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Vu de la place Victor-Hugo - Page 561

  • La victoire de l'Algérie au Brésil et les dessous d'une allégresse dans les rues de PAris

    La victoire de l’Algérie au Brésil : les dessous d’une allégresse populaire dans les rues de Paris.

    Ceux qui eurent la malchance de se retrouver hier dans le périphérique de Paris ou place Maillot ont été pris dans des embouteillages monstrueux où des Maghrébins ou des Français issus de l’immigration ont défilé bruyamment avec des drapeaux de l’Algérie, leur pays d’origine. En soi, cela n’a rien de dérangeant mais quand on réfléchit à tête reposée sur les réponses des manifestants aux journalistes qui les ont interviewés, on se rend compte que la nature de cette allégresse est tout autre que celle, généralement ressentie par des amateurs de sport ou de bon football…

    Il y a là une contradiction et aussi une source de malaise : d’un côté, les intéressés se plaignent de ne pas être intégrés dans la société française qui a accueilli leurs parents, voire leurs grands parents, d’un autre côté, dès que leur patrie d’origine réalise quelque chose, ils se reconnaissent et s’identifient à elle sans réserve. Que se serait il passé si c’était la France qui avait été en compétition avec son ancienne colonie ? On se souvient d’un certain match de football au grand stade de France où le Premier Ministre de l’époque, Lionel Jospin, avait été un peu secoué par des supporters déchaînés…

    En soi, cela n’a rien de choquant et personnellement cela ne me dérange guère, mais quand j’entends ce qu’en disent ces bons Français moyens, éberlués de voir cette floraison de drapeaux étrangers dans les rues parisiennes, on peut se poser quelques questions.

    Mais le philosophe voudrait plutôt méditer sur certaines déclarations recueillies en arabe à Alger : les gens ont dit que c’était une victoire pour les musulmans du monde entier !! Mais le sport ne connaît pas d’appartenance confessionnelle ni de dénomination religieuse. Lorsque l’équipe de France (qui n’est pas une équipe française) remporte une victoire dans les stades, nul ne se réclame de sa religion ni de son ethnie..

    Cette victoire, chez le supporteur moyen, avait des goûts de revanche : mais contre qui et sur qui, sur quoi ?

    Dans mon esprit, j’ai rapproché cela des pages intelligentes que Amin Maalouf développe dans son livre, Les désorientés. Les uns trouveront que l’auteur est réaliste, d’autres qu’il est pessimiste. Etant lui-même un libanais chrétien, c’est-à-dire un arabo-chrétien, il sait très bien de quoi il parle. Et à présent, je comprends mieux ce qu’il veut dire, lorsqu’il évoque les humiliations, les échecs et le ressentiment accumulés par tous ces peuples au cours de leur histoire. Cela a créé une déchirure qu’il est très difficile de guérir.

    Selon moi, le sport doit rapprocher les hommes et leur permettre de se dépasser tout en respectant des règles de loyauté et d’estime mutuelle. Quand on gagne ou quand on perd dans un sport quelconque, on n’a pas à s’estimer grandi dans un cas ou humilié dans un autre. Cette discrépance entre Orient et Occident ne date pas d’hier. Certes, la colonisation est passée par là. Certes, les humiliations subies, consciemment ou inconsciemment par les grands pères, sont jugées injustifiables ou insupportables par les petits enfants. Tout le problème est là ; mais on peut tout faire avec du ressentiment, sauf un mode de vie ou une politique.

    Il ne suffit pas d’habiter dans un pays, il faut aussi y vivre, s’identifier à son histoire et lier son propre destin au sien. Cela peut être difficile lorsqu’on a un contentieux avec lui ; mais dans le meilleur des cas, il faut dépasser ce différend en bâtissant un avenir.

    Les sportifs ne sont pas des revanchards aigris mais des bâtisseurs qui construisent un monde à la foi nouveau et meilleur.

  • Le retour annoncé de Nicolas Sarkozy et la situation politique en France

    Nicolas Sarkozy, le retour?

    On se demande si c'est la presse qui se cherche un nouveau sujet paolpitant, de nature à vendre un peu plus de journaux et d'informations ou s'il s'agit bien d'un retour. En effet, la coupe du monde du football commence à faiblir malgré les victoires récentes des bleus et il est sage de brancher l'opinion sur d'autres thèmes à l'annonce des vacances estivakes, période d'étiage pour la presse.

    Mais la situation est plus préoccupante: pourquoi sortir de son silence sitôt? Il reste encore trois ans à François Hollande. Trois années au cours desquelles tant de choses peuvent se passer, sauf un redressement spectaculaire de la situation et une remontée de M. Hollande dans les sondages. Cei signifie que de plus en plus de gens se disent que des changements graves pourraient bien se produire avant la fin du quinquennat. En d'autres termes, une crise institutionnelle. Pour être plus clair: une interruption de la présidence Hollande sous sa forme actuelle. Soyons encore plus direct, selon certaines officines politiques: une dissolution de l'Assemblée Nationale puisque la majorité actuelle ne correspond plus à la réalité dans le pays.

    Mais même cela n'est plus aussi simple: des gens envisagent que la droite sortie largement vainqueur aux élections refusera de gouverner avec l'actuel président. Bref, un vrai cauchemar!

    Toujours selon ces mêmes milieux, ceci expliquerait que N. Sarkozy soit pressé de prendre les choses en main. Mais qui peut bien souhaiter une telle crise institutionnelle, la plus grave grave depuis 1968?

    Et d'abord pourquoi la côte de popularité ne peut pas remonter et restera à 18%? Selon des experts indépendants il faudrait 5 années entières à un taux de croissance de plus de 2% pour que le chômage commence à refluer…… Il faudrait un miracle, comparable à la division de la Mer rouge ou au don de la manne dans le désert pour que cela se produise.

    La grande question n'en demeure pas moins celle-ci: les Français accepteraont ils de vivre encore trois dans une telle situation?

    La plus grande prudence s'impose. Il faudrait qu'Alain Juppé soit appelé à la rescousse pour diriger un gouvernement d'union nationale. Mais la classe politique aura t elle le courage nécessaire pour éviter un nuafrage ou une crise institutionnelle?

  • Franz Rosenzweig, Il est grand temps... (suite et fin)

     

    Il sera aux côtés du rabbin, autonome, formé théologiquement et aussi compétent que lui. Mais il sera différent de lui dans la plupart des cas puisque son activité scientifique soutenue au sein de l’académie suscitera  en lui une certaine fécondité intellectuelle. Comme ses obligations d’enseignant, comparées à celles d’un professeur de lycée, lui laissent pas mal de temps libre et ne le mobilisent que les après midis, il sera donc particulièrement disponible pour le travail scientifique. Son activité externe reposera moins sur sa charge d’enseignant attaché à un établissement scolaire que sur son appartenance à une éminente corporation d’érudits englobant l’ensemble du Reich, voire même, si la paix réglait enfin la situation de notre continent, la totalité de l’Europe centrale. En sa qualité de membre de l’académie il pourra prendre en main l’ensemble des conférences au sein de la communauté, soit en les donnant lui-même soit en les organisant ; et ainsi, sera introduit dans les cercles littéraires l’air frais et vivifiant d’une puissante activité scientifique. Il pourra même irradier sur les communautés avoisinantes en y prononçant des conférences ; et au fil des ans, on verra émerger un public  intéressé et vivant, constitué par ses propres élèves qui auront profité de son enseignement. On assistera alors partout au développement de bibliothèques communautaires pourvues de salles de lecture qui nous donnerons l’impression d’être chez nous, comme c’est le cas ici à Berlin,  la capitale du Reich qui a pris beaucoup d’avance sur les autres centres juifs. Et cela est d’autant plus facile, que ce qui fait problème ici ce n’est pas le manque d’infrastructure mais plutôt la volonté et l’envie de participer; car, aujourd’hui, on a surtout besoin d’un regroupement courageux des stocks d’ouvrages, d’une bonne politique d’acquisition des fonds, d’un aménagement intelligent des heures d’ouverture et de consultation, avec des bénévoles pour assurer la surveillance et les prêts à domicile, si l’on veut, m$eme modestement pour commencer, suivre l’exemple berlinois. Ainsi, le maître sera à même de représenter la communauté vis-à-vis de l’extérieur, au plan spirituel, il sera donc en meilleure position que le rabbin pour s’acquitter de cette tâche. Dans la plupart des villes moyennes non dotées d’universités, il pourra faire fonction d’«orientaliste» aux yeux des élites scientifiques locales : voilà une position qu’il pourra occuper, précisément parce qu’il n’est pas totalement accaparé par son activité d’enseignant, aux côtés  des directeurs de la galerie d’art, du musée mocal, de la bibliothèque municipale, peut-être aussi aux côtés de tel professeur de lycée ou de tel autre,, d’un pasteur intéressé par l’activité scientifique,  voire du directeur du théâtre municipal ou du chef des chœurs. Que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur, le maître  pourra insuffler une vitalité nouvelle à l’existence communautaire.

     

     

     

    Nous avons besoin de cette vitalité nouvelle. L’espoir des juifs d’Allemagne qui avaient vu dans la déclaration de guerre l’aube d’une ère nouvelle, s’est évanoui, emportant avec lui tout optimisme. Si l’on considère avec sérieux ce fait d’un point de vue juif, c’est plutôt une bonne chose. Pour l’homme vaillant, les grandes mutations ne tombent pas du ciel ni ne proviennent de l’extérieur. L’époque ne pourra jamais lui offrir ce à quoi il ne s’est pas lui-même préparé. Cette apparente égalité des droits sur laquelle on avait fondé tant d’espoirs aurait été un cadeau de cette nature. Nous aurions alors reçu en tant qu’individus ce qui aurait fait défaut à la communauté ; ce qui signifie en fait que la situation en Allemagne n’aurait pas changé, à cette différence près que ce qui n’avait été accordé qu’à un petit nombre, est aujourd’hui accessible à beaucoup de juifs, voire à la majorité d’entre eux. Mais beaucoup d’individus, voire même l’ensemble de ces individus, cela ne constitue toujours pas la communauté.[1] A certains moments, cette dernière est en de meilleures mains quand il s’agit d’un petit nombre plutôt que d’un grand. Contrairement à ce qu’elle pense, la communauté n’a pas à acquérir ou à ne pas acquérir cette égalité des droits par le combat mais bien par le travail et l’effort.  Si nous commençons par obtenir une égalité des droits  pour la communauté, pour le judaïsme, l’égalité des individus, de tous les juifs suivra d’elle-même. Mais voilà le chemin de l’égalité des droits pour toute la communauté passe par l’organisation. Elle constitue le point par lequel le travail ciblé de l’individu accède enfin à l’esprit de la communauté. Lorsqu’on commença, dès la première moitié du siècle passé, à nous inviter à prendre part à la vie commune du peuple et de l’Etat, les choses furent organisées de la manière suivante : on commença à annuler par des dispositions juridiques les barrières qui empêcherait le juif de participer à la vie publique. Mais le fait que l’individu qu’on cherchait à émanciper était lui-même empêtré dans des liens provenant de sa propre vie ou existence communautaire, passait, dans le meilleur des cas, pour une difficulté mineure.  Il suffisait de lui donner accès aux grandes institutions nationales pour que les chaînes, le reliant à  sa vieille appartenance à une communauté raciale et spirituelle, tombent d’elles-mêmes. Jadis, seules les forces réactionnaires étaient d’un avis différent. Les lois régissant les juifs, conçues par Frédéric Guillaume IV, avaient elles aussi l’intention,  selon sa propre idée, d’offrir aux juifs de participer à la vie publique, mais sur la base d’un droit ouvert à l’individu mais selon une constitution corporative de la «juiverie». Ceci était conforme à la pensée politique de tous ces cercles désireux de réorganiser le peuple en groupes corporatifs ; concernant  les juif s et la voie  librement suivie en vue de s’instruire, et choisie au cours des dernières décennies, les manœuvres pour ralentir tout ce processus étaient trop visibles en dépit  de l’habillage fourni par une pensée politique.. Ces plans là n’ont pas été couronnés de succès jadis. Aujourd’hui encore, aucun juif avisé ne voudrait les voir ressusciter.

     

     L’époque a aussi pris ses distances avec  ces idées visant à émanciper l’individu, bien qu’elles aient donné l’impression d’avoir eu gain de cause, du moins sur le papier. Nous avons appris que la consécration des droits de l’individu n’apportait pas grand’ chose. Aussi lo,ngtemps que l’on voudra faire participer un individu en tant que tel, sous certaines conditions, mais tout en ignorant consciemment son appartenance communautaire, tout ce que  cet individu obtient, même sans renier son appartenance à notre groupe, ne représente pas, matériellement, un avantage pour la communauté mais idéalement un dommage,.  Grâce à sa cohésion impressionnante, la communauté doit être efficace à l’intérieur, et déployer une grande visibilité à l’extérieur, afin que nous ne soyons pas considérés par le monde extérieur, dans le meilleur des cas, comme une tare sans gravité, et ce, aussi bien en cas de fidélité ou de défection. Certes, ce n’est pas la juiverie qu’il convient de transformer en corporations, comme le souhaitaient les forces réactionnaires du milieu du XIXe siècle, mais bien le judaïsme. Ce sont des organisations spirituelles juives qu’il faut créer et non des corporations. L’esprit du judaïsme réclame des foyers et des établissements caritatifs juifs. Le problème de l’éducation juive à tous les niveaux et sous toutes ses formes, telle  est la question vitale du judaïsme de notre temps. Oui, de notre temps, car le verset (Psaume 119 ; 126) dit bien : il est temps d’agir pour D-, ils ont renversé ta loi.

     

    Franz ROSENZWEIG en 1917

     

     

     

    Traduit de l’allemand et annoté par Maurice-Ruben Hayoun (uin 2014)

     



    [1]  Dans tout ce passage, Rosenzweig veut nous expliquer que l’on a émancipé les juifs en tant qu’individus isolés sans jamais en faire de même pour le judaïsme. En somme, sans le dire, on espérait émanciper les juifs de leur judaïsme. Ce qui explique le désert juridico-légal entourant les communautés en tant personne morales..