L’Allemagne et Israël
L’attitude de l’Allemagne lors du dernier vote à l’ONU concernant l’admission de la Palestine en tant que simple Etat observateur a été un peu ambiguë, mais les fondamentaux de la politique étrangère de Madame Merkel et de la république Fédérale depuis sa naissance n’ont pas été trahis. D’ailleurs, l’Allemagne a tenté de faire bonne figure devant les Etats arabes en désapprouvant la construction de nouveaux logements israéliens dans la partie orientale de Jérusalem et en Cisjordanie. Soyons honnêtes et n’accablons pas de grands alliés d’Israël : l’Allemagne ne pouvait pas faire moins, elle a condamné l’initiative israélienne du bout des lèvres. Quant aux USA, ils se sont contentés d’un laconique : ceci est contre productif
Lors de la visite de Benjamin Netanyahou chez la chancelière, les choses se présentaient bien. Le Premier Ministre israélien a été plutôt satisfait de l’attitude allemande, le danger étant que les autres membres de l’UE suivent l’exemple français et votent massivement dans le même sens. L’Allemagne, par son abstention, a fait pencher la balance dans l’autre direction.
Ce qui est intéressant dans toute cette affaire, c’est évidemment la responsabilité historique de la patrie de Goethe, Schiller et Hegel vis-à-vis du peuple juif. Et cela Madame Merkel, qui est une fille de pasteur, ne l’a pas oublié. Il y a aussi les choses que l’on ne dit pas car elles relèvent de notes secrètes : il s’agit de l’aide allemande à Tsahal et de la coopération entre les services des deux pays.
L’entremise allemande est très appréciée au Proche Orient, y compris à l’égard du Hezbollah qui accepte souvent des médiations allemandes. Plus proche de nous, la médiation allemande a été pour beaucoup dans la libération de Gilad Schalit. J’avoue ne pas savoir à quand remonte cette influence allemande dans ce Proche Orient si peu germanique, mais cette influence existe bel et bien.
Par delà le douloureux passé et les chaines indestructibles de l’Histoire, tant de liens ont existé et existent encore les deux peuples, le peuple juif et le peuple allemand. Un éminent rabbin-philosophe, du nom de Julius Guttmann, l’auteur de l’insurpassable ouvrage Die Philosophie des Judentums (Munich, 1933), qui a fui le régime nazi et a fini ses jours vers le milieu des années cinquante à Jérusalem, a écrit ceci : l’Allemagne est le lieu de naissance (Geburtsstätte) du judaïsme moderne… Ce n’est pas rien, surtout sous la plume d’un tel savant.
Lorsque Madame Merkel s’est rendue à la Knését pour y tenir un discours en allemand (le président lui en avait donné l’autorisation) elle avait dit dans son discours. Wir werden Israel nie allein lassen. : Nous n’abandonnerons jamais Israël
Je trouve qu’elle a tenu parole et c’est tout à son honneur. Es gereicht ihr zur Ehre.
Un jour viendra où l’on remettra en valeur ce magnifique legs intellectuel et spirituel du judaïsme allemand (das geistige Vermächtnis des deutschen Judentums). On reparlera alors de la symbiose culturelle judéo-allemande. Et on redonnera vie à ceux qui ont été tués. C’est ainsi qu’on interprète un beau verset du Cantique des Cantique : dovev sifté yeshénim : remuer les lèvres des gisants, ceux qui ne sont plus là pour parler et prendre leur défense.
Nous le faisons pour eux.
Maurice-Ruben HAYOUN
In Tribune de Genève du 16 décembre 2012