La déstabilisation du président égyptien, vecteur de l’islamisme
Les hommes politiques sont parfois incorrigibles : même parvenus à la magistrature suprême, ils s’entêtent, pour certains, à se comporter comme des hommes de partis ou d’institutions alors qu’ils ont été élus pour demeurer au service de tous… C’est exactement ce qui vient d’arriver à M. Mohammed Morsi, issu de la confrérie des Frères musulmans.
Depuis hier soir, plus de cinq victimes et des centaines de blessés autour du palais présidentiel au Caire, qui est désormais entouré d’une ceinture de blindés. Quel changement, quelle transformation ! Du fond de son hôpital-prison, le président Hosni Moubarak, autrement mieux préparé à exercer les fonctions suprêmes de l’Etat doit savourer sa revanche. M. Morsi est parvenu à scinder son paix, à le diviser, à en monter une faction contre une autre. Le tout afin d’imposer ses idées islamistes et de donner à l’Egypte un régime que la majorité du peuple refuse et rejette.
Comment ce président a t il pu gâcher si piteusement les innombrables atouts qu’il avait en main ? Comment a t il pu méconnaître à ce point les réalités fondamentales de son pays ? IL a réussi un tour de force que nul n’avait pu réaliser avant lui : unifier l’opposition contre lui alors que ses programmes hétéroclites l’empêchaient de le faire. Eh bien, grâce à M. Morsi, l’opposition parle d’une seule voix et on a vu M. El Baradai et M. Amr Moussa, côte à côte, réclamer le retrait du décret scélérat et anti-démocratique.
Le régime dont les manifestants exigeaient la chute et le départ de son chef n’a plus qu’une double perspective, aussi humiliante l’une que l’autre, devant lui : retirer le décret ou partir. M. Morsi ne partira pas ni ne retirera son décret, ce qui veut dire que les troubles vont se poursuivre, la situation économique, déjà précaire, s’aggraver et donc le mécontentement croître.
Dans son coin, l’armée ne restera pas inactive. C’est bien elle, on l’oublie parfois, qui a demandé à son ancien chef de partir, afin de ne pas heurter le peuple. Or, ce même peuple, profondément divisé, demande à être gouverné au centre, ce que ne peut ni veut faire le président actuel. L’armée attend donc que les choses atteignent une telle gravité que l’on finira par faire appel à elle. Après tout, c’est elle qui dirige le pays depuis le milieu des années cinquante. Et apparemment, la confrérie aura simplement constitué une petite parenthèse dans l’histoire politique récente de l’Egypte.
L’art de gouverner est subtil, ce n’est ni la ni les prophètes car les peuples se nourrissent d’aliments et non pas d’idéologie ni de la seule parole divine. Comme disait Voltaire (que M. Morsi n’a jamais lu), l’homme ne vit pas que de pain, mais il en vit aussi…