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Vu de la place Victor-Hugo - Page 977

  • La France a-t-elle encore une vision de Afrique et du monde arabe ?

    La France a-t-elle encore une vision de Afrique et du monde arabe ?

     

    Oui, on peut légitimement se poser la question. Lorsque Nicolas Sarkozy menait tambour battant la campagne pour l’élection présidentielle qu’il a brillamment remportée, les idées fusaient, le débat était riche et l’on utilisait souvent, dans son entourage, une expression fort bien tournée, mais qui a aujourd’hui totalement disparu du registre politique : être animé d’une vision et porteur d’un projet.

    Mon premier contact avec cette métaphore remonte à mes études germanistiques : les vieux leaders de la social-démocratie allemande, Gustav Stresemann et Friedrich Ebert qui fondèrent la République de Weimar sur les ruines du Reich de Guillaume II, usaient souvent de l’expression : beseelt vom Willen, animé d’une vision…

    A la lumière des récents événements dramatiques de Tunisie et d’Egypte, et au vu de ce qui se passe au Yémen, à Bahreïn et surtout en Libye (plus de 40 morts par balles à ce jour), on peut se demander si la France n’a pas perdu la main… Avons nous encore une vision de l’Afrique ? Avons nous encore un projet pour ces peuples dont l’histoire récente est si liée à la nôtre et dont nous avons, des années durant, formé les élites ?

    Il ne s’agit pas d’infliger des blâmes ni de décerner un satisfecit à l’un ou l’autre mais il est évident que le précédent locataire du Quai d’Orsay a largement confondu ingérence humanitaire et politique étrangère de la France. Et durant toute cette période, nos alliés américains se sont engouffrés dans la brèche : on a pu le constater en Egypte où l’influence français était moindre mais même en Tunisie ce sont les USA qui étaient à la manœuvre.

    Et si l’armée tunisienne a lâché Ben Ali dès le premier jour, refusant de s’en prendre aux manifestants, c’est parce que le Pentagone avait relayé auprès des chefs militaires la consigne de la Maison Blanche : ne pas noyer dans le sans les aspirations légitimes d’un peuple soumis à un oligarque autocratique depuis près d’un quart de siècle…

    En Egypte, la main mise américaine était encore plus flagrante, mais là on ne pouvait pas faire grand chose : c’est l’US army qui équipe et dorlote l’armée égyptienne (al-Djich al-masri) depuis le traité de paix avec Israël en 1979, c’est encore elle qui a fait pression chaque fois que le président Moubarak manifestait sa volonté de rester à son poste.. La France n’aurait jamais eu ni n’aura jamais les moyens de rivaliser avec le géant américain, mais en Afrique du nord et en Afrique noire, elle dispose encore d’une certaine marge de manœuvre. …

    Qui aurait la cruauté de revenir sur le cas ivoirien où un ultimatum maladroit (révérence gardée) et qui n’a eu aucun effet… n’aurait jamais dû être lancé.

    Qui est responsable et que faudrait-il changer ? A l’évidence, et en dépit de nos chétifs moyens, le corps diplomatique français ne s’est pas suffisamment préparé. Il y a moins d’un an, je me trouvais dans le bureau d’un très haut commis de l’Etat qui me disait qu’on avait un sureffectif de ministres plénipotentiaires, encouragés à prendre leur retraite, que les carrières des diplomates avaient été mal gérées, bref que le Quai d’Orsay n’avait pas réussie sa mue… Le Figaro d’hier a officialisé ses sombres prédictions.

    Il faut rajeunir ce corps et en diversifier le recrutement. Il faut cesser ce «monogénisme du recrutement». Prenons exemple sur les USA qui nomment à des postes importants, à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, des banquiers, des entrepreneurs, des avocats, des professeurs ou des militaires. Alors qu’en France, on réserve ces postes, pourtant cruciaux, à une clientèle bien particulière.

    Il n’est pas normal que les USA soient mieux placés que la France dans un continent jadis considéré comme une chasse gardée de l’hexagone. Il était de bon ton de stigmatiser alors les réseaux Foccart ou Pasqua. Mais eux au moins n’auraient pas été pris au dépourvu…

  • ictionnaire des mots français venant de l’hébreu

    Patrick Jean-Baptiste, Dictionnaire des mots français venant de l’hébreu. préface de Claude Hagège. Seuil, 2011.

     

    Ce livre qui stimulera ou intriguera ses nombreux lecteurs, a le mérite d’exister. Il entend recenser les mots français d’origine hébraïque, mais pas vraiment puisqu’il utilise la périphrase suivante venant de l’hébreu et que dans la page de garde le titre se voit complété par un sous titre plus fourni qui change d’ailleurs la portée de l’ouvrage : Dictionnaire des mots français venant de l’hébreu et des autres langues du Levant pré-islamique… Ce qui en élargit considérablement le spectre et en réduit par là même, de manière assez paradoxale, le champ sémantique purement hébraïque, censé constituer la trame principale de l’ouvrage. Mais ce n’est pas si grave car son auteur nous entraîne sur plusieurs centaines de pages dans une enquête passionnante où des mots de tous les jours, ou d’autres plus rares et plus mystérieux, se voient dotés d’une origine hébraïque ou plus généralement sémitique.

    Que dit l’auteur et comment procède-t-il ? Il tente d’expliquer sa méthode dans les premières pages du livre : ses présupposés ne sont pas dépourvus d’une certaine solidité, même si de véritables philologues sémitisants (mon expertise se limitant à l’hébreu, l’arabe et l’araméen, ce qui n’est pas suffisant) pourraient le prendre en faute dans ses déductions ou plutôt ses rapprochements dont certains paraissent toutefois assez ingénieux. Et ouvrent des pistes intéressantes.

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  • Le trio présidentiel, DSK, Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen

    Le trio présidentiel, DSK, Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen

    Nous quittons pour une fois le feuilleton désespérant de ces pays arabo-musulmans qui ont un accouchement difficile de la démocratie pour s’intéresser à ce qui va se passer en France, à l’orée des élections présidentielles de 2012. Un sondage publié ce matin a retenu toute mon attention comme celle, j’imagine, de l’Elysée : 26% pour DSK, 22% pour Nicolas Sarkozy et 18% pour Marine Le Pen. L’écart se resserre.

    Il est évident qu’une telle configuration ne laisse pas d’inquiéter. La journaliste qui a annoncé ce sondage sur BFM TV a bien montré la progression croissante de Marine Le Pen qui a su dépasser les phobies obsessionnelle de son père, s’abstenant de toute attaque antisémite ou xénophobe et traduisant sa méfiance à l’égard de l’islam par un habile discours sur la nécessité de défendre la laïcité.

    Ce thème, heureusement ou malheureusement, est très porteur et ceux qui s’en disent les victimes ont hélas concouru à sa montée en puissance. Si un certain nombre de gens s’abstenaient de toutes ces manifestations ostentatoires, de toutes ces exubérantes pratiques criardes dans les rues, les écoles et les cités, les choses iraient nettement mieux. Déjà un tour de vis est donné : je lis que tel projet de grande mosquée dans telle grande ville portuaire du sud de la France est gelé, que le président place une certaine religion au centre de ses préoccupations, que les journaux se font l’écho de l’échec du multiculturalisme et que tout le monde le rejette… Autant de signes qui devraient rendre attentifs mais qui, hélas, ne provoquent aucun effet sur les populations concernées.

    Bous allons donc vivre de moments de grande tension au cours des prochains mois. Soyons clairs : l’UMP et son candidat déclaré Nicolas Sarkozy ne se laissera pas distancer si facilement et se saisira, c’est de bonne guerre, des thèmes porteurs pour être en pise directe avec l’opinion et ses préoccupations.

    La France profonde retrouve soudain ses racines judéo-chrétiennes, elle veille sur son identité nationale et n’accepte plus ceux qui veulent la changer au lieu de se changer eux mêmes et de s’intégrer, sans mettre constamment en avant leurs différences. Je le constate nettement en mesurant les demandes d’interview que je reçois tant de la radio que de la télévision sur le livre que j’ai traduit, introduit et muni d’une postface inédite, La haine de soi de Théodore Lessing (Pocket, Agora, 2011). Je ne m’imaginais pas un tel engouement… Passage sur France-culture dans le Nouveaux Chemins de la connaissance, interview sur Judaïques FM, passage sur France 2 le 6 mars de 9h30 ) 10 h, demande d’interview sur France 3, Radio Nissan (Nice) cet après midi, etc…

    En résumé, je rappellerai cette prédiction, suivie d’effet, de Mikhaïl Gorbatchev sur ceux qui méconnaissent le sens de l’Histoire et qui seront balayés par le vent de l’histoire… Comme en Egypte et en Tunisie. Et prochainement en Libye.