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Vu de la place Victor-Hugo - Page 714

  • Vieillir II

    Vieillir…

     

    En publiant l’article sur le vieillissement je ne savais pas que tant de gens, hommes et femmes confondus, réagiraient avec autant de vivacité. Certaines dames ont exprimé leur accord, d’autres, très minoritaires, ont exprimé un certain désaccord.

     

    Je n’ai jamais voulu dire que les hommes  et les femmes n’étaient pas égaux devant le vieillissement ni n’en ai tiré quelques conclusions que ce soit. J’ai simplement dit que nous étions tous soumis à cette dure loi du vieillissement, que nous devions y faire face, mais que les femmes, soumises à la tyrannie de plaire font souvent bien plus d’efforts que les hommes.

     

    J’ai aussi souligné que la nature agit plus durement sur la gent féminine que sur les hommes. Je m’empresse d’ajouter que cela n’accorde aucun privilège ni aucune supériorité aux hommes. Certainement pas.

     

    Un de mes lecteurs et amis, archevêque de son état, m’a répondu avec une grande pertinence, ce qui ne m’étonne guère de sa part. Il m’a dit que vieillesse rime avec sagesse.

     

    Et dans ce contexte, je voudrais évoquer un passage talmudique concernant le roi Salomon auquel la tradition attribue la rédaction ou au moins l’inspiration de trois écrits de la  littérature sapientiale de la Bible. Je les cite en vrac, si j’ose dire : l’Ecclésiaste, les Proverbes et le Cantique des Cantiques.

     

    Le talmud se pose la question suivante : mais dans ordre le monarque à la sagesse proverbiale a – t-il écrit ces trois perles de l’éthique ? On nous propose deux solutions : l’homme Salomon a commencé par céder aux jouissances de la vie terrestre et petit à petit il s’en est détaché voyant que l’aventure humaine finissait toujours mal car la mort est au bout du chemin. Donc, dans cette hypothèse on aurait le Cantique des Cantiques (qui magnifie l’amour et le naturalisme), puis les Proverbes (quand Salomon atteinte l’âge de raison et se rend compte que les plaisirs ne sont pas le secret de la vie humaine) et enfin, peu avant la mort, l’Ecclésiaste (le nihilisme, l’absurde, le non sens absolu)…

     

    La deuxième solution est à l’opposé de la précédente : on commence avec le nihilisme, rien d’a sens, ensuite on accède au vrai sens de la vie et pour finir, on append à jouir de l’existence, mais avec mesure et modération.

     

    A vous de choisir…

  • Le geste du pape

    este du pape Hier, à l’occasion de son dernier Angelus en tant que guide suprême de l’église catholique, le pape Benoît XVI a clairement parlé de lui, de son âge et de sa volonté de se consacrer désormais exclusivement à la méditation et à la prière. Les commentateurs qui ne sont jamais à court d’idées désobligeantes même pour le saint Père ont parlé des pressions d’un lobby infâme dont je ne veux pas dire le nom qui aurait intimidé le pape lequel aurait fini par décider de se retirer. Ce n’est pas impossible, mais, au fond, le pape Benoît XVI a peut être aussi compris dans sa chair et dans son sang que le Vatican, puissance spirituelle temporelle, ne correspondait pas vraiment à l’idée que Jésus se faisait du rôle de l’Eglise ici bas… Mon royaume n’est pas de ce monde… Au fond, quelles qu’aient été en réalité les motivations précises et incontestables du pape lors de sa renonciation, son geste est aussi un rappel de l’authentique vocation de l’Eglise sur cette terre : prier et méditer la parole de Dieu, comme, d’ailleurs, les autres églises. Certes, pour peser sur le monde, l’Eglise doit avoir une base, une structure étatique, mais était-ce vraiment la vocation d’un tel homme qui affectionnait, avant tout, les heures passées dans sa bibliothèque autant que dans sa chapelle privée. Recevoir les lettres de créances d’ambassadeurs auprès du Saint Siège, présider les réunions des consistoires etc… ne convenait plus à un homme qui a veillé pendant près d’un quart de siècle sur la orthodoxie de la doctrine… Benoît XVI qui redevient Josef Ratzinger pourra s’adonner à ce qui lui plaît le plus, étudier, penser, écrire, se rapprocher de Dieu. Qu’ont dû être ces huit années pour un homme qui s’est laissé séduire par une fonction aussi prestigieuse mais surtout aussi prenante, aussi tournée vers l’extérieur alors que son vœu le plus cher a été de sculpter sa statue intérieure ? Il me semble vraiment, moi qui ne fais pas partie de cette grande église universelle que je respecte profondément, que le pape a compris que le rôle de l’Eglise était, certes, de lutter pour ne pas perdre du terrain, mais aussi pour les rares hommes qui ont l’honneur de la diriger, de renoncer aux affaires de ce monde pour ne s’occuper que de spiritualité. Si un tel choix peut conduire certains hommes à la sainteté, au niveau collectif la même attitude pourrait mener simplement au suicide. Donc, ce qui est bon pour un individu ne l’est pas pour l’immense groupe dont il fait partie. Le nouveau pape qui

  • L'âge et le vieillissement, comment vivre avec?

    L’âge, le viellissement, comment vivre avec ?

     

    Nos sociétés sont confrontées, depuis quelques décennies, presque chaque jour que Dieu fait, à ce problème aux ramifications multiples : que faire pour retarder ce couperet que chacun d’entre nous redoute, notamment parce que notre mentalité sociétale le refuse : vieillir, être moins actif, plus dépendant de l’entourage familial ou médical, bref ne plus être autonome, comme on dit aujourd’hui. C’est encore une émission de télévision, inaboutie comme d’habitude qui est à l’origine de ma réflexion. On y exposait de manière orientée et au pas de charge, les problèmes inédits auxquels les hommes, les femmes, les familles doivent faire face.

     

    Les experts médicaux ont toujours dit qu’il ne fallait pas sérier les problèmes ni les traiter à part mais prendre l’homme comme un tout et apporter des solutions globales. Or, à quoi assistons nous ? A une segmentation de l’approche qui devrait être globale pour répondre aux attentes de chacun d’entre nous. Et que voulons nous, que souhaitons nous ? Vivre le plus longtemps possible et dans les meilleures conditions possibles.

     

    Examinons les relations entre longévité et bonne santé dans des conditions normales : comment voulez vous contrecarrer l’apparition d’affections nouvelles liées au vieillissement (le fonctionnement des glandes endocrines, le rythme cardiaque, la fonction pulmonaire et rénale) alors que l’espérance de vie croît indéfiniment, ce dont on est en droit de se féliciter à condition qu’on ne sombre pas dans une dépendance des plus dégradantes ? Un exemple, hier un vent glacial soufflait à Passy, je faisais des courses urgentes et j’ai pourtant croisé, malgré la rigueur hivernale, au moins trois personnes en fauteuils roulants, poussés par de jeunes asiatiques ou des africaines… Est ce l’avenir qui nous est réservé, suite au vieillissement de notre population européenne ?

     

    Si vous allez régulièrement dans des clubs de gymnastique ou des salles de sport vous apprécierez le problème sous un aspect un peu spécial : hommes et femmes de tous âges, et surtout des femmes au dessus de la cinquantaine, sont guidées par des coaches (c’est le mot qui s’est imposé) qui veillent sur leur apparence physique et les aident à conserver une certaine agilité. Assurément, les échanges dont je suis le témoin involontaire, ouvrent au petit philosophe que je suis des horizons insoupçonnés…

     

    Les  femmes d’un certain âge sont prêtes à tous les sacrifices pour continuer de plaire, d’être regardées comme avant l’âge de quarante ans. Et si vous voulez leur complaire, dîtes leur qu’elles ont fondu, qu’elles ont la forme, qu’elles sont attirantes, etc… Elles vous voueront une reconnaissance quasi éternelle, vous apporteront des verres d’au, achèteront vos livres et vous gratifieront de leurs plus beaux sourires. Comment donc ? Mais parce qu’elles veulent paraître jeunes et continuer de plaire.

    J’adressai récemment des compliments à une dame sur la candeur, la beauté et l’innocence de sa propre fille, une jeune lycéenne de 14-15 ans, la dame m’a remercié mais a ajouté d’un air un peu pincé, qu’elle aussi méritait des compliments et que sa fille tenait évidemment d’elle… Je ne m’en attendais guère à cette réaction, j’ai donc bafouillé quelque chose dans le sens souhaité par cette quinquagénaire… Vous savez, les philosophes manquent souvent de psychologie, surtout de psychologie féminine.

     

    Or, nous ne sommes pas tous égaux devant le vieillissement, notamment les femmes qui, dit-on, portent plus et moins bien que les hommes, les stigmates de l’âge et les ravages du temps. D’où ces maquillages et ces recours abusifs à la chirurgie esthétique. Pourquoi a t on soumis les femmes à cette tyrannie du paraître ? Pourquoi leur a t on inculqué cette nécessité vitale de plaire ? Certes, il est plus agréable de côtoyer des femmes jeunes, belles et attirantes que l’inverse. Mais qui se souciera un jour de la beauté intérieure, celle dont parle le chapitre XXXI du livre des Proverbes dans la Bible…

     

    Au fond, nous devons rechercher une vie agréable, une longue vie, mais qu’est ce qu’une longue vie ? Maimonide a écrit un petit traité sur la durée de la vie, un texte en judéo-arabe qui existe depuis le XIXe siècle en traduction allemande (Maimonides’ Über die Lebensdauer) d’un certain David Herzog. Tout en étant médecin, Maimonide pensait que la durée de notre vie étaient déjà fixée par l’Eternel dans son dessein divin depuis les six jours de la création, il disait qu’une vie, même courte, mais jalonnée de  joies et d’événements heureux, était une longue vie. Toujours cette distinction entre le temps et la durée, le temps vécu, incarné par une conscience humaine. Pourquoi durer pour durer, autant bien durer, même un eu moins…

     

    Voilà qui est parler de sagesse.

     

    Maurice-Ruben HAYOUN

    In Tribune de Genève du 22 février 2013