Louis Ferdinand Celine doit-il être banni de la commémoration nationale ?
Une polémique secoue la France des arts et des lettres, surtout depuis que Serge Klarsfeld a demandé et obtenu de Frédéric Mitterrand, ministre de la culture, que Céline ne puisse pas figurer dans le quarteron d’auteurs français, passés à la postérité pour leur incarnation des valeurs morales.
Il est stupéfiant de constater que les auteurs d’une telle formulation n’aient pas réalisé préalablement que l’on ne pouvait pas ranger dans cette catégorie l’auteur du Voyage au bout de la nuit… Comment avoir voulu passer sous silence l’antisémitisme virulent de cet auteur qui, non content de détester les juifs, insistait aussi pour que l’on n’épargnât pas leurs enfants ? C’est inouï de la part d’un médecin qui se piquait de littérature !
Même si je trouve qu’il était de bon ton d’éloigner cet auteur, je suis réticent quant à une démarche qui pourrait s’assimiler à une forme quelconque de censure. Les responsables du ministère de la culture n’auraient même pas dû se poser la question : comment parler de morale chez un individu qui a trahi son pays, collaboré avec l’occupant nazi et rejoint le dernier carré des pétainistes dans le gouvernement fantoche de Sigmaringen ? Et qui fut même condamné à la Libération…
Regardée de plus près, cette controverse pose le problème des rapports entre le talent littéraire et les valeurs morales, l’éthique en général. Un problème presque similaire (toutes proportions gardées) s’était posé jadis avec Martin Heidegger, après la publication du livre de Victor Farias : on s’était demandé si Heidegger avait vraiment été un grand philosophe après avoir adhéré au parti nazi, être devenu recteur et avoir, es qualités, interdit l’accès à la bibliothèque de l’université à son maître juif Edmund Husserl ? Sans même parler du port du brassard nazi…
Certes, la profondeur philosophique de Sein und Zeit et de Holzwege, sans oublier les Séminaires, dépasse, et de loin, les fadaises littéraires de Céline… Mais le problème se pose dans les mêmes termes : devons nous étudier un philosophe dont les actes et l’engagement politique (même temporaire) contredisent à l’éthique ?
Je suis tout à fait d’accord avec M. Luc Ferry qui disait ce soir sur LCI que Céline n’est pas un si grand génie littéraire.