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Vu de la place Victor-Hugo - Page 401

  • Le cancer, les banques et le droit à l’oubli

     

     

    Le cancer, les banques et le droit à l’oubli

    Un tel sujet illustre bien (ou plutôt assez tragiquement) la complexité croissante de nos société et la nécessité pour la loi de protéger ceux qui se trouvent soudain, par les aléas de l’existence, réduits à avoir moins de droit que leurs concitoyens.

    Je parle de cela car aujourd’hui se tient la journée du cancer et la ministre de la santé a bien rappelé que chaque malade, une fois qu’il a guéri de son mal (et existe t il pire mal que le cancer ?) ne doit subir aucune discrimination quand il s’adresse à une banque pour obtenir un crédit.

    En effet, quand vous vous adressez à un organisme de crédit, on vous demande aussitôt, entre bien d’autres choses, si vous êtes en bonne santé, si vous êtes propriétaire, si vous êtes marié, si vous avez des enfants à charge, etc… Toutes ces interrogations sont légitimes tant qu’elles n’entraînent pas de discrimination. En réalité, si vous êtes un emprunteur à risque, on vous fait payer le crédit plus tard à cause d’assurances spécifiques, et ainsi vous êtes considéré comme un cas spécifique.

    L’intérêt de bénéficier du droit à l’oubli consiste justement à vous réintégrer dans la case générale puisqu’au terme d’un an, voire de dix ans, sans rechute, vous êtes considéré comme guéri. Un nombre non négligeable de Français sont concernés par cela. La ministre de la santé a énuméré quelques types de cancer (du sein, de l’utérus, des testicules, etc…) qui sont concernés. Sans rechute, au bout d’un certain temps, vous réintégrez le groupe majoritaire, sans risque aucun.

    Mais voilà, tous les organismes de crédit ne l’entendent pas de cette oreille et considèrent qu’ils doivent mettre toutes les chances de leur côté. En clair, cela signifie que d’anciens cancéreux ne peuvent pas réaliser des projets nécessitant un crédit comme l’achat d’un appartement, d’un parking, d’une voiture, etc…

    Désormais, cette ségrégation disparaît en droit, du moins, et le cas échéant les tribunaux sont là pour faire respecter la législation en vigueur. La ministre a eu l’intelligence d’associer les compagnies d’assurance à l’élaboration de cette loi, ce qui signifie que les choses devraient bien se passer. Mais qui sait ? L’argent domine tant nos sociétés que même une règle humaine aussi élémentaire risque de ne pas être respectée…

    La complexité croissante de nos sociétés montre que des situations nouvelles appellent des lois nouvelles.

  • Incertitudes sur l’avenir politique de Madame Hillary Clinton

    Incertitudes sur l’avenir politique de Madame Hillary Clinton

    Les résultats très serrés du caucus de l’Iowa conduisent à douter du charisme supposé de Madame Clinton qui se croyait déjà à la Maison Blanche. Certes, elle n’est pas femme à céder si facilement mais les résultats de ce matin vont refroidir ses ardeurs, quoiqu’elle en dise.

    Comment s’explique cette déconvenue qui est en réalité une véritable défaite électorale ? Il me semble, qu’en plus de la personnalité de son challenger qui vise les classes moyennes, la lutte contre Wall street, une meilleure répartition des richesses et une réforme fiscale, il y a la personnalité de la candidate qui se croit toujours la première dame des USA et promène à la ronde une arrogance aristocratique que rien ne vient justifier… Madame Clinton a besoin d’un zeste d’humilité et de modestie, même quand elle fait semblant de remercier ses militants qui se dépensent sans compter, on sent bien qu’elle se croit nettement au-dessus de ce petit peuple auquel elle accorde l’insigne honneur de la servir. Et qu’elle aura vite oublié…

    Une autre chose joue contre elle, le parfum de la revanche qui se dégage de sa campagne : nul n’a oublié le tonitruant : Shame on you, Barack Obama (Honte à vous, Barack Obama). Personne n’a cru à leur réconciliation, même lorsque cette dame devint secrétaire d’Etat. Hélas, il y eut tous ces courriels classifiés Top secret qui se sont retrouvés sur son mel personnel. Ce fut une imprudence incommensurable. Sans même parler de ce qui s’est réellement passé à Benghazi avec le personnel diplomatique US, massacré sur place ! Et là je pense, cependant que l’on exagère sa responsabilité.

    Je pense que ce qui va jouer contre elle n’est autre qu’elle-même= cette excessive assurance, cette arrogance et cette sensation de supériorité la desservent. Peut-être aussi un aspect physique : ce n’est plus la gracieuse petite femme du temps jadis, mais une personne âgée, même un peu boudinée (pardon) qui ne se meut plus avec ll’aisance nécessaire et qui remonte à quelques années. Elle devrait faire un régime pour perdre quelques kg.

    Mais l’essentiel, c’est cette distance qu’elle établit entre elle et les autres, même quand elle se blottit contre son époux, considérablement amaigri avec ses cheveux blancs. Le retour risque d’être difficile. Il est très difficile de changer en profondeur. Les remèdes cosmétiques ne trompent personne. Si on se veut proche du peuple des électeurs, on ne fait pas la moue, on évite ce port altier qui n’est pas de mise ici…

    Mais qui sait ? Souhaitons lui tout de même un redressement de sa côte de popularité. Et peut-être l’arrivée dans un fauteuil dans ce bureau ovale qu’elle connaît si bien…

  • L’OBJECTION de José Manuel Lamarque, Manifeste pour en finir avec la pensée unique (Jacques-Marie Laffont)

     

     

     

     

    L’OBJECTION de José Manuel Lamarque, Manifeste pour en finir avec la pensée unique (Jacques-Marie Laffont)

    C’est au hasard d’une heureuse rencontre, dans le cadre splendide d’une grande ambassade européenne, que je dois la connaissance de cet auteur, grand reporter à France-Inter. Je ne regrette absolument pas cette rencontre, surtout après la lecture attentive de cet ouvrage passionnant.

    Je peux dire d’emblée la chose suivante : alors que la plupart des maux contemporains nous viennent de la mauvaise tenue des journalistes, de leur inculture et deleur superficialité, José Manuel Lamarque redore le blason d’une profession généralement très mal vue et devenue, au fil des ans, la cible de tous les puristes de la terre. Mais l’auteur ne fait pas que critiquer, il passe en revue cent vingt notions qu’il redéfinit ou repense à sa manière, dans le bon sens, selon moi. Et si je devais donner un autre sous titre à cet ouvrage, ce serait le suivant : Plaidoyer passionné en faveur d’une dignité humaine retrouvée.

    José Manuel Lamarque s’en prend à l’une des vaches sacrées de notre époque, intouchable, protégée et inaccessible au commun des mortels, la notion de progrès ou plutôt ce qui tente de se présenter comme tel… D’ailleurs, en égrenant toutes ces notions, il commence par les abeilles et finit avec la vie. Pourquoi les abeilles ? Eh bien, parce que notre gestion de l’expansion économique menace la survie de cette espèce, qui, si elle venait à disparaître, entraînerait, en peu d’années, dans sa chute tout le genre humain.

    C’est une course désordonnée, voire anarchique, vers le progrès, qui a entièrement changé la face de l’avenir : on lit d’ailleurs avec quelque inquiétude la mirobolante expansion des communications (un terme que l’auteur n’aime pas, surtout au singulier) sur internet qui devrait connaître son effondrement vers 2023, en raison de sa consommation grandissante d’électricité.

    Mais ce n’est pas tout, le monde n’a d’intelligibilité qu’à travers le langage, un peu comme l’annonçait le Sefer Yetsira, premier ouvrage de cosmologie hébraïque, des VI-VIIe siècles. Or, l’auteur de ce livre signale dès les premières lignes que la première aberration dont l’humanité est victime, est la perte du sens des mots. Et là aussi, il me pardonnera, lui qui n’a pas inscrit le mot Bible dans cet abécédaire, de m’en référer à l’épisode de la Tour de Babel et de la confusion des langues : ne pas parler la même langue, ne pas donner ni laisser aux mots leur sens premier mène à l’incompréhension, et pire encore, à la guerre.

    La pensée, oui, la culture, le savoir, la bienséance, la délicatesse, le bon goût, et tant d’autres choses ont disparu sous les coups de boutoir de ce qui se présente de nos jours sous ses plus beaux atours, la bêtise, la pensée unique, la communication et les sondages, véritables girouettes guidant même nos gouvernants. Cette infatigable vélocité, cette course-poursuite, cette volonté de dominer l’Autre, alors que l’éthique la plus élémentaire nous commande de lire sur son visages les même traits humains, toutes ces déformations semblent inéluctables : J-M Lamarque n’hésite pas à parler d’aliénation, c’est-à-dire le fait de devenir étranger à soi-même. C’est probablement dû à cette substitution de la civilisation à la culture, au remplacement de l’écrit par l’image, du savoir et de la connaissance par les émissions télévisées et la littérature classique par le rap… Il suffit de suivre avec un peu d’attention la réformes des programmes scolaires pour mesurer l’étendue du désastre : au lieu de hisser les jeunes cerveaux au niveau de la vraie culture on les laisse stagner et on met des Ersatz à leur portée. Et ce saupoudrage est avilissant. Coupable populisme, condamnable démagogie.. Du reste, les meilleures œuvres, les émissions les plus éducatives, les plus enrichissantes ne rassemblent que peu d’auditeurs dont le nombre ne cesse de baisser dangereusement. Ce qui signifie que le couperet de l’audimat ne tardera pas à tomber.

    Je ne peux pas reprendre dans cette brève critique, tout le contenu de ce beau livre si suggestif et si riche, mais je note que dans la dernière page de son introduction, son auteur se dit indigné par l’équivalence suivante : apprendre ou connaître, c’est s’ennuyer !

    Comment faire pour stopper ces dérives inquiétantes de l’époque ? Voilà une tâche bien difficile. Mais on peut commencer en lisant ce livre qui se veut un cri d’alarme.

    Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du 1er février 2016