.

  • La disparition d’un grand musulman libéral Le professeur Mohammed ARKOUN ( 1928-2010)

    La disparition d’un grand musulman libéral

    Le professeur Mohammed ARKOUN ( 1928-2010)

     

    A la fin du jeûne de Kippour, en feuilletant le journal Le Monde déposé dans la boîte, je découvre dans la la liste nécrologique que mon ami et éminent collègue le professeur Mohammed ARKOUN est mort depuis le 14 septembre. Ma peine est immense, la dernière fois que nous nous étions rencontrés, ce fut lors d’un colloque à Berlin et plus récemment à Mazille en France, près du Carmel de la paix.

    Comme l’a dit la ministre algérienne de la culture, Mohammed Arkoun fut un authentique messager du dialogue interreligieux, pratiqué à la façon d’un grand historien, doublé d’un bon philosophe. Arkoun était un savant qui, tout en ayant fait une carrière classique d’universitaire, s’intéressait au devenir de la culture et de la civilisation du monde ambiant.

    Il faut aussi l’âme vivante d’une prestigieuse revue savante, Arabica. Avant que je ne le connaisse et qu’il devienne mon ami (quand il m’appelait au téléphone, il s’annonçait ainsi : C’est Arkoun qui veut parler à son ami, le Grande rabbin (sic) Hayoun, faisant ainsi allusion à la proximité de nos deux patronymes), mon maître Georges Vajda me disait le plus grand bien de lui.

    Et en effet, c’était un musulman libéral, courageux et authentique, un homme profondément animé par l’amour et le respect de son prochain.

    Si vous me le permettez, je raconterai ici deux petites anecdotes historiques : alors que j’étais jeune étudiant et que le président Sadate avait atterri à Jérusalem pour parler devant la Kenését, Mohammed Arkoun fut le premier penseur musulman à être invité par le colloque des intellectuels juifs francophones. Madame Annie Kriegel présidait la séance. Je me souviens que la conférence eut lieu au Musée des Arts et Traditions populaires et Arkoun avait , notamment, dénoncé ce qu’il nommait l’inflation du discours, visant directement des politiciens arabes qui confondaient allégrement parole et action.. Il déplorait que tout dans la sociologie musulmane contemporaine fût ramenée à l’insondable volonté divine, invalidant ainsi tout effort intellectuel de reconstruction et d’analyse. On omettait simplement de rappeler que la religion, comme le mariage, est une institution sociale. Et que la foi en Dieu tout comme l’amour entre les êtres pouvait exister en dehors de ces structures…

    La seconde anecdote me fut racontée par Arkoun alors que nous prenions notre petit déjeuner à Berlin, à l’occasion d’un colloque. Nous parlions de choses et d’autres et il me relata son voyage en Israël à l’invitation du département de philosophie de l’université de Tel Aviv, émanant d’un grand spécialiste israélien de Spinoza. Mohammed Arkoun était pour la paix et souhaitait une coexistence harmonieuse entre tous les états de la région. Il me confia tout de même son agacement de voir les douaniers et policiers de l’aéroport de Lod le fouiller intégralement et lui poser tant de questions sur le but de sa visite. En effet, Arkoun était né dans un petit village de Kabylie mais avait la nationalité française. Mais pour les autorités aéroportuaires, ce prénom Mohammed intriguait…

    Ayant soutenu sa thèse de doctorat d’Etat sur un penseur persan du Xe siècle, Arkoun s’orienta progressivement vers des études de sociologie religieuse en examinant leurs retombées sur nos sociétés contemporaines, hic et nunc. Notre éminent collègue avait, il faut bien l’avouer, subi un petit lavage de cerveau quand il avait séjourné plusieurs mois en Arabie Saoudite où les ulémas et les fuqaha lui avaient fait une sérieuse explication de texte.. Revenu en France Arkoun avait parlé d’une sorte de «raison islamique» qui n’obéirait qu’à ses propres règles et suivrait ses propres lois, différentes de celles des autres. Cette affirmation fut considérée comme une hérésie, la Raison étant universelle (ce que Arkoun savait pertinemment bien) Il reçut une volée de bois vert de la part des professeurs du Collège de France et d’ailleurs. Cependant, la communauté scientifique lui pardonna ce petit écart bien compréhensible. Il fut même promu officier de la légion d’honneur et nommé à la commission nationale sur la laïcité par Jacques Chirac et présidée par Bernard Stasi.

    Même s’il n’a pas été très suivi par ses coreligionnaires, ce Français d’origine kabyle algérienne a tenté de repenser l’islam, il ressentait douloureusement le fait que cette religion ait stoppé son évolution depuis un certain temps, créant un hiatus, une discrépance (eine Diskrepanz) avec les autres religions et les autres cultures. Il aimait comparer les trois grandes figures du Moyen Age qui fécondèrent l’Europe de nos jours par leurs pensées ouvertes et audacieuses : Ibn Rushd, Maimonide et Thomas d’Aquin. A juste titre, il souhaitait que l’on reconnût le rôle joué par l’islam des lumières dans le développement culturel de notre continent.

    Je me souviens aussi de son indignation lors d’une interview immédiatement après les attentats du 11 septembre. Il était choqué de s’entendre dire qu’une violence extrême était congénitale à l’islam.. Mieux que n’importe quel autre musulman, il avait saisi les ravages qu’une telle horreur avait infligé à sa cause : l’islam n’est pas l’islamisme.

    Lorsqu’il fut admis à faire valoir ses droits à la retraite, Mohammed Arkoun devint encore plus pris et plus demandé qu’auparavant : le Wissenschaftskolleg de Berlin l’invita pendant un semestre, les universités Mac Gill, Princeton et de Californie se firent un honneur de l’inviter chez elles. Je me souviens l’avoir entendu parler à Berlin dans un anglais parfait, devant une salle absolument conquise.

    Cet homme qui nous quitte, hélas, voulait faire émerger un certain humanisme islamique, il rêvait de la création d’une sorte d’université méditerranéenne qui ferait fructifier l’héritage des trois monothéismes, leur culture abrahamique, cette notion fondamentale de l’alliance de Dieu avec l’homme. Quel qu’il soit.

    Si j’osais, je dirais que Mohammed Arkoun fut une sorte d’Ernest Renan de l’islam, appelant à la création d’une sorte de Science de l’islam (islamologie) comme il existe depuis plus de deux siècles une Science du judaïsme. Une approche sensée et intelligence des dogmes religieux et le rôle de la religion comme première éducatrice de l’humanité. C’est la plus belle leçon léguée par Averroès.

    Qu’il repose en paix, non ami Mohammed Arkoun. Son œuvre lui survivra. Rahmat Allahi ‘alayhi.

  • De l’agitation bruxelloise à la sérénité de kippour

    De l’agitation bruxelloise à la sérénité de kippour

    Dans quelques heures, juste au coucher du soleil, les juifs du monde entier vont se retirer des affaires de notre temps pour se réfugier dans l’univers de la prière et de la grâce. Nous en avons bien besoin. Avec les affaires d’un monde qui ne tourne plus vraiment rond, le tintamarre d’une presse, nationale et internationale, qui gonfle démesurément les choses, un peu de sérénité est bienvenue.

    Je pense, par exemple, aux derniers incidents en date à Bruxelles : le chef de l’Etat français est fondé à défendre la politique de son pays ; et si tel n’était pas le cas pourquoi l’aurait-il mise en pratique ? Ce qui s’est passé avec un autre grand dirigeant de l’Union Européenne n’est pas très clair et chacun sait que les discours, les petites phrases, servent souvent des intérêts politiques peu avouables. Nicolas Sarkozy est fondé à faire respecter la loi dans son pays et il est le plus haut responsable de l’Hexagone.

    Toutes ces clameurs montrent que l’art de gouverner les hommes est un pis aller tant la nature humaine est rétive à toute discipline, à tout changement.

    Mais parlons de kippour qui est l’apogée de l’année liturgique juive. On pense que les anciens hébreux l’ont repris en le modifiant à l’ancienne civilisation babylonienne, comme ils le fient pour le chabbat. A l’époque, dans le Proche Orient ancien, les Babyloniens avaient institué une journée solennelle au cours de laquelle les hommes étaient incités à faire leur examen de conscience, à réfléchir sur eux mêmes et sur leur avenir, bref à se livrer à de graves méditations. Les Hébreux ont, pour une fois, transformé cette journée de demi deuil en une journée de joie et d’allégresse.

    Pour kippour, ils ont décidé que cette journée serait celle de la rémission des péchés et des actes de contrition.

    Tout Israël est alors en prières pour implorer la grâce divine et la rémission des péchés de l’humanité dans son ensemble. L’âme d’Israël, en quête de pureté, s’épanche avec sincérité au pied du trône du Créateur et prie non seulement pour son peuple mais aussi pour tous les peuples qui ne forment qu’une seule famille humaine aux yeux de D-.

    Après avoir rappelé les interdits les plus formels de la Tora, notamment les interdits sexuels, la liturgie fait état de la belle péricope prophétique de Jonas, l’émissaire divin qui avait tout prévu, absolument tout, sauf qu’il avait un D- miséricordieux et compatissant, un D- qui, comme le disait Ezeéchiel en son chapitre XVIII, ne recherche guère la mort du pécheur mais son repentir simple et sincère.

    Auparavant, nous vivons une émouvante évocation des bénédictions du grand prêtre dans le Saint des Saints où il prononce dans un murmure (bi-lehisha) inaudible le Nom ineffable de D-. A maintes reprises, les orants se jettent face contre terre en entendant le début de cette bénédiction. En diant : béni soit le nom de la gloire de son règne, in saeculum saeculi

    Quelle émotion de voir tant de gens si différents, unis dans une même et unique oraison, implorant la miséricorde d’un D- unique, pèrede l'humanité.