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Vu de la place Victor-Hugo - Page 462

  • Favoriser le bien vivre ensemble: sources communes, valeurs communes?

     

     

     

     

     

                                Favoriser le bien vivre ensemble :

     

                          Sources communes, valeurs communes ?

     

     

     

    Depuis un certain nombre d’années, les sociétés européennes ont perdu leur homogénéité, en partie ou en totalité. Alors que les religions dérivées du christianisme ou du judéo-christianisme, régnaient en maîtresses absolues sur la spiritualité et la culture de notre continent, il faut désormais compter avec un nouveau venu, l’islam dont une frange grandissante hélas donne de cette religion une interprétation qui s’avère incompatible avec les valeurs républicaines des démocraties européennes.

     

     

     

    Une cohabitation est elle possible ? Elle est souhaitable si l’on veut préserver la paix civile et éloigner le spectre de la guerre des cultures, voire même des religions.

     

     

     

    Notre propos n’est pas de juger de la valeur de telle ou telle culture religieuse. Nous cherchons simplement à montrer que les fondements de la culture islamique sont, à l’origine, les mêmes que celles des deux autres monothéismes, le christianisme et le judaïsme. Certes, chacune de ces grandes cultures religieuses peut, à juste titre, revendiquer pour soi une originalité certaine et une spécificité propre.. Aucune n’est réductible à quelque chose d’autre qu’elle-même. Aucune n’acceptera d’être considérée comme le sous produit de celle qui l’a précédée.

     

     

     

    Quelles sont les relations entre la culture et la religion ? Il est difficile, pour des sensibilités non-européennes, de tracer très distinctement une ligne-frontière entre ces deux notions ; souvent, des catégories religieuses gisent au fondement de la culture proprement dite. Mais dans l’histoire de la culture européenne, ces notions, à l oriigine indivisibles, se sont éloignées les unes des autres au point de ressortir à des catégories opposées. C’est là le point nodal du problème.

     

     

     

    Telle est la nature de la grave dissonance séparant une certaine forme d’islam, l’islamisme, des autres religions de ce continent. Or, une cohabitation pacifique, voire même harmonieuse, est indispensable pour un bon vivre ensemble. Vouloir changer les équilibres est chose malaisée, mais elle peut surtout s’avérer risquée, c’est-à-dire dangereuse pour ses éventuels promoteurs, aucun pays n’acceptant de se voir dépouiller de ses traditions culturelles, culinaires et vestimentaires millénaires.

     

     

     

    Les lois sociales, les prérogatives du législateur sont sacrées et intangibles dans des sociétés laïques, même si ce terme n’existait pas dans la langue et la mentalité arabo-musulmanes, voire même dans cette culture. Ce sont des chrétiens maronites qui l’y ont introduit en formant un nouveau vocable sur le terme arabe qui signifie monde, de ce monde ou mondanité (alam, alamiya ou almaniya).

     

     

     

    Pourtant, le Coran, source de la religion et de la spiritualité musulmanes, fait fond lui aussi sur les mêmes valeurs que la Bible hébraïque et les Evangiles ou le Nouveau Testament.

     

     

     

    Ce qui fait problème, ce ne sont pas les sources religieuses en soi, mais bien l’interprétation qu’on veut bien en donner. Au cours du Moyen Âge, des penseurs musulmans de premier plan, Ibn Badja, Ibn Tufayl et Averroès ont montré qu’il existait une certaine compatibilité entre l’identité musulmane et la culture européenne. Au point même d’être devenus aussi des maîtres spirituels du continent.

     

     

     

     Dans nos sociétés civiles, ce n’est pas Dieu, ce n’est pas la Révélation qui donnent le ton, c’est la loi civile que l’on distingue très soigneusement des prescriptions religieuses, faute de quoi la société aurait à souffrir de l’exclusivisme religieux. La loi des hommes a, certes, un fondement éthique, elle ne s’oppose pas à la loi de Dieu, bien qu’elle en diffère. Les guerres de religion font partie d’un très lointain passé en Europe, et n’est pas souhaitable de les voir réapparaître.

     

     

     

    Prenons le cas du Décalogue, véritable charte éthique de l’humanité civilisée : on y découvre toutes les règles de la vie en société, lesquelles s’imposent à tout être doté de raison.

     

     

     

    Ce qui sépare la loi religieuse de la règle éthique, c’est la notion d’universalité. Sous toutes les latitudes, il est interdit de tuer, de voler, de mentir, de tromper, etc… On peut parler de l’universalité de la loi morale mais pas nécessairement de la loi religieuse. Un exemple parmi tant d’autres : on doit préserver la vie de tout être, on doit tenir compte de la dignité de tout être, mais on n’est pas tenu d’être circoncis ni de s’abstenir de consommer de la viande de porc ni même soumis au jeûne du mois de ramadan.

     

     

     

    Les tenants éclairés des trois grands monothéismes doivent donc livrer le même combat contre les idées fausses. Ils doivent être convaincus du bien-fondé de leur cause. Et comprendre que l’exclusivisme religieux dessert leur idéal.

     

  • Un film récent sur la dénazification...

     

     

    Allez voir le film Le labyrinthe du silence

    Hier soir je suis allé voir ce film, qui est très bien fait et qui parle des ratés, des aléas de la dénazification dans l’Allemagne post-hitlérienne. Un jeune procureur débutant affronte, seul ou presque, aux côtés d’un journaliste un peu singulier, l’indifférence puis l’opposition marquée à toute tentative d’inspecter ce passé si douloureux du pays où il est né. Les échanges sont fins et bien tournés, les acteurs bien choisis. On sent une volonté de traiter le sujet de façon sérieuse mais qui ne soit pas ennuyeuse.

    Lorsque le jeune procureur se met à enquêter sur Auschwitz il est consterné en découvrant  que nombre d’Allemands, surtout de la jeune génération, ne sont au courant de rien, ignorant les horreurs commises en leur nom par des tortionnaires qui se sont reconvertis dans tous les secteurs de la vie sociale.  Le jeune procureur décide de se lancer dans l’enquête qui menace de bouleverser le quotidien d’une petite cité allemande, toute proche d’une métropole, Francfort sur le Main.

    La première difficulté à surmonter, après l’hostilité des collègues, n’est autre que le mutisme des victimes qui rechignent à revenir sur leur calvaire dans un environnement où ils sentent accusés, oui mis en accusation en vertu même de leur statut de victimes ; un peu comme si on leur reprochait de rouvrir des plaies que l’on voudrait voir cicatrisées au plus vite, tant elles replacent toute la société face à ses responsabilités.

    Peut-être y a t il aussi un léger dérapage ou simple glissement lorsque le héros du film, ainsi que son amie et le journaliste qui a porté la question sur la place publique, sont eux aussi indirectement impliqués dans cette sinistre affaire ; le père du jeune procureur et celui de son amie ont été membres du parti nazi, le journaliste a été envoyé par les Nazis à Auschwitz alors qu’il n’avait que seize ans, le père de la petite amie reçoit ses camarades de régiment pour des beuveries où l’on chante de guerre, comme au bon vieux temps… Bref, personne n’est épargné. C’est peut-être vrai, c’est peut-être faux, mais le risque est de voir se profiler l’accusation de responsabilité ou de culpabilité collective (Kollektivschuld), un point de vue développé par un officier de l’armée américaine qui ouvre ses archives sur une dénazification bâclée. Est ce que tout le peuple allemand est responsable ? D’aucuns le pensent, arguant que sans sa complicité, au moins passive, jamais un tel régime n’aurait pu faire de telles choses. Mais l’héroïsme quotidien n’est pas la chose du monde la mieux partagée… N’oublions pas que même les enfants pouvaient dénoncer leurs parents si ces derniers n’étaient pas de fervents partisans du régime nazi. Toutes les classes sociales étaient touchées par une idéologie barbare qui avait étendu ses tentacules sur tout, absolument tout.

     Le jeune procureur qui est horrifié en découvrant l’étendue du mal manque de peu de sombrer dans le découragement et l’alcool ! C’est sa mère qui, bien involontairement, lui porte le coup de grâce quand elle lui apprend que l’homme avec lequel elle veut refaire sa vie, était membre du parti nazi, tout comme son… propre père…

    Cela peut paraître un peu excessif mais le film tend à montrer qu’aucun espace sain n’a pu être préservé au sein de la société allemande de cette époque et que l’esprit nazi s’est introduit un partout. Même les églises chrétiennes ne furent pas à l’abri, quelques très rares exceptions lui ont tout de même permis de sauver l’honneur.

    Que devait on faire de toute cette population ? Pratiquer une sorte de purification, non plus ethnique mais idéologique ? Impossible, c’eût été marcher dans les traces des bourreaux d’hier.

    Quelques exemples : le professeur d’histoire du lycée local a été actif parmi les tortionnaires d’Auschwitz, le boulanger-pâtissier qui produit de si bons petits croissants qu’il offre à tout le monde, est un ancien criminel, les élites locales ne sont pas épargnées, bref tout le monde a quelque chose à se reprocher. Seul, isolé dans sa propre administration, le vieux procureur général tient bon et permet à son assistant, le héros du film, de mener l’enquête et d’instruire l’accusation, conformément aux règles juridiques en vigueur : des témoignages clairs, des preuves irréfutables, des éléments factuels (noms des victimes et de leurs tortionnaires, des dates, des lieux, etc) : on l’oublie souvent, mais c’est aux victimes d’apporter la preuve irréfutable des sévices qu’elles ont subies ! Or, que souhaitent-elles ? Avant tout, qu’on oublie, qu’on ne revisite pas un passé si douloureux qu’elles ne veulent plus revivre, surtout quand son voit de quoi sont capables les avocats qui assurent la défense les bourreaux.

                      Lors de la phase la plus grave du découragement , le héros du film veut absolument mettre la main sur le Dr Josef Mengele qui faisait des expériences si barbares et si inhumaines sur des enfants vivants, et notamment des jumeaux. Le jeune procureur est horrifié par le témoignage d’un Juif, rescapé d’Auschwitz dont les filles jumelles ont été livrées à ce monstre. On apprend que ce médecin dévoyé se rendait en Allemagne  après la fin de la guerre, dans la maison de ses parents sous une fausse identité, sans qu’aucune autorité judicaire, parfaitement au courant, n’ait jamais songé à lui demander de rendre des comptes. A la suite du décès de son père, Mengele a même le front de quitter son repère sud américain pour se rendre à ses obsèques et quitter ensuite l’Allemagne toujours sous une fausse identité, sans être le moins du monde inquiété. Mais qui donc lui a fourni de faux papiers ?

    Il y a là un fait historique incontestable : même si une série de procès a bien eu lieu, une partie de l’institution judicaire allemande n’a pas ménagé ses efforts pour venir en aide à des criminels nazis en quête de havres lointains, hors d’atteinte du bras de la justice. Le film en donne quelques exemples lorsque les collègues du jeune procureur expliquent à ce dernier que tous ces hommes étaient des soldats qui ont accompli leur devoir. Et rien d’autre. Ceci est évidemment inacceptable et pourtant même Adolf Eichmann, et avant lui les principaux accusés de Nuremberg, ont tenté de se prévaloir de cela pour échapper à leurs responsabilités dans le génocide.

    On peut se demander pourquoi ce film paraît maintenant, à cet instant précis, à un moment où l’Europe enfin réunifiée, a rejeté loin d’elle les vieux démons du passé, et où l’Allemagne est bien arrimée au camp de la démocratie.

    Je pense que la création de ce beau film contribue à l’effort mémoriel qui ne doit jamais se relâcher. A mes yeux, la question prend un relief particulier. Par ma forma de philosophe et de germaniste, je n’arrive pas à comprendre comment une nation chrétienne, une nation si civilisée avec une si haute culture, a pu sombrer dans un tel abîme de cruauté et de barbarie. Je ne suis pas d’accord avec la déclaration d’un grand spécialiste comme Peter Gay aux yeux duquel l’antisémitisme est un fait culturel permanent dans l’histoire allemande…… Cela posé, je ne parviens à prouver qu’il a entièrement tort, il a en partie raison, mais cette raison me gêne considérablement.

  • La Résistance française durant l'occupation, un mythe fondateur?

    La France et la Résistance durant l’occupation, un mythe fondateur

    A l’occasion de l’entrée au Panthéon de quatre éminentes figures de la Résistance contre l’occupation nazie, le président de la République, François Hollande, s’apprête, nous dit-on, à prononcer le discours de sa vie, si ce n’est de tout son quinquennat ! C’est dire combien cet épisode d’histoire française récente est marquant et a catalysé tout un sentiment patriotique et national. Ceux qui ne sont pas d’accord, et il y en a un certain nombre, rétorquent que les vaincus n’ont pas d’histoire, laquelle est toujours écrite par les historiographes des vainqueurs…

    Mais qu’en fut il, de vrai, de la Résistance ? Elle ne fut pas le fait d’une majorité de Français, trop soucieux de survivre dans des conditions exceptionnelles. Il fallait survivre, assurer la vie quotidienne, échapper à la vindicte de l’occupant et ne spas attirer l’attention de l’ennemi dont les polices secrètes étaient hautement redoutées.

    Mais quelques semaines avant la libération de Paris, en août 1945, on vit apparaître une kyrielle de nouveaux résistants, les résistants de la dernière heure, empressés de rejoindre le camp des vainqueurs après avoir passé des années à faire des courbettes à l’ennemi. On souligne souvent que ceux qui avaient assisté au discours de Pétain sur la place de l’hôtel de ville furent les mêmes qui acclamèrent, quelques semaines plus tard, l’homme de l’appel du 18 juin…

    Est ce une spécificité française ? Non point. C’est la nature humaine.

    Mais l’historiographie gaulliste (voir l’excellente étude de Pierre Nora dans son dernier Recherches de France) a donné de la Résistance l’image d’un grand mouvement de soulèvement national. La Résistance a joué un rôle majeur dans la renaissance du pays et dans le pansement de ses blessures. Des journaux, aujourd’hui disparus, sont même nés, issus de ce mouvement de redressement national. Mais il faut bien reconnaître que la chose tient plus du mythe que de la réalité historique. Après cette catastrophe nationale d’une si grand ampleur, le pays avait besoin de montrer que les forces vives de la nation étaient demeurées saines dans la tourmente et qu’elles avaient repris le dessus dès la fortune des armes sourit à nouveau au peuple. L’âme de la nation s’était refaite, avait retrouvé sa pureté d’antan.

    C’est à ce titre que le discours de ce soir prononcé par le président de la république revêt une importance capitale car la Résistance est un ingrédient fondamental de la renaissance nationale.