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Vu de la place Victor-Hugo - Page 712

  • M. Erdogan, le sionisme, «un crime contre l'humanité»?

    M. Erdogan : le sionisme est un «crime contre l’humanité» ?

     

    Pour l’actuel premier ministre turc, les jours se suivent et se ressemblent étrangement. Voici belle lurette qu’il n’avait fait des déclarations tonitruantes qui lui donnent le sentiment d’exister  enfin sur la scène internationale. Avant-hier, même le secrétaire d’Etat US, John Kerry, en visite officielle  à Ankara, n’a pas hésité à livrer son étonnement en prenant connaissance de telles déclarations.

    Evitons les réactions cutanées même si la nature impulsive de M. Erdogan ne laisse pas d’indigner l’opinion publique internationale. Ce matin, une chaîne de télévision US a consacré un commentaire à la situation de la Turquie actuelle et à la personnalité assez énigmatique de son premier ministre islamiste.  Le journaliste s’est livré à une impressionnante énumération des faux pas, des fautes d’appréciation et des erreurs de cet homme qui a de grandes ambitions pour son pays.

    Parvenu au pouvoir à la suite d’une très délicate situation économique de son pays, M. Erdogan a commencé par suivre la ligne diplomatique de ses prédécesseurs qui entretenaient des relations chaleureuses avec Israël, y compris sur le plan militaire, l’Etat juif ayant entraîné les pilotes turcs et équipant certains secteurs de l’armée d’Ankara (drone, hélicoptères de combat, etc…). M. Erdogan a même abrité chez lui des négociations secrètes entre Israël et la Syrie du temps de M. Ehud Olmert. Et puis soudain, ce fut le revirement, brutal et imprévisible mais qui s’explique par les échecs, reconnus ou pas, de la diplomatie turque au niveau de l’Europe et de son rôle de puissance régionale au Proche Orient.

    On se souvient de l’algarade à Davos en présence du président israélien Shim’on Pérés qui n’en croyait pas ses oreilles tant les  récriminations du Turc étaient effarantes.

     

    En fait, M. Erdogan avait compris que son pays était dans une impasse : face au refus de l’Europe de l’accueillir, il comprit que le seul débouché qui lui restait était le monde arabo-musulman. Et l’unique façon de s’y faire une place et de s’y frayer un chemin, était d’enfourcher le vieux dada de la cause palestiniennes. Ce qu’il fit avec l’enthousiasme débordant qui le caractérise. Mais dans ce domaine, il n’était pas seul et les obstacles ne tardèrent pas à se dresser sur son chemin :

     

    a)           d’abord l’Iran qui nourrit les mêmes ambitions de puissance régionale et qui est mieux implanté dans les lieux grâce au régime syrien et à son allié libanais, le Hezbollah

    b)           ensuite l’Arabie saoudite qui a pris la tête des monarchies pétrolières du Golfe, connues pour leur alignement sur la politique US qui garantit leur sécurité

    c)           et enfin le refus des musulmans arabes de se voir représentés par des Turcs qui ne suivent pas les mêmes traditions. N’oublions pas le rôle trouble joué par Ankara dans les négociations autour du nucléaire iranien. Ici aussi, M. Erdogan n’a pas réussi à s’imposer.

     

    M. Erdogan s’est trompé maintes fois : il a misé sur son alliance avec la Syrie, a tressé des couronnes à Bachar el Assad et voici que depuis près de deux ans celui-ci a mis à mort près de 80 000 de ses concitoyens, a jeté sur les chemins de l’exil plusieurs centaines de milliers d’autres (en Turquie, en Jordanie, en Irak et au Liban) et se trouve aujourd’hui mis en accusation devant les instances internationales… Et M. Erdogan l’a traité de la pire des façons devant l’opinion internationale, mais sans jamais se livre à la moindre autocritique.

     

    N’est ce pas ici qu’il faudrait chercher le crime contre l’humanité ? Toutes les institutions non-gouvernementales le pensent, mais M. Erdogan n’en a cure. Il semble qu’il ait une affection particulière pour les erreurs…

     

    L’étonnement atteint son point culminant lorsque les journalistes américains ont mentionné les crimes reprochés depuis des décennies à la Turquie moderne, contre les Arméniens (qui demandent réparation et la reconnaissance par la Turquie des crimes commis contre son peuple) et enfin les Kurdes avec lesquels M. Erdogan tente d’établir un modus vivendi acceptable pour son pays.

     

    Tout observateur attentif et objectif comprend immédiatement qu’un tel homme, avec un tel arrière-plan historique devrait se garder à tout jamais de parler de crime contre l’humanité. On ne parle pas de corde dans la maison d’un pendu…

     

    Il existe d’autres moyens d’occulter ses échecs et il est même dangereux de tout faire pour parvenir à ses objectifs. La fin ne justifie pas les moyens. Frappant avec insistance à l’huis d’une Europe passée aux abonnés absents, le premier Ministre turc se retrouve face à un arrière-pays misérable constitué d’anciens satellites de l’ex URSS… C’est moins prestigieux que l’Europe. Et Israël est devenu pour lui un confortable abcès de fixation, un exutoire, oserai-je dire, une tête de Turc…

     

    La Turquie est une grande nation, elle a eu à ses tête de grands hommes tel Ata Turc, qui était, lui, l’authentique père des Turcs. En plus, l’empire ottoman a joué un rôle des plus positifs après l’infâme décret d’expulsion des juifs de toute la péninsule ibérique, en 1492. Bajazet II avait accueilli les expulsés juifs les bras ouverts. Et mes propres ancêtres en faisaient partie.  L’un des meilleurs kabbalistes d’Espagne, un certain Moshé Elmosnino  (XVIe siècle) s’y était réfugié avec sa famille et y avait publié ses écrits.

     

    C’est un ancêtre de ma propre mère (ZaL).

     

    Les juifs purent s’épanouir sur tout le territoire ottoman, y développer une vie juive authentique. Vous connaissez tous l’aventure du faux Messie Sabbataï Zewi (1626-1676), natif de Smyrne. Certaines villes turques devinrent de véritables centres d’érudition juive où furent imprimées maints ouvrages kabbalistiques…

     

    Le peuple turc a le droit de nourrir de grandes aspirations. Il a la légitimité pour occuper la place d’honneur qui lui revient. Il a toujours eu une politique d’accueil et d’entraide. Il ne devrait pas avaliser une politique qui est attentatoire à un glorieux passé, fait de paix et de belle coexistence entre l’identité juive et la culture ottomane.

     

    Le premier ministre turc devrait se ressaisir et surtout sa calmer. Il faudrait aussi offrir à M. Erdogan une version en turc des Lumières de Cordoue à Berlin.

     

    Maurice-Ruben HAYOUN

    In Tribune de Genève du 2 mars 2013

  • L'action des forces spéciales françaises au nord du Mali

    L’action des forces spéciales françaises au nord du Mali

     

    Si les nouvelles diffusées depuis hier soir par la presse devaient être officiellement confirmées, l’action des forces spéciales françaises marquera un tournant dans l’offensive au Mali. En effet, l’islamiste Abou Zaïd, responsable de tant d’enlèvements et de morts de nombreux otages, aurait été neutralisé par une opération française avec une quarantaine de ses complices. Par une telle combattivité, l’Etat major des forces françaises montre qu’il a appris à combattre les terroristes en Afghanistan et que le gouvernement n’entend plus se laisser marcher sur les pieds par les terroristes. Même les Américains ont été impressionnés par cette action d’éclat, si l’on en croit les déclarations du nouveau secrétaire d’Etat John Kerry, lors de son passage à Paris.

     

    Un haut gradé français a même dit que l’armée allait chercher les terroristes un à un avec une pince à épiler : l’image est effectivement très suggestive. Mais déjà le président François Hollande avait annoncé ses intentions : il faut aller chercher les terroristes un à un et ne pas se contenter de les repousser. Il a nettement dit qu’il irait les chercher dans leurs derniers retranchements. C’est exactement ce qui est en train de se produire.

     

    Mais deux ombres planent sur le tableau : que deviennent les otages qu’on cherche à libérer et quelle sera la capacité de réaction des terroristes qui voudront se venger puisque même les massifs montagneux où ils se sont réfugiés ne sont plus sûrs et qu’ils sont lâchés par leurs alliés d’hier que les Français ont réussi à retourner ? A l’heure qu’il est, on n’en sait guère plus. Mais l’affaire est très bien engagée. Les pertes françaises sont infimes comparées à celles subies par les terroristes.

     

    L’armée est très performante en raison de sa combativité mais aussi grâce aux renseignements électroniques donnés par les drones américains. Les terroristes se demandent comment les Français peuvent soudain fondre sur eux et les neutraliser. C’est exactement ce qui est arrivé à Abou Zeid et à sa garde rapprochée.

     

    Il faudrait à présent que les troupes africaines soient mieux vertébrées et apprennent à prendre en main la sécurité et l’intégrité territoriale de leurs pays respectifs.

  • Bruno Le Maire, sa tactique et sa stratégie

    Bruno Le Maire, sa tactique et sa stratégie

     

    Disons le d’emblée, il n’est pas question d’égratigner un quadragénaire sympathique et doué qui a fait ses preuves au gouvernement et qui a toujours su tirer son épingle du jeu avec grâce mais aussi avec une redoutable dextérité. Il se trouve que depuis quelques semaines, voire quelques mois, vous ne pouvez pas allumer votre téléviseur sans le voir, sans l’écouter parler de son dernier livre. Et il se livre (sans méchant jeu de mots) toujours aux mêmes critiques de lui-même, de ses amis politiques, du fait qu’il est père de quatre enfants (que D- les garde), qu’ll a démissionné de la haute fonction publique (en fait il était diplomate) et que lui, en réalité, lave plus blanc que blanc, car il a un courage que d’autres n’ont pas…

     

    Mais derrière cette candeur affichée et cette innocence proclamée, un peu comme un homme qui avancerait étendard déployé, se cache tout de même une stratégie servie par une tactique éprouvée.

     

    Une petite rétrospective : lorsque Dominique de Villepin était au Quai d’Orsay, M. Le Maire était encore dans son corps d’origine. Et il a su capter l’attention et l’intérêt de son ministre auquel il a consacré un ouvrage assez étonnant quand on le relit aujourd’hui. Quand M. de Villepin a remplacé Jean-Paul Raffarin à Matignon, M. Le Maire a aussitôt hérité du poste de conseiller spécial, un poste qui n’existait pas avant lui. Lorsque le préfet Mongin a été nommé à la tête de la RATP ; Bruno Le Maire a naturellement pris sa place comme directeur de cabinet. On le voit, un homme se plaçant adroitement partout, en ascension constante, damant le pion à tout concurrent potentiel et Dieu sait que ce n’est pas ce qui manque dans ces milieux là, ceux-là même que l’auteur critique, voire blâme à longueur de chapitres de tous ces livres.

     

    Il se fit ensuite élire dans une circonscription confortable, celle de Jean-Louis Debré. La première fois que j’ai parlé de Bruno Le Maire, ce fut dans le bureau de mon ami Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Elysée, et en entendant sa réaction, j’ai tout de suite compris que ce diplomate serait nommé au gouvernement… Ce qui finit par advenir.  En dépit de la grave brouille opposant son ancien mentor au président de la République, M. Le Maire sut naviguer avec une grande adresse entre les différents écueils.  Quelle diplomatie !

     

    Quand on le regarde bien (ce que j’ai fait hier soir salle Pleyel lors d’un concert de l’orchestre philharmonique de Berlin, à l’invitation de Madame l’Ambassadeur) on a l’impression d’avoir affaire à un grand enfant, innocent et désarmé… Ce n’est pas le cas et c’est bien ainsi car dans le milieu de grands fauves dans lequel il évolue il n’y a pas de pitié.

     

    Depuis la défaite de N S. M. Le Maire a évité de se compromettre dans la querelle Fillon-Copé, se déclarant un non-aligné (encore une brillante trouvaille de sa carrière diplomatique), s’alliant avec une collègue, une femme comme NKM, et n’hésitant pas à donner des conseils aux uns et aux autres, se montrant désintéressé mais toujours bien présent partout afin de ne pas être oublié, le moment venu. Une chose me gêne : il insiste trop sur sa démission de la haute fonction publique et sur ses quatre enfants. Il devrait savoir que les milieux auxquels il s’en prend sont redoutables et ne connaissent pas les sentiments de piété, ni même de commisération… Certains vont aller voir ce qu’il en est vraiment.

     

    C’est donc un subtil mélange entre un intellect rigoureux, de qualité, et une candeur apparente empreinte d’innocence et de désintéressement. Cette impression est tout de même remise en question par ce parcours sans faute qui laisse deviner une personnalité tout autre…

     

    Alors que dire en conclusion ? J’apprécie les capacités de l’homme qui avait même fait savoir, jadis, qu’il parlait couramment l’allemand avec Angela Merkel (étant germaniste moi-même), j’apprécie aussi ses incontestables talents littéraires, sa volonté de détruire les castes héréditaires de la haute fonction publique, son souci de l’autre comme dirait Levinas (ce matin sur LCP il a donné quelques exemples de cette partition : cambriolages, baisse du pouvoir d’achat, etc…).

     

    Pourtant, j’ai l’impression qu’il y a là un petit déficit de sincérité. Les hommes politiques ont une constante, la continuité. Quand ils sont en poste, ils ne rêvent que d’une chose ; rester et continuer.

     

    C’est peut-être ce qui sépare le pouvoir temporel du pouvoir spirituel. Voyez le cas du pape, il faudrait s’inspirer d’un si haut exemple.

     

    La politique doit être structurée par l’éthique. C’est loin d’être le cas et c’est la raison pour laquelle les gens la jugent si sévèrement. Je sais que ces propos seront qualifiés d’aimables rêveries. Mais après tout des hommes comme Bruno Le Maire pourraient mener à bien un tel programme. Il en possède le talent, il en a la volonté.

     

    Je consens volontiers à lui faire crédit.

     

    Mais il faut de l’authentique sincérité.

     

    Maurice-Ruben HAYOUN

    In Tribune de Genève du 28 février 2013