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Vu de la place Victor-Hugo - Page 712

  • Eliya Delmédigo et son Examen de la religion la recherche de l’essence du judaïsme Le testament du judaïsme espagnol

     

               Eliya Delmédigo et son Examen de la religion

                    la recherche de l’essence du judaïsme

                        Le testament du judaïsme espagnol

     

             (Conférence mensuelle à la synagogue Copernic le 5 février 2013 à 19 heures)

     

    Né à Candie, en Crète en 1460 et mort dan ce même lieu en 1493, un an après la signature de ce fatidique décret d’expsulion qui met un terme brutal à l’épanouissement d’un judaïsme espagnol florissant, Delmédigo (dont le nom a dû être Delmedico puisqu’l était médecin), a écrit ce très beau petit traité L’examen de la religion en hébreu Behinat ha-Dat.

    L’auteur de ces lignes en a donné une traduction intégrale de l’hébreu avec une introduction historico-critique, publiées aux éditions du Cerf en 1993.

    Ce penseur qui ne vécut que 33 ans consacra toute son existence à la philosophie, notamment celle d’Averroès à la lumière de laquelle il interpréta le Guide des égarés de Maïmonide.

    L’intention primordiale de l’auteur est fournir à la spéculation philosophique une légitimité qui lui fut contestée à la fois lors des controverses autour des écrits de Maimonide et de l’enseignement des matières scientifiques et au moment de l’irruption des idées kabbalistiques. Comme Eliya Delmédigo fut aussi le maître d’hébreu de Jean Comte Pic de la Mirandole (lequel tenait les systèmes kabbalistiques en très haute estime car ils étayaient, selon lui, la véracité du message chrétien), il fut très introduit dans des cercles chrétiens ; le cardinal Dominico Grimani lui permet d’éditer ses propres traités sur l’intellect aux côtés d’œuvres de Jean de Jandun (ob. En 1328).

    Delémdigo commence les premières lignes de son traité de manière significative : la perte de la souveraineté juive sur sa terre, l’exil et la dispersion ont privé les juifs de son temps des joyaux de la sagesse dont il s avaient été les dépositaires. C’est la fameuse thèse légende du vol des sciences par les peuples au détriment des anciens Hébreux et des juifs. Les aléas du destin politique d’Israël ont grevé son avenir et stoppé l’évolution de la spéculation philosophique en son sein. Détail hautement révélateur : Delmédigo allègue que de tous les propos de nos  Anciens seules les littérature talmudique et midrashique sont parvenues jusqu’à nous. Ce qui veut dire : pas tout le reste. Donc pas les textes philosophiques. Delmédigo poursuit : j’ai cherché dans ces livres du talmud et du midrash les principes fondamentaux de notre mais je ne les y ai point trouvés.

    D’où la rédaction de son livre.

     

    On peut diviser ce petit traité en trois parties :

     

    a)             légitimation de la spéculation philosophique et de l’exégèse allégorique : Tora et philosophie disent la même chose mais la première tient un discours compréhensible par les masses tandis que la seconde se préoccupe surtout de démonstration et de raisonnement.

    b)            Delmédigo achève son traité en 1460 en Crète après avoir longtemps séjourné en Italie, notamment à Padoue à l’université de laquelle il donna des conférences sur la théorie de l’intellect selon Averroès. Il traduisit aussi pour Pic le traité d’Averroès sur la philosophie et la religion. A cette époque il y avait de violentes controverses judéo-chrétiennes. D’où une critique dévastatrice des dogmes chrétiens par Delmédigo : trinité, incarnation et transsubstantiation.. Donc polémique anti- chrétienne.

    c)             Polémique anti-kabbalistique. C’est la première critique manifeste de la kabbale, jadis très en vogue aussi bien en Italie qua dans le reste de l’Europe. Cela coûtera cher à Delmédigo puisque son Examen de la religion attendra au purgatoire 137 ans, près d’un siècle et demi, avant de connaître les honneurs de l’impression.

     

    Quelques thèmes plus détaillés :

     

    Légitimation de l’interprétation allégorique et de l’approche philosophique des Ecritures

    Les miracles sont-ils nécessaires ? Pas de preuve par le miracle.

    Concordance de vues entre la Tora et la sagesse. : validation diu postulat posé par Maimonide et par Averroès.

    Reprise des catégories de pensée d’Averroès (al ahkam al-khamsa) : une action peut être bonne, mauvaise, préférable, recommandable, indifférente (sans conséquence positive ni négative).

    La méthode démonstrative est obligatoire pour le sage (le philosophe) mais pas pour la masse.

    Le sage ne doit pas révéler les secrets de la Tora aux masses.

    Résurrection des morts et venue du Messie : faut-il y croire au sens littéral ?

     

    Conclusion :

     

    Après plusieurs siècles d’oubli immérité, Delmédigo fut redécouvert par la première génération de maskilim post mendelssohnienne.

     

    Maurice-Ruben HAYOIUN

  • L’intervention française au Mali a changé la donne face au terrorisme

    Personne ne l’aurait cru, même si on l’avait annoncé : François Hollande, chef de guerre, ordonnant sans hésiter un seul instant une opération des forces spéciales en Somalie et se lançant presque au même moment dans une guerre sans merci contre les terroristes islamistes.  L’échec de la première opération ne l’a pas dissuadé d’en lancer une deuxième, de plus grande ampleur puisqu’il s’agit ici de plusieurs milliers d’hommes et de très nombreux avions de combat.

     

    Tant de visiteurs entretenant des relations amicales ou politiques avec les différents chefs de l’Etat français ont presque tous noté cette mue : ce pouvoir suprême change l’homme qui se révèle alors dans toute sa vérité. Je n’aurai pas la cruauté de rappeler ce que certains hiérarques socialistes, aujourd’hui membres du gouvernement, disaient au sujet du Premier secrétaire du PS… Même au cours de la campagne présidentielle, personne n’aurait osé parler de cet autre François Hollande qui allait se révéler au moment de prendre des décisions graves.

     

    Tout de même, je veux bien croire que la direction du PS fut une dure école, que les camarades vous réservent toujours des coups, plus pendables les uns que les autres, mais vraiment, le chef de l’Etat nous prend de court et nous étonne.

     

    L’Histoire dira qu’il fut le premier chef d’Etat à avoir décider de changer d’attitude face au terrorisme et à l’islamisme en allant chercher chez eux, là où ils se terrent, les criminels qui commettent des enlèvements et des assassinats. François Hollande est allé les chercher chez eux, à l’autre bout du monde et, injure suprême, il est allé au plus près d’eux, durant cette mémorable journée de samedi où il a, en quelques heures, redoré le blason de la France et montré  que la colonisation, nonobstant tous ses défauts, comporte aussi de la fraternité et de la générosité… Et nous savons tous que la corde de l’orgueil est bien tendue chez les Orientaux.

     

     Les Africains ont été très sensibles  à cette reconnaissance de dette morale que le président français est venu honorer : vous nous avez aidés lorsque la France fut battue et occupée par un terrible ennemi, à notre tour nous venons vous apporter aide et assistance. J’ai bien aimé cette sincérité de gens pauvres qui n’ont rien d’autre à offrir que de la candeur et  de l’authenticité. Le président ne s’y pas trompé en disant que pour lui ce fut aussi un jour mémorable

     

    Il y a aussi le message calme et redoutablement clair envoyé aux islamistes, sans que ce soit une posture : libérez les otages sinon vous le paierez de votre vie. Il a joint le geste à la parole puisque les frappes aériennes ont repris sur la zone en question avant même que le président ne revienne à Paris.

     

    Oui, on a changé d’époque. Là où les ravisseurs se gaussaient de notre peur de la mort, si répandue dans l’Occident d’aujourd’hui (OK veut dire Zero killed : pas de morts), la décision de François Hollande a montré qu’il n’en était rien : désormais, on ira pourchasser les terroristes chez eux, il ne trouveront nulle part où aller se cacher…

     

    La meilleure preuve en est l’arrestation hier d’un chef d’Ansar al-Din en fuite et l’hostilité des populations locales à l’égard des terroristes car ces populations voient en le drapeau tricolore l’étendard de la liberté.

     

    Mais la France reste la France, un pays où le philosophe Alain a dit ceci, penser c’est dire non. Il ne faut donc pas s’étonner d’entendre des commentaires déplorant que la président n’ait de succès et de réussite qu’à l’étranger, et pas sur le champ de bataille de l’économie et du chômage. L’opposition va jusqu’à parler d’écran de fumée tissé de sujets sociétaux (mariage homosexuel, vote des étrangers, etc…) Mais c’est le jeu normal de la démocratie.

     

    Que croire ? Il me revient en mémoire une phrase, ou plutôt une citation par laquelle le général de Gaulle avait jadis apostrophé une grande figure du journalisme français, le très regretté Hubert Beuve-Méry, lors d’une réception mondaine. Beuve-Méry qui signait Sirius critiquait toujours les décisions du Général qui lui lança cette phrase tirée du Faust de Goethe : je suis [vous êtes] l’esprit qui toujours nie (Ich bin der Geist, der stets verneint…)

    Au fond, c’est l’éternel retour, Nietzsche avait bien raison. Mais tout de même, bravo au président…

     

    Maurice-Ruben HAYOUN

    In Tribune de Genève du 4 février 2013

  • La jeunesse a t elle encore confiance en la politique?