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Vu de la place Victor-Hugo - Page 845

  • Fiat justitia, pereat mundus ? il ne fallait pas condamner Jacques Chirac

    Fiat justitia, pereat mundus ? il ne fallait pas condamner Jacques Chirac
    Il est malaisé, voire déconseillé de commenter des décisions de justice. Mais comme celle-ci est rendue au nom du peuple français, on peut dire respectueusement ce qu’on en pense tout en reconnaissant la dignité, la sagesse et l’intégrité morale des juges. Toutefois, le verdict rendu dans l’affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris, plus de vingt ans après les faits, nous blesse profondément : en effet, il frappe d’indignité un homme, aujourd’hui malade et octogénaire, qui a été durant douze ans le chef de l’Etat. Ayant incarné la France tout ce temps là, Jacques Chirac voit, volontairement ou involontairement cet opprobre éclabousser le pays tout entier.
    Les magistrats connaissent leur affaire et je doute qu’on puisse leur reprocher une quelconque motivation partisane dans cette affaire. Et pour ma part, je m’en garderai bien. Mais on reproche souvent à la magistrature d’être déconnectée des réalités du monde politique et économique, et de refuser de tenir compte de certaines servitudes. A cela les juges rétorquent qu’ils sont là pour appliquer la loi que les législateurs, qui l’ont promulguée, oublient parfois de respecter. La sanction serait donc automatique… Mais ce raisonnement ne tient pas car il conçoit l’appareil judicaire comme un rouage à part, indépendant et coupé du reste de la société.. En condamnant si lourdement l’ancien président de la République, les juges ont voulu montrer que la loi est la même pour tous et que même si cela ne change rien au fond de l’affaire, les principes sont saufs. C’est là une attitude théorique qu’un philosophe, même aspirant à devenir magistrat, ne saurait admettre : aucune décision judicaire n’est rendue en vase clos, aucun verdict ne saurait, dans une société diversifiée, trouver exclusivement en lui-même sa propre justification. Au fond, les magistrats sont nommés, payés et promus pour le pouvoir politique, issu du suffrage universel.…
    On dit que le droit romain est le père de tous les droits ; effectivement, il s’en est inspiré pour se construire et édifier son propre système. Ce sont les Romains qui, dans leur sagesse, ont émis le principe (irréalisable) suivant : fiat justitia pereat mundus : que la justice soit, le monde dût -il en périr. La sacralité de la justice a aussi touché les autres civilisations puisque même le Talmud énonce que, s’il le faut, la loi transpercera la montagne Ykkov ha-din et ha-har… Pour revenir à des références plus philosophiques, on peut mentionner ce que Kant a dit des racines métaphysiques du droit, même si droit et loi ne désignent que des notions voisines qui ne se confondent pas l’une avec l’autre.
    Pour rendre une justice parfaite, il faut une société parfaite. Or, la justice humaine et la justice divine n’ont rien en commun, si ce n’est une simple homonymie. Un auteur arabo-andalou du XIIe siècle, Ibn Badja ((l’Avempace des Latins) avait écrit un traité mémorable intitulé Le régime du solitaire où il conseillait à l’homme parfait d’éviter la société imparfaite des hommes et de s’esseuler. Mais il a surtout dit que les sociétés parfaites se distinguaient des autres en deux points : elle ne requéraient ni juges ni médecins car chacun savait, de lui-même, comment se conduire dans sa vie personnelle et dans sa relation à l’Autre.
    Que la justice soit, le monde dût il en périr ! Or, les peuples au nom desquels les juges rendent la justice (on l’oublie parfois) ne veulent pas la destruction de leur monde, ils ne veulent que la société devienne un champ de ruines ni que la fin de vie d’un homme malade soit cruellement aggravée. Ce n’est plus de la justice mais de l’acharnement.
    Dans le camp de l’opposition, j’ai nettement apprécié la position de François Hollande dont on connaît la proximité corrézienne avec Jacques Chirac. L’ancien leader socialiste se distingue par son sens de l’humain et a su retrouver son congénère en transcendant les clivages politiques. Que ressent un être humain normalement constitué quand il écoute la candidate écologique (une ancienne juge, il est vrai) demander avec une lueur d ‘acier dans le regard la démission de Jacques Chirac du Conseil Constitutionnel ! C’est terrible, on nous dit que la politique est cruelle, mais là on atteint le paroxysme des haines partisanes.
    Une vieille tradition orientale affirme que lors de la création de l’univers, Dieu se rendit vite compte que son œuvre ne subsisterait pas une seconde si elle n’était fondée que sur un pilier unique, celui de la rigueur implacable du jugement, Il décida donc de lui adjoindre un autre pilier, celui de la miséricorde et de la grâce dispensatrice de bienfaits. Et depuis, ce mariage harmonieux a donné naissance à la plus belle des réactions de l’âme humaine : le repentir.
    Un grand magistrat siégeant lui aussi au Conseil constitutionnel a dit dans un article mémorable : nous rendons la justice les mains tremblantes., celui que nous jugeons est un autre nous-même… Jacques Chirac avait le droit d’en bénéficier.
    Les juges n’ont pas fait à Jacques Chirac un beau cadeau de Noël. Devons nous en rester là ? Non point. Il reste au président de la République le droit de grâce. Qu’il en fasse usage et la France entière lui en saura gré.

  • DSK EST DE RETOUR !

    DSK EST DE RETOUR !
    Enfin, du grand Dominique Strauss-Kahn ! A Pékin, l’ancien patron du FMI a montré ce qu’il savait faire, allant jusqu’à donner gentiment des conseils avisés à ses alter ego d’hier, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Cela s’est passé à Pékin où l’homme de Washington fut reçu avec bien des égards, entouré non plus de policiers mais de gardes du corps et suivi avec une respectueuse attention par les meilleurs experts économiques de Chine.

    Quelle mutation ! Quel talent ! DSK ne devrait plus faire de politique mais attendre patiemment de reprendre les rênes du FMI ou d’un autre grand organisme financier international. Et aussi, oserai-je dire, surtout, mener une vie plus calme et se ranger du point de vue du sexe. C’est la première fois que je salue sans réserve une si belle initiative chinoise…

    J’ai l’habitude de citer la théorie psychologique d’Aristote qui a décrit l’Ethique à Nicomaque et l ‘Ethique  à Eudème. Il y explique que nous avons tous deux types de vertus, intellectuelle (dianoétique) et psychologique (éthique). En somme, le cœur et l’entendement. Il faut marier les deux : et ici DSK montre qu’il reste un brillantissime économiste et qu’il va redevenir un mari fidèle et aimant… C’est vraiment tout ce que je lui souhaite.

    L’homme peut-il se réformer et s’amender ? Oui, en théologie, cela s’appelle le repentir, le retour sur soi et en soi. C’est ce qui est exposé dans le chapitre XVIII d’Ezéchiel où Dieu dit qu’il ne recherche pas la mort du pécheur mais son retour vers de meilleures dispositions.

    Quand j’ai vu et parlé avec DSK la veille de Kippour au Palais des congrès, c’est ce que j’ai pensé sans le lui dire vraiment. Mais en cette journée de jeûne, de contrition et de rémission des péchés, il a peut-être pris la bonne voie.

    Mais j’ignorais qu’elle passerait par Pékin et par l’internet. Les voies du Seigneur sont impénétrables.

    Et n’oublions pas Anne Sinclair sacrée femme de l’année, devant Madame… Lagarde !  Est ce un signe ?

  • QUE VA DEVENIR L’EGYPTE ?

    QUE VA DEVENIR L’EGYPTE ?
    L’irréparable s’est peut-être produit hier et avant-hier en Egypte, lorsque des éléments de la police militaire et de l’armée tout court ont violemment réprimé les manifestants de la fameuse Place Tahrir. La situation est complexe et il convient de l’analyser sans idée préconçue ni esprit partisan.

    Les militaires ont le droit, voire l’obligation d’assurer la stabilité et la sécurité de leur pays. Ils ont l’obligation de remettre le pays au travail, de lui assurer un bel avenir et de le réintégrer dans le concert des nations démocratiques.

    De leur côté, les manifestants, ceux qui se battent pour la démocratie et la liberté retrouvées, ont le droit d’empêcher quiconque de confisquer leur révolution ou de faire main basse sur le pays qui respire enfin l’air de la liberté. La plupart des revendications des gens sont justifiées mais ce sont les moyens mis en œuvre qui le sont moins et mettent en péril la sécurité des gens…

    Nous sommes donc en présence de deux volontés contradictoires mais qui ne sont pas inconciliables. Une bonne partie de la population souhaite le rétablissement de la stabilité et le retour au calme. Ces gens ne veulent pas vivre dans la révolution permanente, ils savent que l’Egypte est à la dérive économiquement parlant et qu’il faut tout mettre en œuvre pour que le marasme économique ne se surajoute point à la dérive politique.

    Toutefois, la question posée par la rue et demeurée sans réponse, à ce jour, est au cœur du problème : sur la base de quelle légitimité, l’armée conservera-t-elle le pouvoir jusqu’en juillet 2012 ? Les militants s’opposent aux militaires sur ce point. Pour les premiers, l’armée doit obéir au peuple et protéger ls frontières, pour les seconds, jamais l’Egypte n’a connu un gouvernement autre que celui  issu d’un fameux coup d’Etat militaire des officiers libres…

    D’un point de vue plus général : peut-on laisser aller à la dérive, un pays de 90 millions d’habitants, le plus étendu et le plus puissant du monde arabo-musulman ? C’est peu probable. En outre, les militaires sont trop impliqués dans la gestion du pays, à tous les niveaux, notamment dans la sphère économique. Comment, alors, assainir la situation sans l’armée ? C’est mission impossible !

    Dernier problème : ceux qui veulent tirer les marrons du feu et attendent patiemment dans l’ombre que les adversaires finissent par s’épuiser, tout le monde les connaît. Or, leur arrivée au pouvoir serait désastreuse pour le pays lui-même et pour le reste du monde. Ni  les USA, ni l’UE ne le permettront. Pourtant, le peuple égyptien semble s’être exprimé librement.

    Je me demande bien ce que l’on peut faire, même en juillet 2012… Pourvu que l’armée ne resserre pas son étau, car dans ce cas…