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  • La disparition d’un grand musulman libéral Le professeur Mohammed ARKOUN ( 1928-2010)

    La disparition d’un grand musulman libéral

    Le professeur Mohammed ARKOUN ( 1928-2010)

     

    A la fin du jeûne de Kippour, en feuilletant le journal Le Monde déposé dans la boîte, je découvre dans la la liste nécrologique que mon ami et éminent collègue le professeur Mohammed ARKOUN est mort depuis le 14 septembre. Ma peine est immense, la dernière fois que nous nous étions rencontrés, ce fut lors d’un colloque à Berlin et plus récemment à Mazille en France, près du Carmel de la paix.

    Comme l’a dit la ministre algérienne de la culture, Mohammed Arkoun fut un authentique messager du dialogue interreligieux, pratiqué à la façon d’un grand historien, doublé d’un bon philosophe. Arkoun était un savant qui, tout en ayant fait une carrière classique d’universitaire, s’intéressait au devenir de la culture et de la civilisation du monde ambiant.

    Il faut aussi l’âme vivante d’une prestigieuse revue savante, Arabica. Avant que je ne le connaisse et qu’il devienne mon ami (quand il m’appelait au téléphone, il s’annonçait ainsi : C’est Arkoun qui veut parler à son ami, le Grande rabbin (sic) Hayoun, faisant ainsi allusion à la proximité de nos deux patronymes), mon maître Georges Vajda me disait le plus grand bien de lui.

    Et en effet, c’était un musulman libéral, courageux et authentique, un homme profondément animé par l’amour et le respect de son prochain.

    Si vous me le permettez, je raconterai ici deux petites anecdotes historiques : alors que j’étais jeune étudiant et que le président Sadate avait atterri à Jérusalem pour parler devant la Kenését, Mohammed Arkoun fut le premier penseur musulman à être invité par le colloque des intellectuels juifs francophones. Madame Annie Kriegel présidait la séance. Je me souviens que la conférence eut lieu au Musée des Arts et Traditions populaires et Arkoun avait , notamment, dénoncé ce qu’il nommait l’inflation du discours, visant directement des politiciens arabes qui confondaient allégrement parole et action.. Il déplorait que tout dans la sociologie musulmane contemporaine fût ramenée à l’insondable volonté divine, invalidant ainsi tout effort intellectuel de reconstruction et d’analyse. On omettait simplement de rappeler que la religion, comme le mariage, est une institution sociale. Et que la foi en Dieu tout comme l’amour entre les êtres pouvait exister en dehors de ces structures…

    La seconde anecdote me fut racontée par Arkoun alors que nous prenions notre petit déjeuner à Berlin, à l’occasion d’un colloque. Nous parlions de choses et d’autres et il me relata son voyage en Israël à l’invitation du département de philosophie de l’université de Tel Aviv, émanant d’un grand spécialiste israélien de Spinoza. Mohammed Arkoun était pour la paix et souhaitait une coexistence harmonieuse entre tous les états de la région. Il me confia tout de même son agacement de voir les douaniers et policiers de l’aéroport de Lod le fouiller intégralement et lui poser tant de questions sur le but de sa visite. En effet, Arkoun était né dans un petit village de Kabylie mais avait la nationalité française. Mais pour les autorités aéroportuaires, ce prénom Mohammed intriguait…

    Ayant soutenu sa thèse de doctorat d’Etat sur un penseur persan du Xe siècle, Arkoun s’orienta progressivement vers des études de sociologie religieuse en examinant leurs retombées sur nos sociétés contemporaines, hic et nunc. Notre éminent collègue avait, il faut bien l’avouer, subi un petit lavage de cerveau quand il avait séjourné plusieurs mois en Arabie Saoudite où les ulémas et les fuqaha lui avaient fait une sérieuse explication de texte.. Revenu en France Arkoun avait parlé d’une sorte de «raison islamique» qui n’obéirait qu’à ses propres règles et suivrait ses propres lois, différentes de celles des autres. Cette affirmation fut considérée comme une hérésie, la Raison étant universelle (ce que Arkoun savait pertinemment bien) Il reçut une volée de bois vert de la part des professeurs du Collège de France et d’ailleurs. Cependant, la communauté scientifique lui pardonna ce petit écart bien compréhensible. Il fut même promu officier de la légion d’honneur et nommé à la commission nationale sur la laïcité par Jacques Chirac et présidée par Bernard Stasi.

    Même s’il n’a pas été très suivi par ses coreligionnaires, ce Français d’origine kabyle algérienne a tenté de repenser l’islam, il ressentait douloureusement le fait que cette religion ait stoppé son évolution depuis un certain temps, créant un hiatus, une discrépance (eine Diskrepanz) avec les autres religions et les autres cultures. Il aimait comparer les trois grandes figures du Moyen Age qui fécondèrent l’Europe de nos jours par leurs pensées ouvertes et audacieuses : Ibn Rushd, Maimonide et Thomas d’Aquin. A juste titre, il souhaitait que l’on reconnût le rôle joué par l’islam des lumières dans le développement culturel de notre continent.

    Je me souviens aussi de son indignation lors d’une interview immédiatement après les attentats du 11 septembre. Il était choqué de s’entendre dire qu’une violence extrême était congénitale à l’islam.. Mieux que n’importe quel autre musulman, il avait saisi les ravages qu’une telle horreur avait infligé à sa cause : l’islam n’est pas l’islamisme.

    Lorsqu’il fut admis à faire valoir ses droits à la retraite, Mohammed Arkoun devint encore plus pris et plus demandé qu’auparavant : le Wissenschaftskolleg de Berlin l’invita pendant un semestre, les universités Mac Gill, Princeton et de Californie se firent un honneur de l’inviter chez elles. Je me souviens l’avoir entendu parler à Berlin dans un anglais parfait, devant une salle absolument conquise.

    Cet homme qui nous quitte, hélas, voulait faire émerger un certain humanisme islamique, il rêvait de la création d’une sorte d’université méditerranéenne qui ferait fructifier l’héritage des trois monothéismes, leur culture abrahamique, cette notion fondamentale de l’alliance de Dieu avec l’homme. Quel qu’il soit.

    Si j’osais, je dirais que Mohammed Arkoun fut une sorte d’Ernest Renan de l’islam, appelant à la création d’une sorte de Science de l’islam (islamologie) comme il existe depuis plus de deux siècles une Science du judaïsme. Une approche sensée et intelligence des dogmes religieux et le rôle de la religion comme première éducatrice de l’humanité. C’est la plus belle leçon léguée par Averroès.

    Qu’il repose en paix, non ami Mohammed Arkoun. Son œuvre lui survivra. Rahmat Allahi ‘alayhi.

  • De l’agitation bruxelloise à la sérénité de kippour

    De l’agitation bruxelloise à la sérénité de kippour

    Dans quelques heures, juste au coucher du soleil, les juifs du monde entier vont se retirer des affaires de notre temps pour se réfugier dans l’univers de la prière et de la grâce. Nous en avons bien besoin. Avec les affaires d’un monde qui ne tourne plus vraiment rond, le tintamarre d’une presse, nationale et internationale, qui gonfle démesurément les choses, un peu de sérénité est bienvenue.

    Je pense, par exemple, aux derniers incidents en date à Bruxelles : le chef de l’Etat français est fondé à défendre la politique de son pays ; et si tel n’était pas le cas pourquoi l’aurait-il mise en pratique ? Ce qui s’est passé avec un autre grand dirigeant de l’Union Européenne n’est pas très clair et chacun sait que les discours, les petites phrases, servent souvent des intérêts politiques peu avouables. Nicolas Sarkozy est fondé à faire respecter la loi dans son pays et il est le plus haut responsable de l’Hexagone.

    Toutes ces clameurs montrent que l’art de gouverner les hommes est un pis aller tant la nature humaine est rétive à toute discipline, à tout changement.

    Mais parlons de kippour qui est l’apogée de l’année liturgique juive. On pense que les anciens hébreux l’ont repris en le modifiant à l’ancienne civilisation babylonienne, comme ils le fient pour le chabbat. A l’époque, dans le Proche Orient ancien, les Babyloniens avaient institué une journée solennelle au cours de laquelle les hommes étaient incités à faire leur examen de conscience, à réfléchir sur eux mêmes et sur leur avenir, bref à se livrer à de graves méditations. Les Hébreux ont, pour une fois, transformé cette journée de demi deuil en une journée de joie et d’allégresse.

    Pour kippour, ils ont décidé que cette journée serait celle de la rémission des péchés et des actes de contrition.

    Tout Israël est alors en prières pour implorer la grâce divine et la rémission des péchés de l’humanité dans son ensemble. L’âme d’Israël, en quête de pureté, s’épanche avec sincérité au pied du trône du Créateur et prie non seulement pour son peuple mais aussi pour tous les peuples qui ne forment qu’une seule famille humaine aux yeux de D-.

    Après avoir rappelé les interdits les plus formels de la Tora, notamment les interdits sexuels, la liturgie fait état de la belle péricope prophétique de Jonas, l’émissaire divin qui avait tout prévu, absolument tout, sauf qu’il avait un D- miséricordieux et compatissant, un D- qui, comme le disait Ezeéchiel en son chapitre XVIII, ne recherche guère la mort du pécheur mais son repentir simple et sincère.

    Auparavant, nous vivons une émouvante évocation des bénédictions du grand prêtre dans le Saint des Saints où il prononce dans un murmure (bi-lehisha) inaudible le Nom ineffable de D-. A maintes reprises, les orants se jettent face contre terre en entendant le début de cette bénédiction. En diant : béni soit le nom de la gloire de son règne, in saeculum saeculi

    Quelle émotion de voir tant de gens si différents, unis dans une même et unique oraison, implorant la miséricorde d’un D- unique, pèrede l'humanité.
  • Viviane Reding et les Roms : la France sur le banc des accusés ?

     

     

    Viviane Reding et les Roms : la France sur le banc des accusés ?

    Quelle mouche a piqué la commissaire européenne à la justice pour parler de la France comme elle l’a fait tout récemment ? Pour quelle raison a-t-elle abandonné le langage diplomatique et les voies habituelles pour communiquer sur l’attitude du gouvernement français à l’égard des Roms ? Plus inacceptable encore cette comparaison, inaboutie et maladroite, entre la situation actuelle et ce que furent les choses au temps de la seconde guerre mondiale ? Je ne comprends vraiment pas pourquoi cette affaire a pris de telles proportions…

    Les autorités françaises ont, certes, pris des mesures pour lutter contre un certain nombre de débordements et d’inconduites de la part des Roms. Il y eut aussi cette circulaire maladroite qui a été rectifiée depuis, mais on ne parle jamais des nuisances que certains Roms occasionnent à la population française quotidiennement…

    Loin de nous l’idée de stigmatiser qui que ce soit mais que Madame Reding vienne donc voir sur la place Victor Hugo à Paris ou au Trocadéro ou sur le site de la tour Eiffel les enfants, les handicapés que certains Roms, dépourvus de scrupules, forcent à mendier du matin au soir, parfois selon un mode fort agressif. Les nationaux s’en sont plaints, les touristes aussi, qui sont importunés par cette avalanche d’enfants qui s’agrippent à eux

    Il y a moins d’un an, je sortais du restaurant en compagnie d’un amiral, ancien Pacha du porte avion le Clemenceau et une femme Rom s’est collée à nous, exigeant de l’argent. Je lui en aurai volontiers donné mais je n’avais plus que de gros billets et ma carte bleue. Je le lui ai dit et elle m’a répondu que je pouvais lui payer un sandwich ou un gâteau dans une pâtisserie… Vous devenez l’effet produit.

    Dois je aussi parler des Roms qui prennent des bébés, des nourrissons sur leurs genoux pour quêter plus efficacement ? Et ces mêmes qui ont parfois proposé de vendre des enfants dans des supermarchés de la région parisienne…Les Roms sont des hommes comme les autres mais ils doivent aussi respecter la loi s’ils veulent que les pays qui les accueillent les respectent.

    Je pense que le déplacement du ministre Pierre Lellouche à Bucarest a remis les choses en place. Madame Reding devrait, en fait, non plus exprimer des regrets, mais s’excuser. L’affaire ne restera pas sans conséquences. C’est la première fois qu’un commissaire européen commet un rel dérapage.