Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Vu de la place Victor-Hugo - Page 833

  • Hellénisme et germanisme : Athènes et Berlin

    Hellénisme et germanisme : Athènes et Berlin

    Les derniers événements survenus à Athènes montrent que l’abîme grec est insondable, que la logique européenne ne fonctionne plus vraiment dans ce pays qui fut pourtant, durant l’Antiquité, le berceau de notre civilisation, même si ce dernier terme se voit affublé de sous entendus inquiétants, voire infondés, depuis quelques jours.

    J’ai été choqué par l’apparition de quelques images et slogans, représentant la chancelière fédérale en uniforme nazi. C’est une insulte à la moralité de cette fille de pasteur qui a toujours été inspirée dans son action politique par de grands principes éthiques. Dans son pays, elle a toujours combattu avec une grande rigueur toutes les résurgences de l’idéologie national-socialiste. Alors pourquoi recourir à de telles assimilations, aussi injustes qu’infondées ?

    Il est difficile d’apporter une réponse unique à cette question mais on peut dire, sans crainte de se tromper, que la Grèce contemporaine n’est pas vraiment celle de Socrate, Platon et Aristote, tous philosophes amis de la vérité et formés à la stricte morale stoïcienne. Ce ne sont plus des principes qui guident les hommes politiques grecs, de droite comme de gauche, depuis longtemps.

    Certes, le gouvernement allemand, suivi et parfois même précédé par une presse très remontée contre Athènes, développe à longueur de colonnes, des thèmes qui pourraient être perçus comme l’expression d’une arrogance ou d’une supériorité germanique. Hier encore, on pouvait lire un slogan porté par des manifestants à Athènes, Merkel, raus ! Ce n’est pas convenable et les Grecs intelligents le savent bien : leur pays n’est plus administré depuis longtemps, ses recettes fiscales sont devenues pratiquement inexistantes, la plupart des armateurs s‘ingénient à ne jamais payer le moindre euro d’impôt chez eux…

    L’homme de la rue vit des moments difficiles auxquels des êtres compatissants ne peuvent rester insensibles mais il doit comprendre que l’Europe n’est que le thermomètre et non point l’agent infectieux responsable de la fièvre. Les Allemands ont raison de refuser de continuer à payer pour tous les autres. Et l’on peut comprendre que le ministre allemand des finances, M. W. Schäuble, ait distribué à Lisbonne blâmes et satisfécits : les premiers à la Grèce et les seconds au Portugal… Et cela n’a fait que nourrir les oppositions et fortifier les noires arrière-pensées injustement prêtées aux Allemands.

    Au risque de ma répéter je le redis : qu’aurions nous fait sans l’Allemagne dans cette bataille pour sauver l’Euro ? Il ne sert à rien de dire aujourd’hui que les pays du club Méditerranée (comme le dit imprudemment Angela Merkel) ont leur place en Europe mais pas dans la zone Euro. C’est d’ailleurs ce qui finira par se produire. Les Allemands, à force de rigueur et d’endurance, ont intégré tout un pays, la RDA, et il faudrait presque autant de milliards pour sauver la Grèce. Et qui va payer ? les Grecs ?

    Ce que je redoute, c’est une scission entre l’Europe du nord, composée de très bons élèves et une Europe du sud, vivotant pour ne pas dire végétant à l’ombre des grands, dont la France risque de ne plus faire vraiment partie. On l’a vu récemment lors de réunions de pays disposant encore du triple A, la France n’étant pas conviée.

    Un point d’optimisme de la part du philosophe, pour ne pas finir sur un note de découragement car quand on a des convictions, on sait se mobiliser pour les défendre : nos vieux maîtres nous ont enseigné en Sorbonne que la philosophie est aux deux tiers grecque et allemande pour le dernier tiers. Même Heidegger serait impensable sans l’héritage hellénique. Un éminent collègue a même écrit que toute la philosophie occidentale n’est qu’une note infra-paginale à l’œuvre de Platon…

    Il est vrai que dans contexte on avait affaire à de grands maîtres guidés par l’amour du vrai et la recherche de la sagesse.

    Feuilletez donc un dialogue platonicien de votre choix, n’importe lequel, on est loin des arrangements politiques à courte vue.

    Mais si elle le veut, la Grèce contemporaine peut s’inspirer d’un si haut exemple et cesser de s’en prendre aux Allemands qui tentent de sauver ce qui nous reste d’Europe…

  • Eva Joly ne devrait-elle pas renoncer ?

    Eva Joly ne devrait-elle pas renoncer ?

    La rumeur enfle, en dépit de l’aplomb apparent que semble afficher la candidate écologiste. Ses dernières prestations télévisées ou radiophoniques ont été assez décevantes, pour user d’un euphémisme. Les gens ne comprennent pas très bien comment un mouvement qui avait le vent en poupe s’est choisi une telle candidate.

    Que l’on nous comprenne bien : ce n’est rien de personnel, et les électeurs réticents ou déçus ne font qu’extérioriser le malaise, le désappointement que leur inspire une candidate si peu adaptée aux exigences de la communication moderne…

    En fait, il y a dans le choix de cette candidate un certain cynisme : maints dirigeants de ce même mouvement écologique, déçus de ne pas avoir été choisis, ont préféré opter pour une sorte de suppléante qui n’a aucune chance., non point de l’emporter mais simplement de faire un score comparable à ce que l’on peut légitimement attendre d’un candidat écologiste…

    Le résultat est qu’un mouvement prétendument porteur, observé par un grand nombre d’indécis, va souffrir de cette désaffection qui s’annonce massive. Sauf erreur, la candidate ne dépasserait pas 2% des intentions de vote. Alors que faire ? faut-il vraiment poursuivre ? Comment feront les écologistes pour rembourser les frais de campagne ?

    Il reste encore quelques semaines avant la date limite du dépôt des candidatures. Il faut dépasser les petits calculs personnels et les égoïsmes : certains se voient déjà députés à l’Assemblée Nationale et ne souhaitent pas indisposer le PS qui leur a généreusement accordé des circonscriptions gagnables.

    Alors, un pour cent de plus ou de moins, cela n’a guère d’importance.

  • L’Egypte révolutionnaire, l’an un…

    L’Egypte révolutionnaire, l’an un…

    En ce jour, l’Egypte de l’après Moubarak fête son premier anniversaire, un anniversaire de désillusion, de mécontentement et de frustration. Pire encore, un anniversaire, au cours duquel la béance entre le peuple et son armée, jadis considérée comme la haie protectrice de la nouvelle ère, se creuse dangereusement. L’armée qui a toujours piloté le pays depuis la chute du roi Farouk, parle même de complot contre l’Etat et assure qu’elle ne cédera ni devant les pressions ni devant les menaces. Cette mise en garde est grave et prépare à des lendemains douloureux. L’alliance entre le peuple et l’armée a vécu.

    Les généraux, rompus à l’art de conserver le pouvoir, soit de manière brutale soit de façon insidieuse, ont déjà passé un accord secret avec l’aile modérée des frères musulmans, lesquels se séparent des slogans anti-armée et ont fait preuve d’une grande intelligence politique : ils ont pu, grâce à cette adroite politique, envahir le parlement de la manière la plus légale possible et se préparent probablement à investir l’un des leurs, le plus modéré possible, pour la présidence. Les termes de l’accord secret sont aisément reconnaissables : pas de remise en cause des accords internationaux de l’Egypte (accords de paix avec Israël, alliance avec les USA, lutte contre le terrorisme, etc), pas de contestation ni de près ni de loin, du rôle de l’armée, ni de sa prépondérance dans le secteurs économique, pas de contestation de son budget, etc , moyennant quoi, les prétoriens laisseront les islamistes diriger l’Etat. Sous leur contrôle vigilant.

    Mais cela signifie qu’un parti, aidé par l’armée, aura frustré le peuple de sa victoire. Certes, vous savez bien que je ne pense pas de mal du président Hosni Moubarak qui a accordé à son pays plus de trois décennies de stabilité et de paix. Mais c’est sa politique économique ultra libérale et favorisant quelques oligarques, qui a provoqué sa chute : si tous ces désœuvrés avaient du travail et de quoi nourrir convenablement leurs familles, croyez vous qu’ils iraient manifester sur la place Tahrir de jour comme de nuit ?

    Le problème avec les militaires est qu’ils n’ont pas su calmer la rue en redistribuant des aides sociales, en montrant que l’Egypte allait changer et que la masse du peuple devrait favoriser le calme et la stabilité, seules garantes du retour des investisseurs… Or il n ‘ y a rien de tout cela et même le tourisme est inexistant alors qu’il faisait vivre des centaines de milliers d’Egyptiens.

    Certes, le vieux Raïs a laissé se développer dans son pays, et surtout dans son environnement immédiat, le népotisme et la corruption, dans un océan de misère. Ce qui provoqua sa chute. Mais je trouve que l’Histoire, un jour, lui rendra justice. Dans l’intervalle, l’Egypte n’est pas au mieux de sa forme et il n’est guère exclu que l’armée, seule ou avec les frères musulmans, conserve le pouvoir tout en se raidissant.

    Une hirondelle ne fait pas le printemps…