C'est effectivement une trilogie qui est à l'œuvre dans l'épreuve que traverse l'Egypte. Ou plus exactement la haute hiérarchie militaire égyptienne dont le chef d'Etat-Major est précipitamment rentré de Washington où l'avaient conduit des mises au point entre alliés. Car, depuis fort longtemps, les USA sont implantés en Egypte dont ils soutiennent le régime et équipent l'armée.
Durant la nuit, le président Moubarak a pris la parole et il y a fort à parier que les USA ont co-écrit son discours. Cela n'a rien d'étonnant car les USA ne peuvent se permettre de perdre l'Egypte, pivot de leur politique au Proche Orient, aux côtés, évidemment, de l'Arabie Saoudite.
Une petite remarque avant de poursuivre : l'actuel locataire de la Maison Blanche a enfin compris, à la suite de tant de crises, combien il était difficile de traiter avec de tels gouvernements, imprévisibles, anti-démocratiques et généralement corompus, ne faisant pas le départ entre le bien public et leurs intérêts personnels. En d'autres termes, des clans fermés qui gouvernent sans se soucier de la vie des peuples. M. Obama a enfin compris la situation, ce qui explique probablement qu'il ait définitivement renoncé à exercer la moindre pression sur son fidèle allié israélien, état démocratique, bien formé et disposant d'une puissante armée. Donc à l'abri de mauvaises surprises.
Partant, l'aventure égyptienne se joue à trois : la principale intéressée, l'Egypte, mais aussi son puissant protecteur les USA et enfin, le partenaire incontournable, Israël. Le pays des Pharaons est le plus puissant et le plus prestigieux des pays arabes. Sous la fardeau de la dette et de maigres moyens, ce pays a enfin compris, après de tentatives infructueuses, qu'il fallait mettre un terme à l'état de belligérance avec l'Etat juif. Il a donc signé une paix un peu froide, mais une paix tout de même, avec son voisin. Enfin, en guise de récompense, il a reçu de l'armement et de nombreux avantages. En Egypte, depuis la révolution des officiers libres, c'est l'armée qui dirige. Et les USA ont obtenu d'elle qu'elle ne lâche pas le président Moubarak, issu de ses rangs, trop brutalement. Mais il est évident que c'est elle qui veillera à ce que le pays ne tombe pas en de mauvaises mains. Car toute la crédibilité des USA dans la région serait en cause : que penseraient les gouvernements de la Jordanie, de l'Arabie et de l'Irak, si les USA ne surveillaient pas la situation et ne parvenaient pas à imposer leurs vues en Egypte alors qu'ils disposent de tant d'atouts dans ce pays ?
C'est le message que l'ambassadrice des USA au Caire a transmis à Mohammed Al-Barradei qui s'apprêtait à tirer les marrons du feu et se voyait déjà à la place du président Husni Moubarak. Du traitement de ce dernier par les USA dépendra l'avenir de leurs relations avec le monde arabe. Si les USA se révèlent être un allié peu stable, qui pourrait continuer à leur faire confiance ? Le spectre de Jimmy Carter tournant le dos au Chah d'Iran, une semaine après l'avoir rencontré à Téhéran, hante les esprits. Il y a des limites à la Realpolitik.
Car l'Iran veille et souhaite ardemment que les autres pays islamiques fassent défection et le rejoignent. M. Obama n'a probablement pas lu le Général de Gaulle qui écrivait justement, vers l'Orient compliqué, je voguais avec des idées simples. Désabusé, il constate avec amertume que le discours prononcé au Caire n'a eu aucune retombée positive. Dommage.