Quelle est la place du Front National en France?
La question peut paraître saugrenue et pourtant elle se pose avec de plus en plus d’insistance. Il y a un grand décalage entre ce que les partis traditionnels disent ou pensent et ce que font les Français, et si j’en crois les statistiques actuelles, entre 25 et 3O% : soit ce parti a autant de valeur que les autres dits républicains et dans ce cas on n’a rien à redire, soit il ne se veut pas républicain et on l’interdit tout simplement. On comprend mieux désormais le défi auquel ce pays est confronté et on relève aussi l’indigence du discours politique courant qui ne parvient pas à tracer une ligne frontière claire entre deux zones : une zone modérée et une zone extrémiste. Les partis traditionnels ont beau faire depuis près de quarante ans, ils n’ont pas réussi à définir de manière théorique la nature du FN. Et ce pour une raison très simple : ils n’ont jamais su traiter ce que ce parti dénonce avec une audience de plus en plus grande dans le pays. Comment expliquer autrement qu’il soit devenu, en principe au moins, le premier parti politique de France ? Il est indéniable que ce n’est plus un simple parti protestataire, point de rassemblement de tous les mécontents et sujet à une volatilité électorale : depuis les élections européennes il maintient ses acquis, voire même les améliore : dans le Doubs qui n’a certes pas valeur de test national, il a atteint près de 33% avec une candidate qui n’est ni polytechnicienne ni un parangon de beauté. Et pourtant… Donc le mal est ailleurs. Comment ne pas aboutir à une telle conclusion ? Il y a dans ce pays mais aussi dans de nombreux pays d’Europe une volonté de repli, de refus des immigrés, un rejet des cultures et des religions non européennes que les gouvernements démocratiques tentent d’endiguer, sans succès jusqu’ici. Il faudrait réfléchir sur cette attitude, sur cette volonté de rester entre soi qui n’est pas, en soi, criminelle. On a tenté la mixité scolaire pour tenter de faire de l’école un véritable creuset comme l’était jadis le service militaire obligatoire. On a échoué pour les mêmes raisons : et la carte scolaire que l’on voudrait rétablir n’a conduit à rien puisque les familles qui en avaient les moyens louaient un appartement ou un studio dans les beaux quartiers pour prémunir leur progéniture contre une régression sociale ou le contact avec des populations allogènes. Voilà un point qui pourrait faire pièce au FN si les différents gouvernements voulaient bien s’y intéresser. On ne combat pas le repli sur soi avec des réaffirmations idéologiques creuses. Que dire par exemple à des populations françaises de Seine Saint Denis qui ne veulent plus laisser leurs chère petites blondes dans des classes surchargées avec près de quinze nationalités, voire plus, où les enseignants doivent, avant d’enseigner leur discipline, faire comprendre la langue française ? Faire ce constat, sans complaisance, ne signifie pas qu’on rejoint les thèmes du FN qui, pourtant, n’a pas inventé cette dichotomie. La question qu’il pose se pose malheureusement à de plus en plus de familles françaises. Mais enfin, tous ces Français qui votent pour ce parti ne sont pas moins français que les autres. Comment continuer à les stigmatiser ? Qu’on le sache ou non, il suffit de se promener dans les rues des villes et des villages de ce pays, de compter un, deux, trois et quatre pour se dire que ce quatrième ou ce troisième a voté ou vote pour le FN… Que faire ? Si les gouvernements, de droite ou de gauche, ne s’attaquent pas aux vrais problèmes, le FN continuera de monter et de jouir de la faveur des électeurs. Jean-Marie Le Pen qui pas plus que sa fille sont loin d’être mes maîtres à penser avaient, les premiers, attiré l’attention sur les dangers d’une immigration trop massive. Ils avaient anticipé les conséquences, même dramatiques que ce pays vient de vivre ; et que s’est il passé ? Rien. On a stigmatisé publiquement les poseurs de questions, les interrogations qui criaient casse-cou … On n’a rien fait et le FN a continué de monter. La conduite à tenir n’est pas celle là : il faut répondre aux vrais problèmes. Comment voulez vous que les Français se détournent d’un parti qui est le seul, selon eux, à prendre en compte leurs vraies préoccupations quotidiennes ? Comment a t on pu laisser se constituer de véritables ghetti dans les quartiers, les cités et les banlieues ? Eh bien, le FN a pris en charge ces vraies questions. D’où son envol dans les sondages. Il ne faut pas se poser la question sur la nature de ce parti dont les thèses sont, il est vrai, excessives, mais qui rejoignent les questions de la population. Comment expliquer autrement l’élimination de l’UMP du second tour de l’élection du Doubs ? Alors que la population de cette région est majoritairement modeste et largement ouvrière ? Même le PS n’arrive qu’en seconde position. Et même si le PS remportait la victoire dimanche prochain, elle sera d’une courte tête. Au point que depuis quelque temps, on pronostique Marine Le Pen présente au second tour de l’élection présidentielle de 2017. En fait, il faut restructurer l’identité française, redonner de la fierté aux Français d’être ce qu’ils sont et ne plus apporter de réponses idéologiques là où le réalisme doit s’imposer. Depuis quelque temps un esprit soixante-huitard s’est imposé, instillant aux citoyens un honte, voire une haine de soi, rejetant les valeurs patriotiques. Qu’on le veuille ou pas, un certain repli sur soi va s’imposer à la suite de ce qu’un philosophe français a nommé l’identité malheureuse. Si les gens vont vers le FN, c’est aussi parce qu’ils ne savent plus qui ils sont ni où ils sont.
Or ils sont français en France. Et veulent que les Français se sentent chez eux en France. Que les partis de droite comme de gauche s’en préoccupent et le FN cessera de progresser. Ou alors il modifiera son programme. Mais dans les prochaines années, on en sera encore très loin. C’est ainsi. Ce n’est pas du fatalisme mais de la résignation. Il faut donc cesser de dire que ce FN n’est pas un parti comme les autres. Mais apporter des réponses aux questions et aux problèmes que se posent les gens.