Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Vu de la place Victor-Hugo - Page 704

  • Le film sur le cardinal Lustiger, diffusé par la télévision française

    Le film sur le cardinal Aaron (Jean-Marie) Lustiger diffusé la semaine dernière par la télévision française…

     

    Vous avez été nombreux l’autre soir à jeter votre dévolu sur le film, largement romancé, qui entendait retracer la vie d’Aaron Lustiger et la naissance de sa vocation. Celle-ci lui permit de se faire prêtre et de devenir le cardinal archevêque de Paris Le film est certes critiquable au regard de l’exactitude historique mais il s’agissait d’attirer et  surtout de retenir l’attention des téléspectateurs qui auraient décroché si l’on avait respecté à la lettre les méandres et les mystères d’une personnalité si complexe, si calculée et si sincère à la fois. Je dis cela sans mauvais esprit et je rappelle qu’à l’annonce de la mort du cardinal, je lui ai moi-même rendu hommage dans les colonnes du Figaro sous le titre : Un guetteur de lumière… Et vous savez bien que les lecteurs du Figaro ne sont pas  des gauchistes radicaux…

     

    Qu’avons nous pu visualiser dans ce film ? Le portrait d’un jeune enfant juif, perdu dans une Europe en crise, menacée par une seconde guerre mondiale, avec un Reich hitlérien autrement plus dangereux que le Reich wilhelmien, et ne sachant, c’est le cas de le dire, à quel saint se vouer. Guidé par certains, il se rend compte que l’église, à l’affût d’âmes en peine, lui tend les bras et à quatorze ans, un an tout juste après la bar-mitzwa, il franchit le pas. Beaucoup de zones d’ombre subsistent : comment, par exemple, peut-on convertir un enfant qui n’a pas encore atteint sa majorité ? Le droit canon le permet-il ? Je sais qu’au cours du Moyen Age, on se livrait à de telles pratiques allant jusqu’à dire (comme ce sera le cas pour les enfants Finaly) qu’une fois baptisés, des enfants ne pouvaient plus jamais revenir à leur religion de naissance. Heureusement, les temps ont changé, et l’Eglise s’abstient de ce que le grand rabbin Jacob Kaplan, membre de l’Institut appelait ; le pillage des âmes… Mais dans le cas de J-M. Lustiger les choses se présentaient autrement.

     

    Cette conversion émanait du tréfonds de son âme car, en temps normal, un être qui se convertirait pour avoir la paix et jouir d’un certaine sécurité (la chasse aux juifs des Nazis), ne poursuivrait pas dans cette voie, il ne prononcerait ses vœux ni n’irait aussi loin dans la haute hiérarchie catholique.

     

    J’en viens à ce qui constitue le cœur du film, et laisse volontairement de côté la tristesse abyssale d’un père voyant son propre fils, le fruit de ses entrailles, s’éloigner de la religion de ses pères. Je ne sous-estime pas la gravité de cette insondable douleur mais considère que le problème est plus large, plus global. Et il tient en une phrase :

     

    Le christianisme es-il vraiment la vérité du judaïsme ? Cet homme  a dit jusqu’à la fin de ses jours, jusqu’aux derniers mois, alors qu’il se savait en sursis, qu’il restait juif après s’être fait chrétien. Il lui semblait ne pas avoir changé d’ecclésia mais d’avoir simplement franchi un pas, d’être allé plus loin. Je dois dire que sans inciter quiconque à imiter cet exemple, l’homme, doté d’une si forte sensibilité religieuse, n’avait pas entièrement tort, de son point de vue. Comme le foyer dont il était issu était absolument vierge en matière de culture religieuse juive, il a découvert sa religion de naissance à travers le prisme chrétien qui ne rejette pas vraiment le judaïsme mais prétend l’avoir dépassé, ou, à tout le moins, s’être éloigné de ses interprétations rabbiniques.

     

    Les rabbins, parlons en : la première fois que j’ai pu m’entretenir avec ce cardinal d’origine juive, j’avais l’impression d’avoir à faire à un rabbin, avec ce regard, cette démarche, cette vivacité intellectuelle,  ce dynamisme, ce bonheur d’exister que je ne retrouve pas toujours (révérence gardée) chez d’autres prélats que je connais bien…

     

    Jean-Marie Lustiger était en fait un juif avec Jésus. Cela paraît inconcevable, cela peut même paraître condamnable mais cela reste envisageable. Et j’espère que nul ne se méprendra sur le fond de ma pensée.

     

    Le débat entre les juifs et les chrétiens sur ce que l’on nomme le Verus Israël (qui est le vrai Israël ?) est en fait, pour nous juifs, un débat entre nous et nous-mêmes. Les chrétiens sont d’autres nous-mêmes. Toute l’église primitive, en tout cas celle de Jérusalem sous la conduire de Jacques (le frère de Jésus), n’a pas constaté qu’en croyant en Jésus, elle s’éloignait de la synagogue ou de sa communauté religieuse d’origine.

     

    Cet exemple de Jean-Marie (Aaron) Lustiger incarne ce débat vieux de deux mille ans. Un penseur, un philosophe aussi profond que Martin Buber (1878-1965) s’est penché sa vie durant sur cette dualité judaïsme / .christianisme (comme le fit avant lui Franz Rosenzweig dans son Etoile de la rédemption)  et a écrit en 1950 un important ouvrage intitulé Deux types de foi (Zwei Glaubensarten, Cerf, 2007). Il charge saint Paul de tous les péchés d’Israël et lui reproche d’avoir, lui, le juif hellénisé, assimilé à la culture païenne, confondu l’émouna juive avec la pistis grecque… Pire, d’avoir fait croire dans ses épîtres, notamment aux Romains, que telle fut bien la foi de Jésus. Buber reproche donc à Paul d’avoir édulcoré le message de Jésus. Le philosophe juif entend même (ce sont ses propres mots) : défendre Jésus contre l’Eglise !! Programme à la fois vaste et risqué.

     

    Toutes ces remarques, toutes ces analyses contradictoires, toutes ces controverses autour d’une telle personnalité trahissent son exceptionnelle richesse. Ce qu’il faut ajouter pour être plus complet ou plus objectif ce sont les  chapitre 9 à 11 de cette fameuse épître aux Romains où l’on sent l’âme de Paul tiraillée, écartelée entre sa propre vision de l’avenir tel qu’il se le figure et la fidélité à son peuple dont il est issu. Souvenez vous de la parole d’Ernest Renan qui disait de Paul qu’il était un juif de race… Mieux dit : un juif. De naissance. Après tout, Paul souligne dans ce chapitre 9 que l’élection d’Israël par Dieu est irrévocable et que les païens qui ont désormais la majorité au sein de l’église feraient mieux de ne pas l’oublier…

     

    Imaginez ce qui a dû se passer dans l’âme d’une jeune garçon de 14 ans ! Une telle précocité pour un acte aussi lourd de conséquences. On a senti dans le film l’âme du cardinal Lustiger vibrer lorsqu’il s’est agi d’éloigner les Carmélites du périmètre d’Auschwitz et la haine multiséculaire de quelques Polonais à l’égard des juifs. En revanche, la complicité, proche de la familiarité du cardinal et du pape Jean-Paul II, (deux Polonais !) ne laisse pas d’être étonnante.

     

    Que croire ? Qui croire ? Le Psalmiste affirme que le Seigneur sonde les reins et les cœurs. A lui de sonder le cœur d’un cardinal resté juif au plus profond de lui-même.

  • La France et la crise actuelle

    La France et la crise actuelle

    Il ne faut pas confondre alarmisme et vigilance. Mais les derniers développements concernant notamment la mise en examen du président Sarkozy sont nettement inquiétants : des irresponsables ont fait parvenir au juge bordelais et à ses assesseurs un courrier très menaçant, renouant avec des pratiques absolument condamnables et que l’on croyait révolues. Ce n’est hélas pas la première fois dans l’histoire récente de ce pays que des juges, des journalistes, des hommes politiques ou des industriels reçoivent de telles menaces. Raison de plus pour sévir sans faiblesse contre de telles pratiques.

    Mais il ne s’agit là que de la partie visible de l’iceberg, il faut aussi considérer la partie immergée. Et celle-ci est des plus inquiétantes. Il est temps que le président de la République, M. François Hollande, fasse entendre sa voix dans le sens du rassemblement et de l’union nationale. Trop de projets de réforme ont heurté de larges secteurs de l’opinion : le mariage gay, la réforme de l’école, la fiscalité, la laïcité et, dernier mais non moindre, cette maladresse qui a consisté à mettre en examen un homme qui continue de compter aux yeux de l’opinion, laquelle s’est sentie bafouée et méprisée. D’où ce déchainement de violence verbale dont il faut empêcher par tous les moyens la traduction en violente physique..

    Un mot sur la relation entre le corps judicaire et la nation. Depuis l’époque de la Bible jusqu’à nos jours, la justice a été la baromètre des sociétés libres et démocratiques. Aucun état de droit n’est ce qu’il veut être sans justice.  J’écoutais hier la télévision Al-Jaziera parler de l’indépendance des juges en Egypte (hourriyat al-Qada), face au pouvoir du président islamiste Morsi.

    Mais il convient d’exercer la justice et de dire le droit avec beaucoup de finesse et d’intelligence. Les magistrats qu’il faut respecter sont des hommes et des femmes comme les autres, ils ont des opinions, des convictions, des phobies, des attirances, bref ils sont comme tout le monde. Et ils ne supportent pas toujours la critique, surtout quand on leur explique qu’ils ne sont pas seuls au monde, que leurs décisions ont nécessairement un impact sur la société dans son ensemble. Et qu’il serait fatal de ne pas en tenir compte. Nous ne sommes pas pour une justice qui détruit les fondements de la société. Cela vaudrait pour la justice de Dieu et encore, puisqu’on nous parle toujours de sa miséricorde qui œuvre à la mitigation des peines… Faute de quoi, nous dit le Talmud, le monde aurait déjà été maintes fois détruit…

    Si un juge de province ou de Paris met en examen un homme politique de premier plan, notamment pour un chef aussi grave, il faut vraiment être très naïf pour croire que cela ne fera pas de vagues. Certes, il faut le dire, certaines réactions ont été excessives et quelques propos tenus ont dû dépasser la pensée de leurs auteurs. Mais le corporatisme existe aussi chez tout le monde. Il faut respecter les juges car ils incarnent l’institution judiciaire mais devons nous être réduits au silence lorsqu’ils rendent leurs verdicts ? Que dire de toutes ces graves erreurs judiciaires commises ces dix dernières années ? Ou alors faut-il parler de l’infaillibilité judiciaire comme on a jadis parlé d’un dogme de l’Eglise catholique ?

    Il faut vite se ressaisir et retrouver un peu de sang froid. Le rôle du président est de rassembler, il doit être à l’écoute de la nation et sortir par le haut, comme on dit. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, ce n’est pas de réformer la société car cela peut attendre. Ce qu’il nous faut aujourd’hui, c’est prendre la mesure du changement d’époque : car il ne s’agit pas de crise, les crises sont passagères, or ce que nous vivons depuis des années ne passe pas. C’est un signe.

    Ce dont nous avons besoin –et qui ne tombera pas du Ciel- ce sont l’amélioration de l’emploi et de notre niveau de vie. Le reste est important mais peut attendre.

  • L'attaque du train de Grigny le 16 mars

    L’attaque du train de Grigny le 16 mars 2013

    Ce samedi soir là, une trentaine de jeunes cagoulés et armés de bombes à gaz lacrymogène ont attaqué un train de banlieue ( c’est le cas de la dire, comme dans les attaques de diligences dans les westerns), rudoyant les passagers et les dépouillant de leurs objets de valeur. La nouvelle ne fut connue que quelques jours plus tard afin de ne pas affoler la population mais aussi pour permettre à la police de faire efficacement son travail. Depuis ce matin très tôt, c’est chose faite : les policiers ont investi une cité et ont  arrêté un certain nombre d’individus connus des services de police ou d’autres, identifiés grâce aux caméras et aux systèmes de surveillance.

    Heureusement que les forces de l’ordre ont fini par réagir, on se souvient qu’une histoire assez semblable était intervenue dans un TGV dans les Bouches du Rhône. Certes, les intrus n’avaient pas réussi à pénétrer dans les compartiments des voyageurs mais le train avait été stoppé.…

    L’intégration de ces jeunes venus d’ailleurs et qui n’ont toujours pas trouvé leur place au sein de la communauté nationale suggère une comparaison avec le traitement du chômage : on a tout essayé, en vain ! C’est un peu la même chose : on ne compte plus les politiques de la ville, rien n’y fit. Comment réagir ? Je l’ignore. Sinon en veillant à ne plus laisser entrer dans le territoire national ceux qui n’ont rien à y faire..

    On parle un peu du dernier livre d’un journaliste devenu très connu par ses interventions musclées sur les ondes et ses interventions bruyantes sur la place publique. Le regard qu’il jette sur la situation du pays est inquiétant, voire alarmiste : si cela continue, prophétise-t-il en substance, la France ressemblera à Marseille où les règlements de compte sanglants ne se comptent plus et où des quartiers entiers sont devenus des zones de non)droit… D’autres ajoutent l’Oise, l’Essonne et la Seine Saint-Denis.

    Il faut réagir, sinon les gens iront vers le FN qui a enregistré un très haut score lors de la dernière élection législative partielle dans ces mêmes départements limitrophes de la capitale.